France – 16/11/2022 – energiesdelamer.eu. Rediffusion le 30/12/2022 – Venue des télécoms, Valérie Layan, responsable du secteur de marché Transports chez Schneider Electric, mène le défi de décarboner les grandes infrastructures telles que les quais d’un port, un process d’aéroport ou une gare intelligente. Entretien exclusif.
Une business woman au parcours éclectique et performant. D’ingénieure dans les télécoms, elle s’est vite convertie aux affaires et à l’innovation. Elle se trouve aujourd’hui à la tête d’un secteur innovant à l’interface de l’énergie, du service et de la digitalisation. Investie dans le grand défi de la transition énergétique, elle s’emploie à réussir celui de la décarbonation des équipements de transports et le verdissement des ports. Objectif : réduire de 55% les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Une échéance non négociable pour la dirigeante !
Quelle était votre formation avant d’intégrer l’École nationale supérieure d’électricité et de mécanique puis la London Business School ?
Valérie Layan : Après un Bac C obtenu dans un lycée public en région parisienne, j’ai fait prépa Math sup, Math spé M pour devenir ingénieure. J’ai choisi cette école polytechnique en Lorraine (ENSEM). Cette voie ne me faisait pas peur, j’avais la capacité et l’ambition. J’avais hésité avec l’enseignement, mais c’est un métier qui a peu de reconnaissance. Mon père était lui-même ingénieur technique à la Télévision, à la SFP (Société française de production) aux Buttes Chaumont. Il faut inciter des jeunes lycéennes à se lancer dans des études d’ingénierie.
Quand j’ai été diplômée en 1990, j’avais plutôt un profil informatique industrielle qui pouvait s’appliquer à l’armée. J’ai d’ailleurs fait un stage chez Dassault Aviation, sur les bus embarqués sur les Rafale. J’aurais dû travailler dans le secteur militaire mais il y a eu la guerre du Koweit, les investissements ont été gelés. Je me suis retrouvée dans les télécoms, un peu par hasard .
Que retenez-vous de votre formation qui vous éclaire encore aujourd’hui ?
Les études de Math sup, Math spé sont très compétitives. En école d’ingénieurs, j’ai apprécié qu’on valorise le travail collaboratif, l’entraide, l’esprit d’équipe. J’aime aussi la compétition, j’aime gagner. Mais je suis convaincue que la formation d’ingénieur apporte une grande faculté d’adaptation. Cette capacité m’a permis de rebondir plusieurs fois dans ma carrière. Je suis passée de la R&D dans le secteur des télécoms, à un poste de technico-commerciale dans l’énergie. Aujourd’hui, je suis plutôt une business leader.
Quel a été votre parcours professionnel ?
La première partie de ma carrière s’est déroulée dans les télécoms, sur l’essor de la téléphonie mobile. J’ai commencé chez Nortel en R&D et j’ai vite évolué vers les services. A 34 ans, alors que j’avais des responsabilités de direction, j’ai bénéficié d’une formation professionnelle à la London Business School pour évoluer vers le technico-commercial international. J’ai alors développé le marché du mobile en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
Passée ensuite chez Alcatel pour étendre la 3G et la 4G, j’ai remporté des marchés en Arabie Saoudite et aux Emirats.
A 45 ans, j’ai rejoint Colt, l’opérateur de réseaux utilisés notamment par les banquiers de la City. J’y ai aussi vécu une super aventure de stratégie commerciale avec un mix de cultures et d’idées, entre Paris et Londres. Mais hélas ce monde des télécoms a décliné par la destruction de la chaîne de valeurs et une stratégie uniquement basée sur la baisse des coûts.
Savoir rebondir avec ses atouts vers un secteur porteur
Je me suis alors tournée vers le secteur porteur de l’énergie, en rejoignant Schneider Electric en 2014. Avec mon profil multi-facettes, j’ai pu valoriser mes compétences pour développer des stratégies de business, créer des nouveaux secteurs de marché. Mon fil conducteur c’est la relation client, j’aime rechercher les solutions à leurs besoins, travailler en co-création, les guider pour définir leur stratégie.
Quel est votre métier, quelle est votre fonction aujourd’hui ?
J’ai un métier business au contact du client dans un environnement technique. Depuis 2018, j’assure la direction mondiale du secteur de marché (segment) des transports. C’est-à-dire que je suis en charge de toutes les infrastructures de transport où il y a de l’électrification ou des automatismes industriels : aéroports, métros, transports urbains, chemins de fer, ports, routes (tunnels, ponts, péages, parkings…). C’est une activité qui pèse presque 1 milliard sur les 27 de chiffre d’affaires de la société.
Cette troisième dimension des Transports s’ajoute à celles de Pays et de Lignes de produits. Ce nouveau modèle organisationnel a été voulu par notre PDG, Jean-Pascal Tricoire, pour s’adresser davantage aux utilisateurs finaux. A ceux qui veulent électrifier les quais d’un port, un process d’aéroport ou une gare intelligente, nous sommes capables de proposer une solution pertinente pour interconnecter leurs activités grâce aux technologies numérique. Dans un rôle de prescription, nous accompagnons ainsi toute la chaîne de valeurs.
Notre organisation matricielle permet d’intégrer toute la complexité d’un segment, en développant tous les aspects techniques et commerciaux. Nous couvrons aujourd’hui une vingtaine de régions du monde. Notre business a été multiplié par 3.
Quel type de management avez-vous mis en place ? Comment dirigez-vous vos équipes commerciales, techniques, assurance qualité ?
C’est un management participatif et inclusif, attaché à des valeurs. J’aime travailler avec des acteurs différents. Je veille à déléguer, à accorder de l’autonomie, à responsabiliser les équipes.
Pensez-vous que l’ensemble des ports européens, français en particulier, pourront atteindre les objectifs de décarbonation, par l’électrification à quai notamment, en 2030 ? Cette échéance est-elle réaliste ?
Cela me paraît ambitieux mais réaliste. C’est de toute façon une obligation de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. C’est non négociable, il faut y aller ! Toute une filière doit se mobiliser, d’autant qu’elle peut s’appuyer sur des financements publics français et européens. Les compétences existent, les solutions sont là, il n’ y a pas de barrière technique. Il faut mettre en ordre de bataille les autorités portuaires, les opérateurs portuaires, les villes, les fournisseurs d’énergies. La difficulté tient plus dans la mise en musique de tout cet écosystème, de réussir à faire coopérer tous les acteurs et que chacun trouve sa place.
Pour répondre aux nouveaux besoins des ports demain, on devra fournir une masse importante d’électricité, on n’y arrivera pas sans l’apport d’énergies vertes.
A mon sens c’est une stratégie en trois points : d’abord intensifier l’électrification à quai. Apporter aussi des solutions numériques connectées, digitaliser pour être plus efficace. Ensuite, compléter par un mix d’énergies renouvelables.
A terme, une ville portuaire devrait être en mesure de produire et de consommer sa propre énergie.
Quel est votre conseil donneriez-vous aux femmes qui travaillent ou souhaitent travailler dans la filière des énergies renouvelables ?
Le même conseil qu’aux hommes. Mobilisez-vous dans cette filière professionnelle sur l’enjeu crucial des énergies. C’est passionnant, c’est vertueux de travailler dans cette industrie !
Que peut-on vous souhaiter ?
D’embarquer le plus de monde possible dans ce challenge d’accompagner les ports dans leur verdissement. Dans cinq ans, j’aimerais pouvoir me dire que j’ai contribué à ce défi climatique du siècle, que j’ai apporté ma pierre à l’édifice.
Propos recueillis par Marguerite Castel
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