France ZEE Territoires austraux – 22/06/2022 – energiesdelamer.eu. La France, pour l’exploitation palangrière de la légine australe dans les ZEE de ses territoires austraux (les archipels Crozet et Kerguelen), impose une réglementation (lestage des lignes, banderoles d’effarouchement, limitation des efforts de pêche, aires et périodes autorisées à l’exploitation des ressources marines). Près de vingt ans après la mise en place de ces mesures de protection de la faune aviaire marine, la réponse des populations, jusqu’alors considérées en déclin, restait inconnue.
Des mesures protectrices qui pourraient être largement utilisées
De nombreuses mesures de protection ont été mises en œuvre au sein des pêcheries pour protéger les oiseaux marins de la mortalité liée aux captures accidentelles et ainsi assurer la conservation de leurs populations. Quelle est l’efficacité de ces mesures ?
Une étude publiée dans Journal of Applied Ecology montre que la mise en place de mesures de mitigation des captures accidentelles dans les pêcheries a permis de stopper le déclin d’une population de pétrels de l’océan Austral.
De nombreuses populations d’oiseaux marins ont décliné suite à l’intensification des pratiques de pêche industrielle depuis la moitié du XXe siècle. Les oiseaux marins sont particulièrement vulnérables à la déplétion en ressources alimentaires des océans, mais aussi aux mortalités additives causées par les prises accessoires dans les chaluts et les palangres. Afin d’endiguer la capture accidentelle de centaines de milliers d’albatros et de pétrels chaque année, des mesures de mitigation ont été progressivement mises en œuvre depuis le début des années 2000 dans les Zones Economiques et Exclusives (ZEE) de nombreux pays concernés.
Des chercheurs du Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC – CNRS/La Rochelle Université)* en collaboration avec les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ont mesurés l’effet des changements des pratiques de pêche sur les traits démographiques d’une population de pétrels à menton blanc entre 1986 et 2017. Cette espèce, qui se reproduit sur l’île de la Possession (archipel Crozet, océan Austral), est parmi les plus touchées par les prises accessoires dans les pêcheries. Les résultats montrent l’efficacité des mesures de mitigation des captures accidentelles dans les pêcheries, tout en tenant compte des effets de la présence de rats noirs introduits ou des variations du climat.
Ainsi, à partir du milieu des années 2000, la mise en place des mesures de mitigation, notamment la pêche à la palangre démersale avec lestage dans la ZEE française de Crozet, s’accompagne d’une augmentation du taux de croissance de la population de pétrels à menton blanc. Les auteurs mettent également en évidence l’augmentation puis la stabilisation de la densité des couples reproducteurs sur cette période. Pour les auteurs cette amélioration s’explique par une augmentation concomitante de la survie des individus adultes et du succès de leur reproduction. En effet, la probabilité de survie des pétrels est corrélée au nombre d’hameçons déployés par les palangriers. Les variations du taux de croissance de la population sont également plus sensibles aux variations de l’effort de pêche qu’aux variations des variables climatiques. Les prises accessoires sont donc un moteur important des variations démographiques observées ces trois dernières décennies.
Les auteurs confirment par ailleurs le déclin de cette population qui était observé dans les années 1980 et 1990 lié à une diminution de la survie des individus adultes causée principalement par l’intensification des activités de pêche durant ces décennies. Ce déclin était aussi lié à un faible succès reproducteur dû à la présence du rat noir sur les colonies de reproduction.
Cette étude montre la nécessité de maintenir et d’instaurer des programmes de suivi à long-terme de ces populations afin d’évaluer et d’optimiser les mesures de gestion et de protection. Les résultats sont encourageants : les mesures implémentées sont efficaces et ont permis de stopper le déclin des populations de pétrels à menton blanc de l’archipel de Crozet.
Cependant, la présence du rat noir sur l’île de La Possession risque d’être problématique à moyen ou long-terme pour ces oiseaux, même en présence des mesures de mitigation des prises accessoires dans les pêcheries. Le rat noir constitue également une menace pour de nombreuses autres espèces d’oiseaux marins. Les auteurs recommandent donc l’éradication du rat noir sur l’île comme une mesure nécessaire à la conservation de la faune aviaire.
Veille publiée dans la lettre du CNRS Laboratoires
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POINTS DE REPÈRE
Charles-André Bost est responsable depuis 2002 d’un programme pluridisciplinaire mené dans les T.A.A.F., dans le cadre de l’Institut Polaire (IPEV). Il a été aussi responsable d’un programme Européen EU-Best, sur la conservation des oiseaux marins de l’ile St Paul et Amsterdam. Il a encadré ou co-encadré 17 Thèses de doctorat et est auteur ou co-auteur de plus de 200 publications scientifiques sur l’écologie des oiseaux marins et notamment les manchots. Directeur de recherches au CNRS, Charles-André Bost dirige depuis le 1er avril 2022 le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC-CNRS UMR 7372), où il a préalablement dirigé l’Equipe Prédateurs marins (13 chercheurs, 2 Ingénieurs, 1 Technicienne) de 2016 à 2021.
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