L’ambition de cette série d’entretiens de « Femmes dans le Vent », réalisée par energiesdelamer.eu, est de connaître/comprendre le parcours professionnel d’une personnalité du monde de l’énergie, de l’eau, au moment de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service d’un développement durable 2021-2030. Les questions portent sur les étapes franchies par l’interviewée, de sa formation à son poste actuel avec un point d’actualité sur le développement des énergies renouvelables en mer et de ses secteurs affiliés.
Cette série a aussi pour ambition de donner envie à d’autres de découvrir différents métiers à travers les parcours de femmes qui participent à la construction d’un nouveau monde au sein de l’immense filière de l’énergie.
Proposée par energiesdelamer.eu en partenariat avec et , cette série convie un large lectorat à découvrir les parcours de femmes engagées au sein de la filière de l’énergie et de la mer.
Promotion 2022
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Les 9 Interviews-portraits de 2022, première année de la série
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Tine Boon, Tractebel
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Yara Chakhtoura, Vattenfall Eolien
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Delphine Robineau, Copenhagen Offshore Partners
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Carine Tramier, Présidente du Corimer,présidente de WeEvolen, présidente de la filiale du groupe SOFRESID Engineering
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Anne Catherine de Tourtier, directrice générale de Nordex France
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Susann Dutt, spécialiste de l’électrification à quai et consultante indépendante en développement durable
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Valérie Layan, Présidente monde du secteur transport d'énergie - Schneider Electric
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Sophie Panonacle, députée de Gironde (8ème circonscription)
Tine Boon, Responsable des énergies renouvelables de Tractebel Head of Renewables
Yara Chakhtoura, Directrice générale de Vattenfall Eolien
Carine Tramier, Présidente de la filiale du groupe SOFRESID Engineering
Anne Catherine de Tourtier, directrice générale de Nordex France
Susann Dutt, consultante en développement durable, membre du comité exécutif d’EOPSA
Valérie Layan, Présidente monde du secteur transport d'énergie - Schneider Electric
Sophie Panonacle, députée de Gironde (8ème circonscription)
À paraître (très) prochainement :
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Belgique – 08/03/2022 – energiesdelamer.eu. Entrée chez Tractebel en 2006, Tine Boon y a successivement occupé différents postes, tous dans les énergies renouvelables. Après des projets nationaux et internationaux dans l’énergie renouvelable onshore, elle a été impliquée comme experte et chef de projet dans plusieurs projets d’éolien en mer, notamment pour Engie dans le cadre du premier appel d’offres français, pour Mermaid en Belgique ou encore dans le cadre du premier appel d’offres néerlandais (Borssele).
Depuis 2015, elle occupe différentes fonctions de team manager, qui lui valent aujourd’hui de prendre la responsabilité de l’ensemble de l’équipe renouvelable et des projets en cours. A ce titre, Elle aura en charge l’élaboration de la stratégie et du positionnement de Tractebel dans ce domaine. Une partie importante de sa mission concerne les énergies renouvelables offshore, non seulement l’éolien offshore posé, mais également les nouvelles technologies telles que l’hydrogène offshore, le solaire flottant et l’éolien flottant.
Energies de la mer – Qu’est-ce qui vous a amenée à faire carrière dans l’énergie ?
Tine Boon – Elevée dans une famille d’ingénieurs, j’ai toujours été intéressée par les débats autour de l’énergie, et j’aspirais à me faire ma propre opinion sur le sujet. Après des études comportant pas mal de mathématiques, j’ai hésité avec des métiers moins technologiques, mais par la suite, portée par les encouragements de mon environnement, j’ai finalement choisi l’ingénierie. Avec option « énergie », car c’est là que se concentraient les enjeux du durable qui m’intéressaient. Et c’’est pour continuer de les explorer que je suis entrée en 2006 chez Tractebel. Pour quiconque s’intéresse à l’énergie, le foisonnement d’expertises au sein du bureau d’études de l’opérateur historique, Electrabel, est un atout extraordinaire.
Après quelques mois dans le secteur des centrales à charbon, j’ai vite basculé vers les énergies renouvelables.
A l’époque, un esprit d’entrepreneuriat dominait ce monde des EnR. Les personnes qui y travaillaient étaient réellement motivées par la volonté de changer le monde. Et c’était un secteur en pleine expansion, offrant de multiples opportunités de prendre des responsabilités.
Quelles ont été les étapes marquantes de votre carrière en tant que femme ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir eu une carrière très différente de celle qu’aurait pu avoir un homme. Mais, j’ai toujours osé dire « oui » lorsque les occasions se sont présentées. De caractère « leader » plutôt que « manager » je n’ai pas hésité à prendre des responsabilités quand ma responsable de l’époque est partie en congé maternité pour quelques mois. En acceptant des responsabilités, on se donne confiance à soi-même tout en prouvant aux autres qu’on est capable de les assumer. Or c’est peut-être un comportement que les hommes adoptent plus naturellement que les femmes. En revanche, très attirée par les systèmes complexes tels que le solaire à concentration, j’aurais dû m’expatrier dans des pays du sud de l’Europe pour continuer à travailler sur ces énergies, ce que je n’ai pas souhaité. D’où ma ré-orientation vers les énergies marines, tout aussi complexes ! Et en pleine émergence en mer du Nord et en mer Baltique.
Diriez-vous que certaines qualités managériales sont typiquement féminines ?
Je pense qu’on a tendance à nommer à des positions importantes des personnes exclusivement dédiées à leur vie professionnelle, que ce soit des hommes ou des femmes. En revanche, Il y a une grande différence de perception entre une femme et une mère. En général, c’est quand vous devenez mère que, à la fois dans votre vie professionnelle, mais aussi dans votre vie privée, on commence à vous expliquer que certaines choses ne seront pas possibles. Pour ma part, je pense au contraire être devenue plus performante professionnellement en devenant mère, car le fait d’avoir d’autres perspectives, d’autres contacts, permet de mieux appréhender le monde dans sa complexité. En tant que femme et mère, il faut d’abord se respecter soi-même sans essayer de coller à l’image qu’on attend peut-être de vous. Il faut être consciente de ses compétences mais aussi de ses limites. Et, par exemple, ne pas être disponible 24h/24 et 7 j/7, mais s’organiser et fixer ses priorités.
Comment avez-vous identifié l’évolution du solaire flottant ?
C’est l’interprétation des tendances du marché qui m’a amenée à l’idée du solaire flottant en mer, et du projet MPVAQUA (Marine floating PV*). Après quatre ans de recherche, l’idée ne semble plus si folle et nous sommes quasiment assurés de trouver les technologies adéquates. Quant aux coûts de cette technologie, étant donné la rapidité avec laquelle ceux du photovoltaïque diminuent ces dernières années, je n’ai aucune inquiétude sur leur évolution. La seule incertitude qui nous reste à lever, c’est l’impact sur l’environnement. Ce sujet fera du reste bientôt l’objet d’une étude scientifique.
Quelle est la situation des femmes dans l’énergie ?
Il reste encore du chemin à parcourir pour qu’elles soient vraiment acceptées dans ce monde. Bien sûr, certaines sont parvenues à des postes de responsabilité, mais à presque toutes on a, à un moment donné, tenté de les en dissuader, voire de les aiguiller vers d’autres métiers.
Alors qu’il y a quelques années j’étais dans une équipe quasiment mixte, au dernier salon Wind Europe de décembre 2021 j’ai été étonnée de la grande proportion d’hommes présents. Le monde de l’éolien en mer est particulier. Largement issu du secteur oil & gaz, il embarque la population, plutôt masculine, qui y domine de longue date. La bonne nouvelle c’est que ces entreprises ont compris l’intérêt du renouvelable. L’éolien en mer, en particulier, progresse rapidement et partout dans le monde, puisqu’une centaine de pays s’y intéresse maintenant chaque année, les prévisions du GWEC sont corrigées à la hausse. Mais il semble que nous avons perdu en diversité, et même dans l’approche inventive qui caractérisait les renouvelables à leurs débuts.
Aujourd’hui, les gouvernements et les industriels ont compris que le monde est en danger et on observe une vraie volonté d’agir. Mais on entend beaucoup dire qu’on fait « tout ce que l’on peut ». Alors que l’on devrait faire « ce qu’il faut ». Puisqu’on ne sait pas ce qui sera possible ou non dans trois ans, il faut conserver la vision la plus ouverte possible. Et l’ouverture, c’est ce qui distingue les équipes caractérisées par une certaine diversité, notamment entre hommes et femmes, mais pas seulement.
© David Plas – Tractebel
Interview : Dominique Pialot
Proposée par energiesdelamer.eu en partenariat avec et , la série «Femmes Dans le Vent» vous convie à découvrir les parcours de femmes au sein de la filière de l’énergie.
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France – 04/04/2022 – energiesdelamer.eu. A quarante ans à peine, déjà plusieurs postes de direction à son actif et une solide expérience de l’éolien en mer, cette franco-libanaise dirige Vattenfall Eolien, la filiale française du groupe suédois Vattenfall et la commission éolienne en mer de France énergie éolienne (FEE). « Chez Vattenfall, être une femme est un non-sujet ».
Quelle formation vous a menée vers le monde de l’énergie ?
Yara Chakhtoura – Encouragée et poussée par ma mère qui, n’avait pas fait d’études, souhaitait que ses filles aient le choix, j’ai suivi des études supérieures d’ingénieure. Mais, j’ai choisi de compléter mon diplôme de Centrale Paris par un master en gestion du changement climatique à Oxford. Cette expérience, qui répondait aussi à une envie d’international, m’a permis de m’ouvrir à d’autres enjeux que ceux exclusivement scientifiques et d’acquérir une vision plus globale et pas seulement technique. Nous étions une trentaine d’étudiants de 25 nationalités et je conserve de très bons souvenirs de cette diversité culturelle. Et aussi des activités associatives qui, dans les pays anglo-saxons, font partie intégrante de la formation. C’était un grand changement par rapport aux classes préparatoires françaises, où les étudiants voient si peu le jour qu’on les surnomme des « Taupes ».
Quelle voie vous a attirée à la sortie de ce double cursus ?
YC – A partir de là, j’aurais pu m’orienter vers la recherche ou une organisation internationale telles que le PNUE (1), comme le faisaient une partie de mes camarades. Mais j’ai choisi l’entreprise. J’ai rejoint LEK, un cabinet de conseil en stratégie auprès de grandes entreprises et de fonds d’investissement, en tant que consultante en énergie et environnement, avec le souhait de ne pas tout de suite me spécialiser. C’était dans la ligne de mon mémoire sur l’adaptation des entreprises au changement climatique pour le CDP Climate disclosure project (2). Il montrait qu’à l’époque, ces sujets ne sortaient pas des plans de gestion de risques standards. Cette expérience très riche, qui m’a menée jusqu’au bureau du cabinet international L.E.K à Sydney en Australie, m’a permis de me frotter à de multiples problématiques et de multiples secteurs. Et Clare Chatfield, l’associée qui dirige l’activité Energie/Environnement a été la première femme dirigeante que j’ai croisée dans ma carrière. Avoir de tels exemples autour de soi évite de se poser des questions. Cela étant, ce sont aussi bien mes patrons hommes que femmes qui m’ont poussée vers l’avant et ont été essentiels à mon évolution.
Vous avez ensuite occupé différentes responsabilités au sein d’AREVA TA
YC – En effet, à partir de 2010, je me suis occupée de stratégie et de business development pour le groupe. Anne Lauvergeon a donc été la deuxième patronne de ma vie professionnelle.
Puis au sein de la division Energies renouvelables, dans le cadre du premier appel d’offres éolien offshore français (en 2011), j’ai pris, à moins de 30 ans, la direction de l’offre Iberdrola côté Areva. Le projet a remporté le parc de Saint-Brieuc. Pour le deuxième appel d’offres (lancé en 2013), Engie et EDPR, Areva était partenaire toujours avec son éolienne, ont remporté les deux parcs de Dieppe Le Tréport et de Yeu-Noirmoutier en Normandie.
Après la vente de l’activité à Gamesa, Areva m’a proposé de rejoindre AREVA TA (3), en tant que Directrice du commerce et des partenariats industriels » pour la propulsion nucléaire (pour sous-marins ou les petits réacteurs civils pour la recherche médicale, par exemple). Une activité dirigée, là encore, par une femme, Carolle Foissaud.
J’y ai aussi dirigé l’établissement de Saclay et des sites distants d’un total de 220 personnes et géré des enjeux de santé et sécurité au travail. Après les renouvelables et l’international, cette expérience au sein d’une entreprise très française, chez qui je pense avoir contribué à insuffler un regard international, a été une forme de choc culturel. J’ai beaucoup appris sur ce que signifiait appartenir à une équipe de direction.
Pour quelles raisons êtes-vous revenue vers les énergies renouvelables ?
YC – Areva TA est ensuite devenu indépendant et de mon côté, j’ai rejoint Vattenfall en avril 2018 en tant que directrice générale des activités renouvelables en France. La France est le seul pays dans lequel Vattenfall est implanté (depuis plus de 20 ans) sans y disposer de sa propre production d’énergie. Notre priorité de développement va à l’éolien en mer, où le groupe a déjà développé 12 parcs dans 5 pays (4). Nous avons aussi de l’expérience dans les parcs hybrides regroupant solaire, éolien et batteries, ou encore la production d’hydrogène en mer.
Quels enseignements tirez-vous de vos parcours au sein d’entreprises françaises et scandinaves ?
YC – Aujourd’hui, la hiérarchie de Vattenfall énergies renouvelables est féminine de haut en bas. Vattenfall applique une politique complètement égalitaire, et le fait d’être une femme est un non-sujet, ce qui est la meilleure chose qui puisse nous arriver. Cette différence est culturelle. Les entreprises suédoises comptant beaucoup plus de femmes dirigeantes, notamment en raison d’une grande diversité des parcours de formation dans les pays nordiques comme dans les pays anglo-saxons. En France, les dirigeants sont essentiellement issus d’écoles d’ingénieurs, où l’on ne compte que 10 à 15% de filles. Autre source d’inégalité dans l’accès aux fonctions de direction en France, où l’implication professionnelle est autant récompensée que les performances.
Comment avez-vous vécu le fait d’être une femme dans votre propre parcours ?
YC – Même si à ce jour mon parcours a été balisé par la présence de femmes dirigeantes, elles restent minoritaires dans l’énergie. Dans les énergies renouvelables, les femmes sont plus nombreuses que dans l’énergie en général, mais les dirigeantes y sont encore rares.
En parallèle de ces repères féminins, j’ai évolué dans un monde très masculin. J’ai souvent été la seule femme et la seule jeune, et connu des situations dans lesquelles il faut d’abord prouver que vous maîtrisez le fond du dossier pour faire changer le regard que l’on porte sur vous.
Dans un monde où les femmes sont rares, elles sont plus rapidement repérables et identifiées, et les hommes apprécient cette compagnie où n’existe pas le même rapport de force. En revanche, les femmes peuvent souffrir d’un sentiment d’illégitimité que leur renvoient certains hommes. Par ailleurs, j’ai souvent entendu les dirigeantes critiquées pour leur dureté, alors que ce reproche n’est jamais fait aux hommes. C’est difficile pour les femmes de trouver leur propre style de management, mais les rares femmes dirigeantes nous ont permis à nous « femmes », qui les avons suivies, d’être un peu plus nous-mêmes.
Pour ma part, j’estime que c’est grâce aux quotas, que je peux siéger à des conseils d’administration et je pense qu’on a encore besoin de quotas pour forcer le système. Mais « Chez Vattenfall, être une femme est un non-sujet ».
Les récentes décisions nationales et européennes en matière d’énergie vous rendent-elles optimiste ?
YC – Avec le Green Deal porté par Franck Timmermans, les élus européens sont passés de la complaisance à des objectifs de concrétisation. En France en particulier, le rapport de RTE (sur les scenarii de neutralité carbone d’ici à 2050, ndlr) a apporté de la rationalité au débat en permettant de sortir du clivage entre renouvelables et nucléaire. Le discours d’Emmanuel Macron à Belfort le 9 février 2022 allait d’ailleurs dans ce sens. (Ndlr – Les réactions de FEE et du SER au discours du Président Emmanuel Macron de ne plus opposer le nucléaire et les énergies renouvelables est une thématique rappeler une nouvelle fois dès le lendemain lors du One Ocean Summit à Brest).
De façon générale, les annonces sont toujours plus positives, mais malheureusement, encore trop souvent, on ne parvient pas à faire ce qu’on dit.
Pour l’éolien en mer, cela passe par la planification, annoncée lors du CIMer début 2021 et toujours pas effective. Grâce aux lois ESSOC et ASAP, le cadre est plus approprié, mais on doit encore gagner du temps sur les recours.
Il faut néanmoins continuer d’explorer toutes les pistes pour simplifier, améliorer et accélérer encore les procédures et impérativement viser d’avoir au plus vite une planification réellement globale, nationale et systémique, servant de base à un « programme éolien en mer » comme on a eu un programme nucléaire dans les années 1970/80.
(1) Programme des Nations unies pour l’environnement
(2) Carbon Disclosure Project est une organisation qui publie des données sur l’impact environnemental des plus grandes entreprises. Elle est basée au Royaume-Uni
(3) La société TechnicAtome, anciennement Technicatome, puis Areva TA, est l’ancien département de construction des piles du CEA, célèbre pour la conception, la construction et l’exploitation du premier réacteur à eau pressurisée français
Interview : Dominique Pialot
Proposée par energiesdelamer.eu en partenariat avec et , la série «Femmes Dans le Vent» vous convie à découvrir les parcours de femmes au sein de la filière de l’énergie.
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France - 20/04/2022 - energiesdelamer.eu. Après un début de carrière dans l’oil & gaz, la jeune ingénieure décide de se tourner vers les énergies renouvelables. Elle monte actuellement son équipe pour la filiale française de Copenhagen Offshore Partners (COP) dont elle vient de prendre la tête, et aura également la charge de développer de nouveaux marchés en Europe.
Vous avez entamé votre carrière sur une plateforme pétrolière, ce n’est pas commun pour une femme…
Delphine Robineau - En 2007, je sors diplômée de l’INSA de Lyon. J’ai choisi cette école d’ingénieur sans prépa en réaction au milieu très exclusif et sélectif du lycée Hoche de Versailles, où j’ai terminé ma scolarité au gré des déménagements familiaux. L’hébergement séparé entre filles et garçons favorisait la constitution de groupes de copines, mais il est vrai qu’en cours de génie mécanique, nous étions nettement moins nombreuses. Mon stage en recherche appliquée m’ayant prouvé que ce n’était pas fait pour moi, j’ai donc opté pour l’entreprise Schlumberger, leader des services dans l’oil & gaz. Je dois énormément à cette entreprise qui m’a donné l’opportunité de travailler à l’international, à des postes variés généralement réservés aux hommes, et dans lesquels je me suis beaucoup épanouie. D’abord sur les drill floors des plateformes pétrolières en mer du Nord, où j’étais en charge des explosifs et des équipements de contrôle des flux en fonds de puits. S’il était compliqué sur le plan pratique d’organiser mon hébergement au milieu d’une équipe d’hommes, je ne me suis jamais sentie rabaissée en tant que femme. Ni esseulée, mais au contraire très proche de mon équipe. Face à certaines limites physiques en revanche, j’ai dû faire preuve d’agilité pour trouver des solutions alternatives
Avez-vous enchaîné avec d’autres postes de terrain ?
DR - J’ai ensuite fait un passage par le siège parisien de Schlumberger avant d’accéder à d’autres postes de management. Là, j’ai vu de près ce qu’est la politique interne d’une grande entreprise, j’ai compris l’importance d’avoir un bon réseau, de savoir gérer les priorités et de maîtriser la gestion de crise. Cela m’a ouvert les yeux sur le monde des dirigeants et j’y ai perdu un peu de ma naïveté.
Puis, j’ai été nommée en Algérie sur un camp de base en plein désert. Ce poste représentait pour moi un vrai challenge, un saut à la fois technologique et managérial. Je garde un excellent souvenir de cette aventure humaine de deux ans, pendant lesquels j’ai encadré une équipe opérationnelle de 45 Algériens de tous âges, qui connaissaient bien mieux que moi les techniques, les clients et le pays. Le management m’a manifesté une grande confiance avec ce poste, et j’ai très bien été introduite auprès de l’équipe. De mon côté je n’ai pas adopté une attitude d’experte, j’étais là pour faciliter les choses, les aider à s’améliorer, mais aussi apporter de la reconnaissance à leur savoir-faire. Il y avait une vraie cohésion des équipes et une très bonne coordination managériale. Le désert c’est un peu comme une plateforme en mer. Seuls, ceux qui y ont été ou qui y partagent votre quotidien, peuvent comprendre ce que l’on y vit.
Mais en 2016 vous décidez de quitter l’oil & gaz pour le monde des énergies renouvelables
DR - Oui, entretemps j’étais repartie en Ecosse dans un poste de responsable grands comptes. Cela m’a d’ailleurs demandé plusieurs mois pour me faire à ce nouveau rythme. Mais ma décision de quitter le secteur un an après la COP21 a sans doute été la première qui m’appartenait vraiment. J’avais d’abord essayé de faire changer les choses dans mon quotidien mais cela n’était évidemment pas suffisant. J’ai donc décidé de basculer des énergies fossiles aux renouvelables par conviction, et motivée par le besoin de mettre mon énergie au service d’une solution d’avenir.
Bien qu’il y ait eu à l’époque un plan de licenciement ouvert par Schlumberger, j’ai dû démissionner fin 2016 car l’entreprise ne souhaitait pas se séparer de moi, et ce d’autant plus que le pourcentage de femmes managers faisait partie des objectifs de management.
Où avez-vous commencé cette deuxième vie professionnelle ?
DR - Bref, peu après mon retour en France, début 2017, j’ai été engagée par RES (Ndlr aujourd'hui Q'Energy) pour être en charge de la gestion de projets éoliens terrestres. Un poste avec moins de responsabilité et un salaire plus bas que ce que j’avais quitté, mais je savais que ce serait le prix à payer pour changer de secteur. J’ai dû m’adapter à une entreprise très française et au marché de l’éolien onshore, avec tout ce que cela suppose de spécificités en termes de technologie et réglementation.
Ma nomination en charge de l’offshore en octobre 2019 a été concomitante avec le début de l’executive MBA à l’ESCP Europe que j’avais décidé de suivre pour acquérir une meilleure maîtrise de la finance stratégique, pour faire progresser l’agenda des renouvelables et, en tant que femme jeune, pour contribuer à améliorer la diversité dans les instances dirigeantes du monde de l’énergie. Heureusement, l’interruption des déplacements à cause du Covid m’a permis de mener les deux de front. J’ai d’abord brièvement travaillé sur le projet de Saint-Brieuc - car RES était en train de revendre ses parts à Iberdrola, désormais actionnaire à 100% d’Ailes Marines. Puis j’ai pu utiliser ce que j’apprenais en initiant la stratégie de l’activité O&M Offshore (Opération & Maintenance des parcs éoliens en mer). J’y ai surtout passé un an à monter le partenariat Océole (candidat à l’AO5 pour un parc éolien flottant en Bretagne Sud, ndlr.) avec RES, Equinor et Green Giraffe. C’est un partenariat très complémentaire. J’ai recruté toute l’équipe côté RES, que j’ai encadrée avec l’objectif, largement atteint d’ailleurs, de faire prendre la mayonnaise entre les différents experts et de les faire monter en compétences ensemble. Ce partenariat, c’est vraiment mon bébé, ça n’a pas été facile de le quitter.
Pourquoi avoir quitté RES ?
DR - J’ai rejoint COP (Copenhagen Offshore Partners) en début janvier 2022 pour y créer la filiale française et prendre la direction du développement de nouveaux marchés européens. COP travaille main dans la main avec CIP (Copenhagen Infrastructure Partners), le plus grand fonds d’investissement infrastructure du monde. Ce sont deux entreprises agiles, composées d’équipes de séniors (dont d’anciens dirigeants d’Ørsted), qui pilotent des experts indépendants sélectionnés localement. L’équipe que je suis en train de recruter sera opérationnelle cet été. Elle préparera l’AO6 (éolien flottant en Méditerranée) et s’intéressera au marché français en général. En revanche, je ne m’occupe pas de l’AO5, pour lequel COP et CIP sont en lice avec ENI (tout comme Océole, le partenariat monté par Delphine Robineau pour RES, ndlr).
J’aurai également la charge d’autres marchés européens, avec en tout premier lieu celui de l’Espagne.
Vous venez de participer à WindEurope qui se tenait à Bilbao. Quels sont les enseignements que vous en avez retirés ?
DR - Oui effectivement, c’était 3 journées très chargées. L’agenda politique européen est très ambitieux, et les récentes annonces des gouvernements sont très encourageantes pour la filière de l’éolien en mer. La guerre en Ukraine renforce la volonté politique, cependant il reste beaucoup de travail pour que les cadres réglementaires et la planification permettent de les atteindre. Les difficultés exprimées par les industriels, notamment les turbiniers, doivent aussi nous mobiliser pour préparer et soutenir l’ensemble de la chaine de valeur au niveau européen. C’est vraiment une filière passionnante, aux multiples facettes et enjeux !
COP21* qui a vu la signature de l’accord de Paris sur le climat, en décembre 2015 signé par 175 parties (174 États et l'Union européenne)
Interview : Dominique Pialot
Proposée par energiesdelamer.eu en partenariat avec et , la série «Femmes Dans le Vent» vous convie à découvrir les parcours de femmes au sein de la filière de l’énergie.
Après avoir débuté sa carrière chez Bouygues Offshore, rachetée par Saipem en 2002, Carine Tramier préside désormais sa filiale SOFRESID Engineering, société d’ingénierie globale intervenant dans les domaines du Naval, de l’Energie, de l’Amont et de l’Aval pétrolier, de la Chimie, de la Sidérurgie, des Bâtiments et des Infrastructures. Elle est également membre des conseils d’administration d’EVOLEN (où elle a co-fondé WE (Women Energy) EVOLEN pour promouvoir le rôle des femmes dans l’écosystème des énergies) et du SYNTEC Ingénierie, du conseil d’orientation de l’ENSTA Paris et du Comité ministériel de pilotage « Grands fonds marins ». Depuis le début de l’année, elle a également pris la présidence du CORIMER (Conseil d’orientation de la Recherche et de l’Innovation de la filière des industriels de la mer).
Quelles études avez-vous choisies ?
J’ai démarré par des études en recherche opérationnelle à une époque où l’intelligence artificielle commençait à éclore. J’ai toujours été particulièrement intéressée par les sciences appliquées, pour leur apport concret dans la vie quotidienne. Je préférais la physique aux mathématiques mais je leur ai trouvé une utilisation concrète : la modélisation mathématique dans l’aide à la prise de décision. Cependant j’ai démarré trop tôt, à l’époque la puissance de feu des ordinateurs était loin d’être suffisante pour assouvir les besoins. Je suis depuis avec attention le développement du digital, même si l’expérience m’a fait prendre mes distances avec l’IA toute puissante et avec une confiance illimitée à la machine.
Mon stage de fin d’études en planification et ordonnancement m’a permis de découvrir le monde de l’Offshore et des grands projets au sein du groupe Bouygues, qui reste une formidable école du terrain. J’ai ensuite logiquement complété mon cursus par un Master en Management de projet. Après le rachat de Bouygues Offshore par l’italien Saipem, un grand ensemblier d’infrastructures complexes dans le domaine des énergies, j’ai également suivi un executive MBA en Italie, à la Bocconi et à Politecnico Milano. Cette expérience m’a laissé un excellent souvenir des échanges multiculturels à Milan, et m’a permis de rédiger dès 2008 un mémoire en trinôme sur le GNL flottant : « New business through innovation: potential of the floating LNG Plants ». Un sujet qui n’avait rien d’évident à l’époque, et l’occasion de rencontrer des personnes passionnantes et visionnaires avec lesquelles la collaboration s’est avérée formidable.
Quelles ont été vos premières expériences professionnelles ?
Dès le début, la société m’a fait confiance, en me laissant rapidement encadrer des équipes en autonomie et en m’envoyant à l’étranger. J’ai ainsi vécu ma passion : ingénieur projet pour toucher à la plupart des composantes de l’entreprise au-delà de l’aspect technique (estimation, planning, méthodes, négociation, risques), chef de projet avec une expérience internationale sur des chantiers à terre et en mer, notamment sur une barge en pleine mer au Nigeria mais également au Cameroun, au Congo, en Corée et au Qatar. Poser du pipeline dans les marécages nigérians est une formidable aventure humaine quand on est jeune, ingénieur et femme sur chantier.
Puis j’ai pris la direction d’entités comme le project management, la supply chain et la qualité sur projet. La partie opérationnelle m’a toujours passionnée, même si j’ai également intégré une dimension plus Corporate en Italie.
Justement, comment avez-vous vécu ces expériences en tant que femme ?
J’ai rapidement été intégrée par les « vieux briscards » et j’en garde un souvenir ému. J’ai toujours ressenti un respect mutuel. Sur les chantiers, les relations sont plus vraies, plus cash que dans les bureaux. Je n’ai ressenti le fait d’être une femme comme un désavantage que lorsque je n’ai pas pu accéder aux postes de management auxquels je pouvais prétendre aux Emirats ou en Corée, mais il s’agissait alors plutôt de critères d’ordre culturel.
Je rends ici hommage aux quelques mentors qui ont jalonné ma carrière, tous des hommes il est vrai, mais qui ne m’ont jamais fait sentir de différence.
Quand je rencontre des jeunes filles en quête d’orientation, je me veux rassurante. Le fait d’être une femme dans le monde très masculin de l’énergie n’est pas discriminatoire, au contraire. Au pire, en tant que femme, on suscite de la curiosité mais il faut savoir en jouer sans surjouer, se comporter de façon naturelle sans tenter d’imiter les hommes, et se faire respecter. La mixité en entreprise est reconnue comme gage de performance de nos jours. Nos métiers sont passionnants et peu communs, on peut en être fières. Si on en a envie (mais seulement dans ce cas, il ne faut pas se forcer non plus), il ne faut pas laisser les préjugés prendre le dessus ou accepter de s’enfermer dans un carcan culturel. Il faut au contraire OSER et être actrice de son évolution. A compétences égales, rien d’impossible ! On ne le dira jamais assez, seules les compétences et les qualités humaines comptent. Sans oublier la notion de rôle modèle, de personnes auxquelles s’identifier, qui est cruciale dans nos choix.
Est-ce dans cet esprit que vous avez co-fondé WE EVOLEN ?
C’est en effet ce qui m’a motivée dans la co-fondation de WE (Women Energy) EVOLEN il y a 3 ans. Ce comité, que je préside aujourd’hui et qui vise à promouvoir la mixité en sensibilisant les acteurs clés des entreprises adhérentes d’EVOLEN – l’association française des entreprises et professionnels au service des Énergies – est tout particulièrement destiné aux femmes travaillant dans des PME/TPE qui ne disposent pas ou difficilement de réseau. Nous leur ouvrons notre carnet d’adresses. Et il est ouvert aux hommes. Je respecte les mouvements féministes qui ont été actifs quand il le fallait, mais je pense qu’aujourd’hui la solution réside plus dans l’acceptation mutuelle, dans l’inclusion que dans la stigmatisation.
WE EVOLEN est un lieu d’échange professionnel et de communication, de partage de bonnes pratiques et d’expériences entre les entreprises et les différents réseaux. WE est spécifiquement mentionnée dans l’avenant au contrat de filière des industriels de la mer.
Ce comité organise des événements mensuels d’échange avec des « rôle modèles » ; un programme de mentoring inter-entreprises, dont les participants peuvent être aussi bien des hommes que des femmes ; la remise du WE Award pour distinguer une PME/TPE qui choisit l’égalité professionnelle pour évoluer, ou encore une enquête panorama sur le positionnement des femmes dans les entreprises du secteur des énergies.
Rejoindre WE, c’est bénéficier de la force du réseau : « Nos rencontres et nos énergies conjuguées nous rendent plus fortes ! ».
Diriez-vous qu’il existe une façon spécifiquement féminine de manager ?
Il ne convient pas selon moi de s’enfermer dans une typologie de management. En tous cas, je n’entrerai pas dans le débat du style féminin plus que masculin. Bien manager, c’est avant tout être à l’écoute, répondre aux sollicitations, guider, faire confiance aux équipes et faire en sorte que l’on grandisse tous ensemble. Les collaborateurs sous votre responsabilité en savent souvent plus que vous dans leur domaine d’expertise, il faut avoir l’humilité de le reconnaître et valoriser ces talents. Tout réside dans la capacité à coordonner et à sublimer. Pour être crédible, il est primordial de faire écran pour ses équipes et les défendre. Il s’agit d’être en première ligne pour les critiques extérieures mais de savoir relayer les compliments. Enfin, j’ai coutume de dire que le ou la meilleur(e) manager est celui ou celle dont on ne remarque pas l’absence sur le court terme car il ou elle aura su insuffler la dynamique nécessaire au bon fonctionnement de l’équipe.
Bien entendu, des limites doivent être fixées, des objectifs, des rappels à l’ordre parfois, mais un climat de confiance mutuelle et la motivation pour un but commun aident à minimiser ces moments délicats. Ça peut sembler cliché mais ça fonctionne, et cela ne revêt aucune notion de genre.
Vous présidez le CORIMER depuis le début de l’année, avec quelle ambition ?
Ce conseil d’orientation en recherche et innovation, dont je reconnais avoir découvert le rôle lorsque l’on m’a proposé le poste, est tout jeune et pourtant solide. Jean-Georges Malcor en a été le président-fondateur en 2018. Il m’a été expliqué qu’il s’agissait d’une instance de dialogue et d’orientation des aides publiques et des projets, un organe de liaison État-filière, … mais cela restait un peu vague dans mon esprit. Depuis, certains aspects ont été clarifiés et le processus de maturation se poursuit. Je souhaite conforter son rôle de tiers de confiance en lien avec les feuilles de route technologiques au-delà de l’AMI CORIMER ; d’entité consolidatrice incluant la dimension technologique en vue de l’appui à la structuration de la filière ; de maître d’œuvre de l’AMI et d’instance de dialogue pour coordonner les discussions et décisions entre l’État et l’Institut MEET 2050 porté par le Cluster Maritime Français, dont le mode de fonctionnement reste à clarifier. Par ailleurs, il nous faut préciser comment privilégier les industriels français, quel rôle doivent y jouer les énergéticiens, comment y impliquer les ensembliers, les équipementiers, etc.
Quel regard portez-vous sur la politique climatique menée par la France et l’Europe ces dernières années ?
Je ne me prononcerai pas sur la politique européenne car il y a déjà fort à dire sur celle de la France. La prise de conscience de l’urgence climatique est réelle, et France 2030 l’a intégrée dans la relance. L’enjeu est le développement continu d’une politique industrielle qui s’appuie sur les territoires et leur tissu de PME-TPE, assurant ainsi autonomie stratégique et souveraineté au pays. Je me réjouis de voir que la composante maritime a été mise à l’honneur lors du récent One Ocean Summit, mais il faut maintenant sortir des effets d’annonce et donner les moyens à la filière des industriels de la mer d’accélérer son développement, au même titre que celle du nucléaire ou de l’hydrogène par exemple. Aller plus loin dans le mix énergétique avec l’éolien flottant, encourager les bateaux et les ports zéro émission, simplifier le cadre règlementaire pour favoriser l’entreprenariat, etc. Les conclusions du dernier CIMer ouvrent d’autres perspectives, notamment celle du développement des énergies marines renouvelables et tout particulièrement celle des grands fonds marins, qui méritent la même considération que le spatial en son temps. C’est ce dont nous parlons en tant que personnalités qualifiées lors des réunions du Comité ministériel de pilotage (CMP) Grands Fonds Marins. Tout en faisant les choses bien sur les plans de l’empreinte environnementale et de l’acceptabilité sociale et sociétale, il nous faut passer rapidement à l’acte. Nous ne sommes pas les seuls à nous y intéresser, donc il faut y aller, et vite. En adoptant dès la phase amont une vision industrielle, en anticipant l’existence d’un marché rentable…et pour ce faire le rôle de la commande publique est central.
Grâce à nos capacités opérationnelles en recherche et en innovation, en ingénierie, en fabrication, en opérations, etc. nous avons une fenêtre de tir dans l’exploration, ne la laissons pas passer. Il faudrait pouvoir communiquer sur les grands fonds aussi bien qu’on sait le faire sur l’espace, trouver notre Thomas Pesquet !
POINTS DE REPÈRE
entend ce Jeudi 28 avril 2022 :
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France - 11/07/2022 - energiesdelamer.eu. Cette franco-allemande, qui a effectué l’essentiel de sa carrière chez Nordex, est depuis décembre 2021 à la tête de la fédération France énergie éolienne (FEE), où elle entend œuvrer à l’élaboration d’une vraie politique française de la transition énergétique.
Après un début de carrière à l’ONU, vous avez voulu faire une incursion dans le privé et 20 ans plus tard, vous êtes toujours chez Nordex…
Anne-Catherine de Tourtier -.
Une mère diplomate, une enfance passée en partie en Chine et en Inde, un bac à Bruxelles et des études à Sciences-Po suivies d’un MBA aux Etats-Unis…tout cela me destinait en effet plutôt au monde des organisations internationales. J’ai d’ailleurs passé deux ans à l’ONU en début de carrière. Je ne voulais faire qu’une incursion temporaire dans le privé, mais la vie est bien faite, puisque des rencontres m’ont donné l’opportunité de travailler dans l’éolien. Or, ce secteur s’est avéré être un monde très attachant, un piège où je suis ravie d’être restée depuis 20 ans. Alors que mon projet d’origine était de quitter la France, pourtant, même en occupant des postes à dimension internationale chez Nordex, j’ai finalement toujours été basée à Paris.
Comment percevez-vous la situation des femmes selon les pays que vous avez connus ?
Les situations varient beaucoup. En Inde, une femme peut être Premier Ministre, mais la situation de la femme dans la société en général est compliquée. A l’inverse de la France, en Allemagne une femme doit souvent choisir entre vie professionnelle et personnelle. En général, celles qui veulent faire carrière hésitent à avoir des enfants. Alors que pour ma part, je suis persuadée qu’être mère a contribué à mon épanouissement, m’a permis de gagner en recul, maturité et sérénité. Au final, ma société a bénéficié du fait que je sois aussi une mère.
Comment avez-vous vécu votre évolution professionnelle en tant que femme ?
J’étais enceinte lorsque l’on m’a proposé un poste de direction générale, on ne peut donc pas dire que j’ai été discriminée. C’est par conviction que j’ai choisi la filière éolienne. Ensuite, Nordex m’a toujours offert des opportunités, j’ai pu développer des projets et des activités et j’ai eu la chance de pouvoir faire bouger les choses. Encore aujourd’hui, je suis la seule femme dans le top management de l’entreprise. J’aime avoir des responsabilités, prendre les choses en main, construire avec mes équipes…
Vous n’êtes pas ingénieure de formation, c’est plutôt rare à la tête d’une entreprise de l’énergie…
J’ai occupé plusieurs postes au sein de l’entreprise, du commercial au développement de projets. Aujourd’hui, je suis responsable de l’ensemble de la région « méditerranée ». Mais on est aussi capable d’apprendre et de s’entourer de profils complémentaires. C’est le principe même d’une équipe. De ce point de vue, j’ai plutôt une approche anglo-saxonne. Là-bas, vous pouvez suivre des études d’archéologie et vous retrouver banquière. Quoi qu’il en soit, hommes et femmes confondus, je considère que les non-ingénieurs ont toutes leurs places dans les énergies renouvelables.
Diriez-vous qu’il existe un style de management spécifiquement féminin ?
Si on généralise, on peut sans doute dire que nous avons une façon différente de faire, je pense nous sommes plus intuitives. Individuellement, nous devons avoir conscience de ces différences, en être fières et penser complémentarité. Et cette complémentarité entre hommes et femmes fait toute la richesse des équipes mixtes. J’ai toujours eu des femmes au sein de mes équipes et j’en ai promu. Mais il faut rester attentive à faire les bons choix, être une femme ne suffit évidemment pas !
En revanche, je pense qu’il ne faut surtout pas essayer de nous comporter comme des hommes. Personnellement, j’apprécie la courtoisie dont certains font preuve vis-à-vis des femmes, qui n’a rien à voir avec le sexisme. Mais dans un contexte où les relations entre les genres sont de plus en plus bridées, comme c’est le cas aux États-Unis, les hommes peuvent craindre les réactions de certaines femmes, ce qui conduit à un appauvrissement de la relation.
Vous êtes à la tête de France Energie Eolienne depuis décembre 2021, quelle est votre ambition à ce poste ?
J’entends contribuer à bâtir une vraie vision politique et sociale de long terme des énergies renouvelables, et plus largement de la transition énergétique, impliquant une transformation sociétale profonde. Nous faisons actuellement face à des enjeux majeurs en termes de sécurité d’approvisionnement, auxquels l’éolien peut apporter une contribution significative. L’éolien préserve le pouvoir d’achat des Français, et permet à l’État de faire des économies, ce dont Bercy commence à se rendre compte. Mais il y a un vrai sujet de permis de projets éoliens terrestre à débloquer, beaucoup de décisions de justice qui ne sont pas appliquées…Par ailleurs le repowering, qui permettrait de dé-densifier certaines régions tout en produisant plus (en remplaçant des éoliennes obsolètes par des turbines beaucoup plus puissantes, ndlr) est freiné par des contraintes administratives.
Sur l’éolien en mer, l’ambition affichée est forte, mais on a 10 ans de retard. Maintenant qu’un tiers des capacités industrielles européennes sont situées en France, il faut mettre en place les moyens nécessaires pour concrétiser cette ambition : des cadencements de 2 GW par an mais aussi un processus de concertation avec une planification claire et transparente par façade.
Question bonus : Comment informer les jeunes pour les orienter vers des métiers liés au développement durable et aux technologies d'avenir ?
Les énergies renouvelables sont déjà dans les programmes scolaires et c’est une excellente chose. Notre jeunesse a bien compris les enjeux qu’elle va avoir devant elle, et il est important d’avoir conscience qu’il y a des solutions.
D’ailleurs, nous organisons tous les ans autour du 15 juin des visites de parcs éolien, de façon à ce que chacun puisse s’approprier l’énergie du vent.
L’année prochaine, nous travaillons à la mise en œuvre de visites dédiées au public scolaire, axées autour de la pédagogie et de l’information sur l’éolien. Car voir c’est comprendre et toucher c’est appréhender la réalité. Nos jeunes sont avides de ces modes d’apprentissage qui permettent de se forger une opinion solide, basée sur l’idéal de la pédagogie : la théorie et l’expérience ».
Belgique – 05/09/2022 – energiesdelamer.eu. C’est la rentrée et la série de portraits « Femmes dans le vent » reprend avec une interview de Susann Dutt, spécialiste de l’électrification à quai et consultante indépendante en développement durable.
Susann Dutt a travaillé durant 20 ans sur des questions stratégiques de durabilité, notamment en accélérant la mise en œuvre de l’alimentation électrique terrestre (OPS) à haute tension dans le port de Göteborg ainsi qu’à l’international. Susann Dutt, est devenue consultante indépendante en durabilité en 2018. Sa passion pour la durabilité et sa longue expérience de la défense de l’OPS à l’échelle internationale ont fait d’elle une bonne candidate pour rejoindre l’EOPSA – Association européenne de l’alimentation électrique terrestre.
Qu’est-ce qui vous a incitée à étudier le commerce international ?
SD – Mon intérêt pour les langues, l’ouverture sur d’autres pays – notamment l’espagnol que j’ai étudié dès l’âge de 13 ans – et le sentiment que ce type d’études était un excellent tremplin pour poursuivre une carrière autour des questions internationales. J’ai quitté Stockholm pour Göteborg afin de faire un MBA en commerce international.
Dans ce cadre, j’ai eu l’occasion d’étudier en Espagne et au Royaume-Uni, avant de me rendre au Costa Rica pour réaliser mon travail de thèse : Une étude socio-économique sur la volonté de payer pour l’amélioration de la qualité de l’eau. Pendant huit semaines, nous avons interrogé au total 300 familles en espagnol. Ce travail de thèse a été financé par l’Agence suédoise pour le développement international et était le premier d’une longue série liée aux défis du développement durable, et qui sont maintenant appelés les ODD – Objectifs de développement durable.
30 ans plus tard, je vis toujours à Göteborg, sur la magnifique côte ouest de la Suède, et je travaille dans le domaine du développement durable.
Que s’est-il passé ensuite ?
SD – Dès le début, j’étais déterminée à travailler sur des questions qui font une différence pour la société. Pendant les dix premières années de ma carrière, j’ai travaillé sur des questions environnementales stratégiques dans différentes entreprises et différents secteurs. Au cours des 15 dernières années, j’ai élargi le champ d’application de ma profession aux trois dimensions de la durabilité – la responsabilité environnementale, sociale et économique d’une entreprise.
En 1998, vous avez rejoint le port de Göteborg, où vous êtes restée pendant près de 20 ans. Comment s’est passée cette expérience dans un univers essentiellement masculin ?
SD – Pendant mon séjour au port de Göteborg, je n’ai jamais eu l’impression d’être traitée différemment parce que j’étais une femme – même lorsque je suis entrée dans l’entreprise en tant que femme enceinte ! – Je n’ai pas non plus traité les membres de mon équipe en fonction de leur sexe. Nous avons toujours été capables de travailler ensemble dans un respect mutuel. Bien sûr, dans toutes les équipes, il peut y avoir des tensions, mais cela n’est pas lié au fait d’être un homme ou une femme.
Et dans la communauté portuaire plus largement ?
SD – Au début des années 2000, les événements nationaux ou internationaux rassemblaient principalement des hommes en costume. Mais cette situation a progressivement évolué vers une plus grande diversité. Mais lorsque le port de Göteborg a pris la tête de la World Ports Climate Initiative (WPCI) liée aux OPS (alimentation électrique à terre / Onshore Power Supply) en 2007, aux côtés des ports d’Amsterdam, du Havre, d’Anvers et de Rotterdam notamment, j’étais la seule femme. Cependant, je n’ai jamais considéré cela comme un problème ou je ne me suis pas sentie discriminée, j’ai plutôt perçu le contraire.
En ce qui concerne l’organisation des événements, je pense que les organisateurs doivent faire tout leur possible pour assurer un meilleur équilibre entre les orateurs et les modérateurs masculins et féminins – On peut nettement améliorer cette répartition !
Il y a quelques années, vous êtes devenue consultante indépendante. Pourquoi ?
SD – Je voulais me concentrer à 100 % sur les questions de durabilité, qui sont ma passion ! Aujourd’hui, je conseille et inspire des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs dans leur transition vers des entreprises plus durables et plus compétitives. L’agenda européen dans ce domaine est ambitieux et l’évolution prochaine des réglementations impliquera des changements majeurs dans tous les secteurs. Les défis sont énormes et l’ambition des entreprises en matière de durabilité n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui.
Même si je n’appartiens plus à une seule équipe, j’ai de nombreuses occasions de travailler en équipe avec un large éventail de personnes formidables chez mes différents clients.
Pourquoi avez-vous rejoint l’EOPSA il y a 18 mois ?
SD – EOPSA est fortement liée à mon expérience antérieure de l’électrification des navires à quai – Onshore Power Supply (OPS). Pendant près de 20 ans, j’ai participé à la mise en œuvre de l’OPS dans le port de Göteborg qui, en 2000, est devenu le premier port au monde à offrir cette technologie à haute tension aux navires commerciaux.
Pendant cinq ans, j’ai été chef de projet pour le projet international d’alimentation électrique à terre dans le cadre de la World Ports Climate Initiative et j’ai également été un promoteur passionné de la technologie lors de nombreuses conférences portuaires internationales au fil des ans.
En outre, je suis heureuse d’être de retour sur la scène portuaire internationale, une communauté que j’apprécie beaucoup. Aussi, lorsque Roland Teixeira (fondateur de l’EOPSA, ndlr) m’a contacté, je n’ai pas hésité. C’est une excellente occasion de donner un nouvel élan à la mise en œuvre de l’OPS, qui a été assez lente, et, ce faisant, d’améliorer la qualité de l’air local, de réduire le bruit et de relever le défi climatique.
En réunissant un écosystème d’acteurs clés importants tels que les entreprises énergétiques, les fournisseurs de technologie, les autorités portuaires, les villes et les opérateurs maritimes, EOPSA pense qu’il est possible d’accélérer la mise en œuvre de la technologie.
France - 16/11/2022 - energiesdelamer.eu. Rediffusion le 30/12/2022 - Venue des télécoms, Valérie Layan, responsable du secteur de marché Transports chez Schneider Electric, mène le défi de décarboner les grandes infrastructures telles que les quais d'un port, un process d'aéroport ou une gare intelligente. Entretien exclusif.
Une business woman au parcours éclectique et performant. D'ingénieure dans les télécoms, elle s'est vite convertie aux affaires et à l'innovation. Elle se trouve aujourd’hui à la tête d’un secteur innovant à l'interface de l’énergie, du service et de la digitalisation. Investie dans le grand défi de la transition énergétique, elle s'emploie à réussir celui de la décarbonation des équipements de transports et le verdissement des ports. Objectif : réduire de 55% les émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Une échéance non négociable pour la dirigeante !
Quelle était votre formation avant d’intégrer l’École nationale supérieure d'électricité et de mécanique puis la London Business School ?
Valérie Layan : Après un Bac C obtenu dans un lycée public en région parisienne, j'ai fait prépa Math sup, Math spé M pour devenir ingénieure. J'ai choisi cette école polytechnique en Lorraine (ENSEM). Cette voie ne me faisait pas peur, j'avais la capacité et l'ambition. J'avais hésité avec l'enseignement, mais c'est un métier qui a peu de reconnaissance. Mon père était lui-même ingénieur technique à la Télévision, à la SFP (Société française de production) aux Buttes Chaumont. Il faut inciter des jeunes lycéennes à se lancer dans des études d'ingénierie.
Quand j'ai été diplômée en 1990, j'avais plutôt un profil informatique industrielle qui pouvait s'appliquer à l'armée. J'ai d'ailleurs fait un stage chez Dassault Aviation, sur les bus embarqués sur les Rafale. J'aurais dû travailler dans le secteur militaire mais il y a eu la guerre du Koweit, les investissements ont été gelés. Je me suis retrouvée dans les télécoms, un peu par hasard .
Que retenez-vous de votre formation qui vous éclaire encore aujourd'hui ?
Les études de Math sup, Math spé sont très compétitives. En école d'ingénieurs, j'ai apprécié qu'on valorise le travail collaboratif, l'entraide, l'esprit d'équipe. J'aime aussi la compétition, j'aime gagner. Mais je suis convaincue que la formation d'ingénieur apporte une grande faculté d'adaptation. Cette capacité m'a permis de rebondir plusieurs fois dans ma carrière. Je suis passée de la R&D dans le secteur des télécoms, à un poste de technico-commerciale dans l'énergie. Aujourd'hui, je suis plutôt une business leader.
Quel a été votre parcours professionnel ?
La première partie de ma carrière s'est déroulée dans les télécoms, sur l'essor de la téléphonie mobile. J'ai commencé chez Nortel en R&D et j'ai vite évolué vers les services. A 34 ans, alors que j'avais des responsabilités de direction, j'ai bénéficié d'une formation professionnelle à la London Business School pour évoluer vers le technico-commercial international. J'ai alors développé le marché du mobile en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
Passée ensuite chez Alcatel pour étendre la 3G et la 4G, j'ai remporté des marchés en Arabie Saoudite et aux Emirats.
A 45 ans, j’ai rejoint Colt, l'opérateur de réseaux utilisés notamment par les banquiers de la City. J'y ai aussi vécu une super aventure de stratégie commerciale avec un mix de cultures et d'idées, entre Paris et Londres. Mais hélas ce monde des télécoms a décliné par la destruction de la chaîne de valeurs et une stratégie uniquement basée sur la baisse des coûts.
Savoir rebondir avec ses atouts vers un secteur porteur
Je me suis alors tournée vers le secteur porteur de l'énergie, en rejoignant Schneider Electric en 2014. Avec mon profil multi-facettes, j'ai pu valoriser mes compétences pour développer des stratégies de business, créer des nouveaux secteurs de marché. Mon fil conducteur c'est la relation client, j'aime rechercher les solutions à leurs besoins, travailler en co-création, les guider pour définir leur stratégie.
Quel est votre métier, quelle est votre fonction aujourd’hui ?
J'ai un métier business au contact du client dans un environnement technique. Depuis 2018, j'assure la direction mondiale du secteur de marché (segment) des transports. C'est-à-dire que je suis en charge de toutes les infrastructures de transport où il y a de l'électrification ou des automatismes industriels : aéroports, métros, transports urbains, chemins de fer, ports, routes (tunnels, ponts, péages, parkings...). C'est une activité qui pèse presque 1 milliard sur les 27 de chiffre d'affaires de la société.
Cette troisième dimension des Transports s'ajoute à celles de Pays et de Lignes de produits. Ce nouveau modèle organisationnel a été voulu par notre PDG, Jean-Pascal Tricoire, pour s'adresser davantage aux utilisateurs finaux. A ceux qui veulent électrifier les quais d'un port, un process d'aéroport ou une gare intelligente, nous sommes capables de proposer une solution pertinente pour interconnecter leurs activités grâce aux technologies numérique. Dans un rôle de prescription, nous accompagnons ainsi toute la chaîne de valeurs.
Notre organisation matricielle permet d'intégrer toute la complexité d'un segment, en développant tous les aspects techniques et commerciaux. Nous couvrons aujourd'hui une vingtaine de régions du monde. Notre business a été multiplié par 3.
Quel type de management avez-vous mis en place ? Comment dirigez-vous vos équipes commerciales, techniques, assurance qualité ?
C'est un management participatif et inclusif, attaché à des valeurs. J'aime travailler avec des acteurs différents. Je veille à déléguer, à accorder de l'autonomie, à responsabiliser les équipes.
Pensez-vous que l'ensemble des ports européens, français en particulier, pourront atteindre les objectifs de décarbonation, par l'électrification à quai notamment, en 2030 ? Cette échéance est-elle réaliste ?
Cela me paraît ambitieux mais réaliste. C'est de toute façon une obligation de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. C'est non négociable, il faut y aller ! Toute une filière doit se mobiliser, d'autant qu'elle peut s'appuyer sur des financements publics français et européens. Les compétences existent, les solutions sont là, il n' y a pas de barrière technique. Il faut mettre en ordre de bataille les autorités portuaires, les opérateurs portuaires, les villes, les fournisseurs d'énergies. La difficulté tient plus dans la mise en musique de tout cet écosystème, de réussir à faire coopérer tous les acteurs et que chacun trouve sa place.
Pour répondre aux nouveaux besoins des ports demain, on devra fournir une masse importante d'électricité, on n'y arrivera pas sans l'apport d'énergies vertes.
A mon sens c'est une stratégie en trois points : d'abord intensifier l'électrification à quai. Apporter aussi des solutions numériques connectées, digitaliser pour être plus efficace. Ensuite, compléter par un mix d'énergies renouvelables.
A terme, une ville portuaire devrait être en mesure de produire et de consommer sa propre énergie.
Quel est votre conseil donneriez-vous aux femmes qui travaillent ou souhaitent travailler dans la filière des énergies renouvelables ?
Le même conseil qu'aux hommes. Mobilisez-vous dans cette filière professionnelle sur l'enjeu crucial des énergies. C'est passionnant, c'est vertueux de travailler dans cette industrie !
Que peut-on vous souhaiter ?
D'embarquer le plus de monde possible dans ce challenge d'accompagner les ports dans leur verdissement. Dans cinq ans, j'aimerais pouvoir me dire que j'ai contribué à ce défi climatique du siècle, que j'ai apporté ma pierre à l'édifice.
Propos recueillis par Marguerite Castel
France - 12/12/2022 - energiesdelamer.eu. Sophie Panonacle a un parcours professionnel qui n'était pas censé la mener sur les bancs de l'Assemblée Nationale. Elle s'est éveillée à la protection de l'environnement en organisant un salon à Bordeaux, en 2000, où elle a recréé la dune du Pilat. Puis elle a saisi la vague "En Marche", décroché son élection de députée de la 8e circonscription de la Gironde, en juin 2017. Elle s'est vite aguerrie à l'exercice.
Pour son deuxième mandat (groupe Renaissance), elle a toujours à cœur de sensibiliser le parlement aux enjeux maritimes, à l'économie bleue et au développement des énergies renouvelables. Cette fois, en responsabilité d'un Conseil National de la Mer et du Littoral renforcé et à la mise en œuvre de la stratégie nationale n°2.
Entretien exclusif, quelques jours après sa nomination qui date du 5 décembre dernier.
Quel est votre parcours ?
Sophie Panonacle : « J’ai un parcours très simple. Je n’ai pas fait de longues études universitaires. J’ai commencé par un DEUG de droit, puis un BTS d’assistante de direction en alternance. Ce BTS était spécialisé en Vins et Spiritueux, et j’aurai pu continuer en œnologie. Mais j’avais besoin de travailler, mes parents ne pouvaient pas financer de longues études.
J’ai alors effectué une année de professionnalisation en management commercial, puis j’ai intégré une agence de communication publique à Bordeaux. J’ai pris en charge la partie événementielle et lancé, en juin 2000, le 1er salon de l’environnement à Bordeaux. Sur la place des Quinconces, nous avions recréé la dune du Pilat, la forêt des Landes avec le lac d’Hourtin. C’est un moment très important dans notre parcours professionnel avec mon époux. Pour la seconde édition, nous avions accueilli Jacques Chirac qui disait déjà « La maison brûle et nous regardons ailleurs ». C’est ce que nous avons vu avec effroi cet été sur la dune du Pilat qui s'est formée il y a 4 000 ans et qui est fragilisée.
Comment êtes-vous entrée en politique ?
En 2017, lorsqu'Emmanuel Macron a lancé un appel fort aux femmes, juste après son élection. Il nous a incité à demander l’investiture aux législatives. Il souhaitait autant que possible respecter la parité. Je suis attachée aux droits des Femmes, à l'égalité Femmes-Hommes, j’ai donc décidé de candidater. J’ai été investie sur le bassin d’Arcachon et élue quelques semaines plus tard, le 18 juin 2017. Voilà comment je me suis retrouvée députée à l’Assemblée Nationale !
Lors de votre premier mandat de députée, vous aviez créé un groupe de travail, la Team Maritime. Etait-ce une volonté de former et de sensibiliser les députés à l'économie bleue ?
Absolument ! Mon premier travail de parlementaire était rapporteure de l’évaluation de la loi Économie Bleue. Lorsque j’ai achevé ma mission, j’ai ressenti une vraie attente des élus du littoral et j’ai continué à les accompagner, à les aider. C’est ainsi que la Team Maritime est née sous la forme d'un groupe de travail. Nous sommes parvenus à maritimiser l’Assemblée Nationale ! En juin dernier, j'ai donc demandé la création d'un nouveau groupe d'études : mer et littoral. Je souhaite associer les deux termes car le littoral fait le lien terre-mer.
Vous aviez un projet de loi sur le littoral qui n’a pu être présenté lors de la précédente mandature. Que prévoyait-il ? Comptez-vous poursuivre ce cap ?
Il s’agissait de proposer des outils permettant aux collectivités locales des zones côtières de lutter contre le phénomène de l’érosion. Ces outils avaient été repris par la ministre Barbara Pompili dans le cadre de la loi Climat et Résilience. Cependant, toute la partie du financement n’avait pas été retenue. Or il est nécessaire de légiférer aussi sur la création d'un fonds érosion côtière. Aucune collectivité n’est en capacité de financer par elle-même l'adaptation de son territoire. J’avais déposé une proposition de loi dans ce sens en fin de mandature. Je vais relancer le processus. Chaque commune soumise à l'érosion côtière devrait pouvoir soumettre son projet d’adaptation au ministère de tutelle. L'État financerait tout ou partie. C'est important que les collectivités locales soient accompagnées au-delà des outils. Les fonds sont là, ils peuvent être réévalués chaque année. Mais cela s’inscrit aussi dans la solidarité nationale, au même titre que les catastrophes naturelles. Une majorité de Français, au-delà de la population côtière, profite de nos littoraux aujourd’hui.
L'autonomie énergétique est un autre enjeu à caractère d'urgence et la France est en retard sur le développement des énergies renouvelables. Quelles solutions énergétiques vous semblent les plus prometteuses à présent ?
Je plaide pour un mix énergétique. Quand le Président de la République dit que nous avons encore besoin du nucléaire, je le suis. Nous avons également besoin de l’éolien, de l’éolien en mer – posé aujourd’hui, flottant demain – et il faut soutenir ces projets. Le partage de l’espace est important et il faut respecter tous les usages. Nos pêcheurs sont en grande difficulté, il faut continuer à les aider mais pas au détriment du développement de l’éolien en mer. J’en suis persuadée. Nous avons d’autres sources d’énergies renouvelables qu’il faut continuer à développer. Le photovoltaïque, par exemple, mais sans faire n’importe quoi. Il n’est pas question de raser des forêts pour en installer, c’est un non-sens. On peut en installer en ville, sur des surfaces commerciales ou sur des toits. Nous avons voté en ce sens et apporté des assouplissements législatifs. Pour l’installation sur des friches industrielles, c’est en cours. Il y a beaucoup à faire pour bien développer les énergies renouvelables, qu’elles soient terrestres ou marines. Et il faut vraiment s'en donner les moyens !
Vers un parlement national de la mer ?
Vous venez d’être réélue présidente du bureau du Conseil national de la mer et du littoral (CNML). Dans la précédente mandature, vous souhaitiez une plus grande reconnaissance du travail de cette instance. Vous aviez également pointé du doigt le manque de moyens humains et une trop faible représentativité des régions. Est-ce un nouveau départ pour cette instance ?
Je crois sincèrement que nous repartons sur de nouvelles bases. La volonté de redynamiser cette instance a été clairement exprimée par Hervé Berville, secrétaire d’État à la Mer.
J'étais candidate à cette réélection avec le soutien de l’Association nationale des élus du territoire (ANEL) et je la reçois comme un gage de confiance. A mes côtés, le bureau agit sur le même principe qu'une commission permanente.
Pierre Maupoint de Vandeul, élu vice-président, saura apporter une dimension sociale à nos travaux grâce à son profil d'officier de Marine marchande et de président du syndicat CFE-CGC Marine.
Comment qualifier cette instance ?
J’aime bien l’idée d’une évolution du CNML vers un véritable « parlement national de la mer ». Notre mission première c'est la mise en œuvre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), son suivi et son évaluation. Nous serons en lien avec les quatre grandes façades maritimes (Manche Est-Mer du Nord, Nord Atlantique-Manche Ouest, Sud Atlantique, Méditerranée). Plusieurs régions ont déjà fait le choix de créer leur parlement pour travailler sur les sujets de la mer et du littoral.
Le CNML continuera à être obligatoirement consulté sur les décrets relatifs à la gestion du domaine public maritime, ainsi que sur les priorités d’intervention de l’État. Nous avons également un rôle de proposition auprès du gouvernement.
Le CNML va-t-il contribuer à écrire la révision de Stratégie nationale de la mer et du littoral ? Son ancrage territorial est-il plus fort ?
Oui, plus que jamais il a cette vocation. Le ministre a fixé, lors de la plénière, la feuille de route et l’agenda. Hervé Berville a fixé le cap de mi-2023 pour adopter une stratégie nationale autour de trois priorités : les énergies marines renouvelables, la protection de la biodiversité marine et le développement de l'économie maritime.
Au CNML, nous serons effectivement mobilisés dès le début 2023 pour la construction de la Stratégie nationale pour la mer et le littoral n°2. Les comités de façades vont plancher également.
Aurez-vous une autonomie qui vous permette d’influencer réellement le Gouvernement ?
Je veux le croire, sinon à quoi servirions-nous ? Nous devrons tenir compte des spécificités de chaque zone maritime qu'elles feront remonter par leurs documents stratégiques de façades. Nous devrons les intégrer dans une démarche de planification maritime. C’est, à mon avis, la bonne méthode pour avancer, notamment, pour choisir la localisation des parcs éoliens en mer, en considérant les contraintes et usages propres à chaque zone.
Je préférerai que notre avis qui est encore consultatif aujourd’hui, évolue demain vers un avis conforme, dont on serait obligé de tenir compte. C’est une piste que je souhaite proposer à la Première ministre, Elizabeth Borne, la présidente du CNML.
Votre proposition de résolution invitant le gouvernement à défendre un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins est-elle toujours d'actualité ?.
Cette proposition de résolution sera débattue dans l’hémicycle le 17 janvier prochain. Je soutiens ce texte dont je suis la première signataire pour le groupe parlementaire Renaissance. J’aurai l’occasion d’intervenir publiquement. Je rappellerai alors les engagements du Président de la République pour l’interdiction de l’exploitation des fonds marins.
Propos recueillis par Marguerite Castel