France – 05/06/2024 – energiesdelamer.eu.

L’Académie de Marine a diffusé le 4 juin un communiqué pour soutenir la Compagnie des pêches de Saint Malo, qui espère obtenir le feu vert de l’État, pour son chalutier usine à Surimi :
Les crises actuelles, Covid, Ukraine, ont montré l’importance qu’il y avait, à assurer la sécurité des approvisionnements de la nation et notre souveraineté alimentaire. Le rôle du transport maritime est évident mais celui des pêches maritimes l’est moins.
Les campagnes médiatiques visant à diaboliser la pêche dite « industrielle » en général et le chalutage en particulier placent le débat sur un terrain beaucoup plus émotionnel que rationnel.

Il nous semble important de rappeler :
* qu’une grande part (60%) des débarquements de pêches françaises provient du chalutage, activité pratiquée quasi exclusivement par des navires de plus de 12 mètres, ce que d’aucuns qualifient d' »industriels »,
* que la balance commerciale en produits de la mer est très largement déficitaire (4 milliards d’euros),
* que viser la suppression des « gros » bateaux chalutiers ne ferait qu’aggraver ce déficit (sauf si la consommation diminue drastiquement, ce qui ne semble ni possible ni souhaitable),
* que ces « gros » bateaux pêchent en général au large, et que les remplacer par des « petits » aggraverait la pression sur les zones côtières déjà largement fréquentées,
* que les décisions de gestion des ressources halieutiques doivent reposer sur des arguments scientifiques et non sur des émotions.

Il nous paraît donc indispensable d’affirmer i) que la pêche française est diverse et doit le rester, ii) que ces pêches françaises diversifiées sont une chance pour assurer  la sécurité alimentaire du pays (à des prix raisonnables), iii) et que la diversité des zones de pêche et des espèces recherchées permet d’assurer un choix pour les consommateurs et de limiter les conflits d’usage.

L’offensive contre les pêches hauturières, qu’elles soient au thon tropical ou qu’elle concerne les petits pélagiques dans les eaux africaines ou septentrionales, n’est étayée par aucun argument scientifique. Elle est en complète contradiction avec la politique menée par la France et l’Union européenne pour assurer l’accès des pêcheurs français aux mers et aux océans, tout en participant à la gestion responsable et à la conservation durable de ces ressources au travers des instances scientifiques et des organisations régionales de gestion des pêches.

L’exemple des violentes attaques contre la Compagnie des pêches de Saint Malo, dont la presse s’est faite récemment l’écho, illustre parfaitement cette dérive, les arguments utilisés nous paraissant totalement infondés. La critique sur la taille du navire qui exploiterait le quota français de merlan bleu n’a pas de sens. Qualifier un navire de monstre et en comparer la taille à celle de la tour Eiffel n’en démontre pas la nocivité et n’a aucune pertinence.

Dans la mesure où le quota est respecté et où les captures accessoires sont quasi nulles, pêcher de grosses quantités en peu de temps, ce qui effraie certains, est un gage d’efficacité énergétique et de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

 

De plus, le recours à un navire existant, (Ndrl. l’Annelies Ilena), pour remplacer un navire ancien sorti de flotte (Ndrl. Joseph Roty) permet, par une opération de coopération entre entreprises européennes, de réduire la capacité globale des flottes européennes de pêche.

Dire que l’océan est à bout de souffle du fait de cette activité est manifestement excessif et donc insignifiant.

Toujours, selon l’Académie de Marine, la biomasse de merlan bleu se porte bien, même si le stock est encore globalement surpêché.

Le quota de merlan bleu concerné est de l’ordre de 15.000 tonnes quand les captures internationales dépassent l,5 million de tonnes. Attribuer à la seule entreprise française qui exploite ce stock la responsabilité de la détérioration de cette pêcherie est surréaliste. Le caractère vertueux de cette pêcherie, d’un point de vue écologique, est confirmé par le site du WWF qui indique que la pêche du merlan bleu génère peu de prises accessoires et que l’impact du chalut pélagique sur les fonds marins est inexistant compte tenu de la technique de pêche utilisée.

Cette production est destinée dans ce cas à l’alimentation humaine alors que l’essentiel des autres pêcheries sert à la fabrication de farine de poisson pour l’alimentation du bétail ou la pisciculture.

La référence à la « spéculation cynique des industriels » relève d’un parti pris idéologique sans aucun rapport avec le problème posé. Il n’y a pas de pêche artisanale vertueuse qui s’opposerait par définition à une pêche hauturière destructrice. Le modèle économique qui prévaut dans le secteur des pêches en France a, de tous temps, été constitué d’entreprises artisanales et de sociétés de capitaux.

L’argument selon lequel « la France se dépouillerait donc de plusieurs tonnes de quotas, qui pourraient continuer à être pêchées par des navires français, pour rien », constitue un mensonge éhonté. Il n’y a pas, pour cette espèce, de concurrence avec d’autres métiers (comme cela peut être le cas pour le maquereau), car les  » petits » bateaux ne le capturent quasiment pas et ces quelques captures ne sont pas commercialisées. D’autre part, les zones de pêche du merlan bleu se situent le plus souvent aux Açores, dans des fonds à 200 milles des côtes, loin du terrain de chasse des petits bateaux.

Affirmer que la Pologne n’a rien à offrir en échange, et que le gagnant de cette opération sera un armateur néerlandais révèle d’une profonde méconnaissance du monde des affaires et du cadre juridique dans lequel opèrent les entreprises européennes. S’il y a prise de risque, cela relève de la responsabilité de l’armateur malouin qui a choisi cette solution pour assurer la pérennité de son entreprise, étant le bénéficiaire final de cette opération de transfert de possibilité de pêche.

Il est donc souhaitable de rétablir le dialogue relatif à l’équilibre entre les différentes composantes du secteur des pêches maritimes en France et dans celui des techniques de pêche utilisées, afin d’y rétablir une rationalité sans laquelle elle court à sa perte. »

Gérard d’Aboville, Francis Baudu, Jean-François Bernicot, Serge Beslier, Alain Biseau, Marc Chevallier, Bernard Datcharry, Patrick Geistdoerfer, Olivier de Kersauson, Alain Laurec, Bernard Mazuel, Frédéric Moncany, Marc Pajot, Jean-Emmanuel Sauvée, Jean-Francois Tallec, membres de l’Académie de Marine.

Ndlr. La Compagnie des pêches de Saint Malo est détenue par Baldvin Thorsteinsson , Florian Soisson , Xavier Leduc , Patrick Soisson , Diederik Parlevliet.

Contexte 

Bien qu’éloigné de la veille sur le développement des énergies marines, la Rédaction a reçu la tribune rédigée par quinze membres de l’Académie de Marine et a souhaité porté à connaissance de ses lecteurs… le dossier « Annelies Ilena ».

Après avoir obtenu l’accord du cabinet de la ministre de la mer, à l’époque Annick Girardin, la Compagnie des pêches de Saint Malo a investi 15 millions d’euros pour aménager une usine de surimis à bord du chalutier géant, l’Annelies Ilena. Les « Breizh Surimi »sont  élaborés à partir de filets de Merlan Bleu.

A ce jour, Hervé Berville, secrétaire d’Etat en charge de la mer n’a pas validé le projet de la compagnie dirigée par un de ses actionnaires Florian Soisson.

Le nouveau bateau de 145 mètres de long doit remplacer le navire chalutier le Joseph Roty II et son usine embarquée de production, ce mois de juin 2024.

Le chalutier usine Joseph Roty de la Compagnie des pêches de Saint-Malo est rentré de sa dernière campagne de pêche au merlan bleu, le 18 décembre 2023. Le chalutier opérait entre quatre et cinq campagnes par an, en Atlantique Nord-Est et dans le golfe de Gascogne.

Il doit être remplacé par l’Annelies Ilena (ex Atlantic Dawn) dont le pavillon est polonais, et pêche actuellement au Chili.

Il a une capacité d’emport de 400 000 kg/jour. Parmi les associations et des pêcheurs qui s’opposent à ce projet,  l’association Bloom : « la pêche industrielle est génératrice de gâchis : dans le cas présent, il faut 3kg de merlan bleu pour produire 1kg de surimi alors qu’on pourrait consommer le poisson directement. Cette transformation industrielle est inefficace d’un point de vue de la sécurité alimentaire comme du point du vue social ». L’association Bloom rappelle que le chalutier Atlantic Dawn à l’époque, avait été exclu des eaux mauritaniennes en 2007. En effet, un accord de pêche avait été conclu avec la Mauritanie en 2002, alors que le chalutier ne pouvait plus pêcher au-delà des quotas en Europe. L’accord portait sur une exploitation intensive de leurs eaux pendant neuf mois par an. Surnommé le « Navire de l’Enfer » par les Mauritaniens, le navire n’avait pas vu l’accord renouvelé. Il avait été racheté par le néerlandais Parlevliet & van der Plas en 2007 via sa filiale Viking Bank pour 30 millions d’euros et rebaptisé l’Annelies Ilena. P&P l’a ensuite revendu à sa filiale polonaise Atlantex en 2019.

 

 

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