France – 02/12/2024 – energiesdelamer.eu.
C’était le seul représentant de la filière EMR à la 26ème journée mondiale des pêcheurs.
Bertrand Fazio, expert du développement de projets EMR confie son point de vue à energiesdelamer.eu.
Petite séance de rattrapage…
Très intéressante 26ème journée mondiale des pêcheurs, organisée par Alain Le Sanne co-président du Collectif Pêche et Développement, jeudi dernier, à l’Université Bretagne Sud (UBS) à Lorient sur le thème des Aires Marines Protégées.
On pouvait y croiser une classe de pêcheurs étudiants du Guilvinec, des étudiants de l’UBS, des chercheurs, Margaret Nakato, coordinatrice du Forum mondial des pêcheurs et directrice du WFF (World Fishworkers Forum), Karim Sall, un pêcheur sénégalais de Joal, président de la plateforme de la pêche artisanale PAPAS, des présidents de comités des pêches bretons ou encore Daniel CUEFF, vice président Mer et Littoral – Région Bretagne, dont la conclusion courte et « offensive » fut des plus réjouissantes (teaser !). Petite recension.
Jean-Eudes BEURET, professeur en gestion concertée des ressources à l’Institut Agro Rennes-Angers a présenté le résultat de comparaisons d’approches et de résultats d’AMP sur le plan mondial. Une chose est sûre : il faut se méfier de l’approche universaliste, et il vaut mieux des « règles contrats » discutées et validées entre les acteurs des territoires concernées, qu’une approche règlementaire si l’on vise pérennité et réel respect des règles. Le cas des AMP créées avec des financements internationaux permettant de rémunérer une « administration/gouvernance » durant quelques années avant que le dispositif ne retombe ensuite dans une absence de toute « protection » (tout en restant comptabilisé en AMP !) ne semble pas être l’exception. La course à la tenue de l’objectif 30/30, sur lequel se sont engagés les états (30% des surfaces maritimes classées en AMP avant 2030), est un moteur qui peut s’avérer pervers, confer le classement en AMP de zones avec peu d’enjeux et donc peu de conflits, mais ainsi faciles à protéger (de quoi ?), et générant de grandes surfaces au compteur 30/30…
« La plupart des conflits dans les AMP ne sont pas entre ceux qui veulent protéger et ceux qui ne le veulent pas, mais entre ceux qui veulent protéger et qui défendent des approches et des méthodes différentes. Il convient de trouver des mesures pour gérer et non pour interdire, en prenant en compte les évolutions qui génèrent des pressions nouvelles, comme les hausses de population centrées sur une ressource donnée, l’utilisation de navires motorisés là où ils ne l’étaient pas auparavant, etc. »
Brice TROUILLET, géographe, directeur de recherche à l’Université de Nantes, a notamment fait remarquer les biais d’utilisation de rapports tels que celui de l’IPBES et leur instrumentalisation par des ONG comme Global Fishing Watch. Il a présenté le GIS VALPENA qui fédère l’Université de Nantes et sept Comités des pêches maritimes et des élevages marins (6 CRPMEM et 1 CDPMEM) qui a été utilisé pour identifier les enjeux d’importance pour la pêche dans le cadre du débat public visant à définir les zones d’implantation des parcs éoliens en mer des 30 prochaines années. « Cette opération est tout sauf simple, multicritères, et son résultat dépend surtout de ce que les pêcheurs choisissent de défendre. » Avec cet axiome, en conclusion, pour reboucler avec la thématique des AMP : « Une AMP n’est pas un outil mais une expérience sociale ». (voir vidéo Valpena – energiesdelamer.eu – débat public « La mer en débat »).
Philippe PERROT, vice-président du parc marin d’Iroise et du comité des pêches du Finistère a donné une vision positive de l’expérience de la gouvernance de ce parc : « Une AMP bien gérée et organisée peut aussi être positive pour la pêche. Au Parc Marin d’Iroise, grâce aux actions de suivi et de préservation du plan langouste, le prélèvement est passé de 50 à 200 tonnes en 20 ans. Cela prend du temps, mais c’est efficace. Une AMP, cela doit être un périmètre et une cogestion ».
Armand QUENTEL, Président de Blue Fish, acteur incontournable au cœur des enjeux pêche professionnelle et énergie, a posé des questions depuis la salle, sur le lien terre/mer et les nombreux impacts non liés à l’action des gens de mer qui ont de fortes répercussions sur les aires maritimes : acidification des océans, augmentation des températures etc. : « Les Aires Marines Protégées, mais de quoi ? »
(Ndrl – Armand Quentel, Denez Prigent (FNE) et Bertrand Fazio (à l’époque Qair) ont signé un accord)
Gabriel LAHELLEC, doctorant en sciences halieutiques à l’institut agro de Rennes, cartographie les zones de nourriceries de soles, de seiches et de bars, en s’appuyant sur la connaissance des pêcheurs. Il travaille aussi sur une méthode qui pourrait permettre de « rendre scientifiques les connaissances empiriques ». Cela serait, de l’avis de tous les acteurs présents, une grande avancée qui permettait de s’appuyer plus facilement sur les connaissances approfondies des pêcheurs alors que celles-ci ne sont pas considérées dans les études scientifiques actuelles.
Margaret NAKATO*, directrice exécutive du WFF (World Fishworkers Forum), venant d’Ouganda, a présenté les enjeux de la prochaine Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC) qui aura lieu en juin 2025 à Nice, dont le thème principal est « Accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan ». On comprend sans peine l’importance des actions d’influence des parties prenantes, en particulier certaines ONG, et les conséquences possibles sur les activités traditionnelles et nourricières. Il s’agit donc de bien préparer cette échéance.
Karim SALL, pêcheur sénégalais et président de la plateforme de la pêche artisanale PAPAS, a donné l’illustration de la situation dans son pays. Entre actions de préservation mises en place par les pêcheurs et règlementation jugée outrageusement favorable à la pêche industrielle chinoise, ce fût passionnant.
Pour finir, Daniel CUEFF, très déçu de ne pas pouvoir débattre avec Fabrice LOHER, ministre délégué à la mer et à la pêche, maire de Lorient, Damien GIRARD, député écologiste de Lorient, et Olivier LE NEZET, président du comité national des pêches, tous invités mais retenus ailleurs, a évoqué deux sujets graves du moment : le risque d’interdiction du chalutage faute d’une action commune, et l’assignation en justice par des ONG sur la demande portée notamment par la Région Bretagne d’augmenter les jauges des navires de pêche pour permettre leur transition énergétique, sans augmenter, bien sûr, leur capacité de pêche. Sujet technique que je connais bien et qui restera dans l’impasse tant que ce déblocage réglementaire n’aura pu être obtenu.
Laissons à Daniel CUEFF le mot de la fin : « Nous ne voulons pas de « EN MÊME TEMPS ni de OU mais entendons bien mettre en œuvre la cohabitation de l’éolien en mer ET de la pêche ET du nautisme. Les AMP ne doivent pas être des aires marines protégées des pêcheurs ! »
Alain LE SANN a recueilli par ailleurs le témoignage de Margaret NAKATO sur l’introduction de la perche du fil qui a anéanti la petite pêche locale du lac Victoria.
Programme de la journée annuelle organisée par le collectif (peche-dev.org/),
Les étudiants font partie du Master AUTELI – Master Aménagement et Urbanisme des Territoires littoraux de l’Université Bretagne Sud dirigé par Ronan LE DELEZIR. L’Office français pour la biodiversité était représenté par Olivier MUSARD.
Les partenaires sont : Cap l’Orient agglomération Région Bretagne University of South Brittany
* Bertrand FAZIO est présent dans le secteur de l’éolien flottant depuis le tout début de cette aventure, en 2009, lorsqu’il dirigeait Nass&Wind Industrie et son projet précurseur d’éolienne flottante WinFlow. Après des missions de développement international pour Voltalia (Mulliez) et sur le projet Makani de kyte flottant pour GoogleX, il a pris en charge le développement de projets offshore flottant pour Qair où il a notamment réuni dans une alliance tripartite inédite et prometteuse acteurs de l’éolien en mer, de la pêche professionnelle et de la défense de l’environnement.
POINTS DE REPÈRE DE LA REDACTION
Interview sur les Aires marines Protégées et les ZPF d’Yves Marie Paulet – Professeur Emérite, LEMAR – IUEM – Université de Brest Occidentale. Les interviews réalisées en septembre 2024 à Porspoder ont été diffusées à l’occasion des Océanes Atlantique 2024 qui se déroulent au Pouliguen et à La Baule. Montage : Aziliz Le Grand et Jean-Jacques Mallemanche; Réalisation Jean-Jacques Mallemanche energiesdelamer.eu.
Qu’est-ce que les aires marines protégées et les zones à protection forte ?
La stratégie nationale des aires protégées 2030 et la loi climat et résilience de 2021 ont fixé deux objectifs : 30 % de la zone économique exclusive (ZEE) française doit être désignée en aires marines protégées (AMP), et 10 % reconnue comme une zone de protection forte (ZPF).
En France, le réseau d’AMP couvre aujourd’hui 33 % de la ZEE. Ces AMP sont de diverses natures : partie marine d’un parc national ou d’une réserve naturelle, sites Natura 2000, parcs naturels marins, etc.
Un décret du 12 avril 2022 définit la ZPF comme « une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques sont absentes, évitées, supprimées ou fortement limitées, et ce de manière pérenne, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées ».
« C’est une définition française qui n’a pas d’équivalent à l’international, indique Jean-François Sys du comité français de l’UICN. Au niveau international, on parle de protection intégrale ou de haute protection, qui correspond en fait à des zones de non-prélèvement »
Dans sa lettre mensuelle du 30 octobre 2024, FNE estime que les objectifs trop faibles pour les eaux métropolitaines
En matière de protection forte, l’État se contente de rappeler les objectifs préexistants : 1% de zones de protection forte pour la façade Manche Est Mer du Nord, 3% pour les façades Nord Atlantique Manche Ouest et Sud Atlantique et 5% pour la Méditerranée d’ici 2027. À horizon 2030, l’objectif national est de couvrir 5 % des eaux métropolitaines.
- FNE juge ces objectifs trop faibles et demande une déclinaison de l’objectif national de 10% du territoire en protection forte sur chaque façade maritime.
FNE se réjouit de l’absence de recoupement entre les zones prioritaires pour l’éolien en mer et les zones de protection forte. Mais la vigilance reste de mise : le rapport indique que des parcs éoliens pourraient, à terme, être classés en protection forte si les études montrent une régénération de la biodiversité.
Abonnez-vous aux articles complets, publiés dans les newsletters, ou inscrivez-vous gratuitement au Fil info de l’agence de presse d’energiesdelamer.eu.
Avec l’abonnement (nominatif et individuel) l’accès est illimité à tous les articles publiés.
Abonnements : Aziliz Le Grand – Mer Veille Energie
Suivez-nous sur les réseaux sociaux Linkedin et Facebook
Le Business Directory, répertoire des membres soutiens d’energiesdelamer.eu. Les adhésions des membres permettent l’accès gratuit aux articles publiés sur leurs activités par energiesdelamer.eu. Véritable outil, la base de données comprend, depuis le 31 octobre 2024, plus de 10 000 articles d’actualité indexés quotidiennement.
Publicités Google :