France – 31/12/2024 – energiesdelamer.eu.

Le réseau des Conseils de développement bretons a organisé début décembre une journée d’information lors des « 6èmes Assises citoyennes et régionales de la Mer et du Littoral ».

Interviews d’Albert Billon et de Guy Jourden, respectivement Président du Conseil de Développement du Pays de Cornouaille et Président du Conseil de développement de la Métropole et du pays de Brest.

La journée s’est déroulée alternativement en séances plénières et atelier. Les thèmes abordés : le débat public « La Mer en débat » qui s’est déroulé de novembre 2023 à avril 2024, le parc éolien en mer de Saint-Brieuc d’Ailes Marines / Iberdrola France … et naturellement le lauréat de l’appel d’offre Bretagne sud (AO5) « Pennavel », projet qui se met en place est l’objet d’attention et de nombreuses interrogations.

« Sans vouloir donner de leçons à personne, car c’est complexe et d’apparence contradictoire, je crois que nous, organisations citoyennes (on partage ça avec les syndicats, CGT et CFDT notamment, et le CESER par exemple), avons toute légitimité pour prolonger le débat et la discussion, pour aider les décideurs….à décider ! Au bout du débat, à la vue des évolutions (technologiques, financières, industrielles etc…), les arbitrages se feront en meilleure connaissance de cause. On aura joué notre rôle. Eclaireur et sentinelle. Dialectique quant tu nous tiens »…. Albert Billon

Quel est le retour d’expérience des 6 èmes Assises citoyennes et régionales de la Mer et du Littoral 2025 ?

Albert Billon : La principale réussite de cette journée aura été de réussir à enjamber, à la fois la fin du débat public national (novembre 2023 – avril 2024) et l’annonce cartographiée de la France, de sa stratégie maritime de façade dédiée à l’éolien offshore et à son ambition de décarbonation de sa politique énergétique à l’horizon 2035 et 2050 (octobre 2024). Nous étions aussi dans l’attente des résultats de l’appel d’offres Méditerranée (AO6).

Dans un contexte de turbulences politiques invraisemblables sur le plan national, nous avons su garder le cap, sur la nécessité de maintenir le débat ouvert. Notamment à tous ceux qui n’arrêtent jamais de nous exposer leurs lignes rouges. Une très grande majorité d’acteurs seraient favorables au développement de l’éolien en mer, pour contribuer à une souveraineté énergétique décarbonée, mais parmi cette très grande majorité d’acteurs (pêcheurs, associations environnementales, militaires, élus locaux…), beaucoup considèrent encore qu’il faut le faire ailleurs que chez nous. Pas en Bretagne sud, pas en nord Bretagne…. Seuls les industriels, s’appuyant sur les intentions affichées par l’Etat, semblent se féliciter des possibles appels d’offres à venir.

En gardant le débat ouvert, nous avons pris l’engagement d’y revenir régulièrement (tous les 2 ans°). Quand on voit, très récemment encore, la remise en cause récurrente du recours au débat public pour tous projets d’importance environnementale (mine au lithium, éolien en mer, bassine etc…), nous avons bien fait d’exercer notre pouvoir (devoir) de vigilance.

Je suis convaincu que l’acceptabilité des décisions politiques et la « supportabilité » des conséquences qui en découlent, seront demain au cœur de notre modèle démocratique. Tout gouvernement et autres assemblées parlementaires, tout élu local ou régional, qui voudrait s’en affranchir, pourrait avoir à le regretter.

Nous, assemblées citoyennes organisées, défendons l’intérêt général, c’est-à-dire la somme de tous les avantages d’une politique volontariste : décarbonation, autonomie énergétique, création d’emplois et de valeur ajoutée, aide à la transition technologique (propulsion, batterie, hydrogène etc…), dynamiques territoriales. Contre une défense frileuse et conservatrice d’intérêts particuliers.

Le réseau des Conseils de Développement bretons a démontré sa capacité à mobiliser (plus de 200 personnes présentes), à être crédible en permettant l’expression de toutes les sensibilités dans le respect des différences. Sans heurts ni invectives.

Si rien n’est définitivement acquis, notre rôle de sentinelle citoyenne est peu contestable.

Qu’attendez-vous de Pennavel, lauréat de l’Appel d’offres Bretagne sud sur son application à développer une chaîne de valeurs en Région Bretagne conformément à ses engagements dans le cadre de la Charte Breiz Content ?

Guy Jourden : Pennavel s’est exprimé dans l’Atelier 4 qui portait sur «l’impact de l’éolien en mer sur le développement économique et social de la Région Bretagne»

Elicio & BayWa r.e., producteurs d’énergies renouvelables ont créé un partenariat pour répondre au premier appel d’offre du parc éolien flottant de 250 MW de Groix Belle-Ile (AO5). Un second appel d’offre de 500 MW a été lancé cette année.

Pennavel n’a pas encore tranché sur la technologie des flotteurs de type semi-submersible ~80 m de large ~30m de haut ~ 20.000t béton (ou ~5000t acier). Cela déterminera en partie les types d’emplois et les ports sollicités. Ces choix techniques et commandes (flotteurs, éoliennes, ancrages… se feront début 2028. La construction du Parc est prévue sur 2030-2031 avec une mise en service en 2032.

Le consortium a réaffirmé sa volonté contribuer à développer une filière industrielle française et locale dédiée à l’éolien en mer et de maximiser les retombées économiques et les emplois locaux. Pennavel est signataire de la « Charte d’engagement du contenu local » avec les clusters industriels régionaux français et travaille avec les clusters industriels locaux (BOP, BPN, IPL…) et les organisations professionnelles (CCI Bretagne). Afin, Pennavel a confirmé que les ports de Brest, Lorient et Saint Nazaire seront impliqués dans les différentes phases de fabrication et d’assemblage.

Le label « Breizh content » du cluster Bretagne Pôle Naval

Il faut rappeler, que Pennavel s’est engagé à consacrer € 20 millions pour l’environnement (mesures Eviter-Réduire-Compenser et Suivre) et la biodiversité, ainsi que € 5 millions pour le développement d’activités socio-économiques liées au projet en régions Bretagne et voisines.

Enfin, le consortium promet de confier à des PME une part minimum de 10% des études, de la fabrication des composants, des travaux à terre et en mer et de l’entretien, la maintenance et l’exploitation du parc éolien. 500 000 heures seront consacrées  à l’insertion professionnelle (personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles.

Pour le conseil de développement de Brest Métropole, est-ce un exemple de projet créateur d’emplois pérennes ?

On peut l’espérer, mais il faudra rester vigilant sur la tenue de ces engagements et c’est pourquoi les Conseils de développement et leurs réseaux bretons et 44 souhaitent un débat continu comme le préconise également la CNDP (Ndrl. une réunion de concertation est prévue le 7 janvier 2025 à Lorient).

Par leur expertise territoriale et leur composition (société civile organisée et citoyens), ils peuvent organiser des débats locaux sur l’éolien en mer et les autres énergies marines.

Les projets appels d’offres AO9 et AO10 se profilent ?

GJ : Avant, il est impératif que le nouveau gouvernement, et en particulier Marc Ferraci ministre de l’industrie qui a récupéré l’énergie et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique et qui hérite de la mer, tiennent les engagements de l’Etat sur la tenue des calendriers de lancement et d’attribution des AO7 à AO10». Ils doivent aussi permettent aux citoyens d’être associés à la décision publique.

Pour l’AO10, il semble que la station de conversion de l’interconnexion électrique du projet Celtic Interconnector (France Irlande) de RTE et EirGrid facilitent le lancement rapide du projet de parc éoliens flottants en Bretagne Nord Ouest. Quelles conditions convient-il de mettre en place pour que les entreprises locales et régionales soient en mesure d’absorber au niveau de l’emploi sur les dix prochaines années ses nouvelles infrastructures de production électrique ?

Pour l’appel d’offre n°9 , le gouvernement a sélectionné les candidats. Ils seront 12 pour les 4 projets : les extensions des AO5, éolien flottant entre 450 et 500 MW installés pour l’extension Bretagne Sud, éolien posé et flottant, AO6 2 parcs flottants en Méditerranée – et l’AO7 en Sud Atlantique au large d’Oléron entre 1000 et 1250 MW.

Baywa.r.e et Elicio qui avaient remporté le premier parc flottant de Bretagne Sud (AO5) se sont séparés. Elicio reste seul et Baywa.r.e a formé un consortium avec Q Energy et Kansaï Electric. On peut s’interroger sur la suite en Bretagne Sud en fonction des résultats de l’appel d’offre. La plateforme de raccordement en mer sera commune mais les choix de technologie peuvent être différents et créer des difficultés pour les ports retenus.

Pour L’AO10 le gouvernement a publié un décret annonçant pour le début 2025 ce dixième appel d’offre d’une puissance de 8-10 GW avec une part de 60 % d’éolien flottant. Deux projets de 2 GW sont prévus en posé en Manche, 2 projets de 2GW en flottant l’un en Bretagne Nord Ouest l’autre en Méditerranée et 1 parc de 1,2 GW flottant en façade Sud Atlantique.

D’autres appels d’offre suivront pour une mise en service en 2040 notamment en Bretagne Nord Est et aux Roches Douvres (en posé).

Pour notre façade NAMO, il s’agit donc de définir très rapidement, sous l’égide des préfets coordonnateurs et des présidents de la CRML , une zone d’AO d’environ 2 GW (350 km2) au sein de la zone prioritaire Bretagne Nord Ouest, en préparation de l’appel d’offres n°10.

 

Le choix prioritaire de la zone d’AO Bretagne Nord Ouest (horizon 2035) repose également sur la possibilité pour RTE de raccorder sans difficulté les 2 GW des parcs sur le poste de la Martyre de RTE (près de Landerneau) qui accueillera également fin 2026 le câble Celtic Inter-Connector venant d’Irlande  575 Km – 700 MW en courant continu et absorbe également la production de la centrale à gaz de Landivisiau (446 MW).

La production peut être évacuée vers le Sud Bretagne (poste de Calan relié à Plaine Haute) et Nantes (Cordemais) par une ligne aérienne double circuits de 400 000 volts.

L’Ouest breton et le Sud Bretagne seront donc fortement sécurisés par ces différentes sources de production.

La production des parcs Est Bretagne, Roches Douvres et Jersey Guernesey (horizon 2040) nécessitera un renforcement du réseau breton et sans doute un raccordement vers le Cotentin.

On voit que les volumes d’investissement prévus dans ces appels d’offre vont nécessiter de nombreux travaux et des emplois pérennes et de qualité dans tous les domaines. Les ports proches des parcs vont être sollicités pour la construction des flotteurs, l’assemblage, les ancrages, la maintenance.

Là encore le débat doit se poursuivre sur tous les sujets pour impulser à partir de cette énergie verte un développement social et économique respectueux de l’environnement et de la biodiversité dans tous les territoires. Les conseils de développement sont prêts à y participer.

Qu’en est-il des autres énergies marines ?

AB – Bien évidemment, si nous avons dédié cette journée du 3 décembre au développement de l’éolien offshore, nous n’oublions pas les autres ressources que la mer peut nous apporter en matière d’énergie positive. En particulier, pour la Bretagne, le soutien à l’expérimentation engagée à l’époque par SABELLA avec l’hydrolienne D10**, en fonctionnement continue depuis avril 2022 dans le courant du Fromveur à proximité d’Ouessant. Pour les îles du Ponant, c’est une chance que l’Etat et les industriels doivent soutenir. Les efforts déjà déployés, notamment par HydroQuest et les chantiers navals de Normandie, et les premiers résultats ouvrent la voie à de nouvelles fermes hydroliennes, au-delà du raz Blanchard par exemple.

De la même manière, la force houlomotrice peut représenter ici et là des réponses territoriales adaptées. On peut ainsi regretter que l’expérimentation un moment envisagée du côté d’Audierne (Groupe Legendre) n’ait pas été suivie d’effets. D’autres sites sur le littoral breton pourraient néanmoins supporter de nouveaux projets. Si la mer peut nous apporter une part non négligeable d’énergie décarbonée, il nous faut aussi penser stockage et batterie. Et soutenir la recherche en matière d’hydrogène, ressource infinie…..

 

Propos recueillis par Brigitte Bornemann

 

Complément d’informations

° Albert Billon : « Nous avons acté avec les services de l’Etat (DREAL Bretagne) et du Conseil Régional de Bretagne, que cette question d’un développement de l’éolien offshore, en particulier sur la façade NAMO, méritait un suivi régulier. Nous avons proposé, sans le définir précisément, que le réseau breton des Conseils de Développement pourrait l’organiser, par exemple tous les 18/24 mois, pour un état des lieux d’avancement des projets. Compte tenu des impacts locaux possibles et à venir, Morlaix ou Paimpol pourraient être des sites possibles d’accueil. Mais, soyons clairs, rien à ce jour n’est décidé. Juste une volonté de ne pas s’arrêter en chemin ».

°° L’hydrolienne D10, première hydrolienne connectée à un réseau en France, a été rachetée en octobre 2024 par Inyanga Marine Energy Group qui continue à l’exploiter.

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