France – 03/05/2022 – energiesdelamer.eu. Le réchauffement de la planète aura des effets sur les conflits et les conditions dans lesquelles les armées exercent leurs missions. Tout en améliorant la résilience de leurs infrastructures et de leurs matériels, ces dernières doivent aussi contribuer à la stratégie nationale bas-carbone. La stratégie « Défense et climat » publiée le 28 avril dernier vise à concilier ces objectifs et ces contraintes.
La tragédie du lac Tchad, qui s’assèche inexorablement, est bien connue. Mais ses conséquences le sont moins. Cette disparition progressive du lac affecte les pêcheurs, les éleveurs et les fermiers, et les conflits intercommunautaires pour le contrôle des ressources en eau ont facilité l’enracinement du groupe terroriste Boko Haram. Résultat : 10,7 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, 488 000 enfants souffrent de malnutrition aigüe, et 2,3 millions de personnes ont dû quitter leur foyer en raison des violences perpétrées par Boko Haram. Pour l’ONU, cette situation est l’une des pires crises humanitaires actuelles.
Cette tragédie illustre en quoi le changement climatique, en exacerbant les tensions existantes notamment pour l’accès aux ressources et les phénomènes migratoires, représente un enjeu majeur pour la paix et la sécurité internationales.
Après la feuille de route sur « le changement climatique et la défense » adoptée par l’Union européenne en janvier 2021, suivie d’un plan d’action sur le changement climatique et la sécurité adopté par l’OTAN en juin 2021 puis par une déclaration conjointe des ministres de la défense « Changement climatique et forces armées » soutenue par 26 pays à l’occasion du Forum de Paris sur la paix en novembre 2021, la ministre des Armées, Florence Parly, a rendu public le 28 avril dernier le projet français de stratégie ministérielle Climat & Défense.
Mieux connaître et comprendre pour mieux anticiper
Une première conférence internationale de niveau ministériel « Climat et défense : quels enjeux ? », qui s’était tenue à Paris en octobre 2015 en marge de la COP21, avait donné naissance quelques mois plus tard à un Observatoire géopolitique des enjeux climatiques en termes de sécurité et de défense baptisé « Défense et Climat ». Financé et intégré au ministère des Armées, cet outil de prospective sur les conséquences stratégiques et géopolitiques du changement climatique a entamé une cartographie des risques engendrés par le changement climatique dans les zones d’intérêt pour la France.
La zone Indopacifique, où l’impact sécuritaire des changements climatiques est considéré comme la priorité stratégique numéro un notamment en raison d’une hausse du niveau de la mer quatre fois plus rapide que sur le reste de la planète, a fait objet d’une attention particulière.
C’est après avoir répertorié l’ensemble des risques que l’Observatoire a pu proposer à l’état-major des armées une stratégie d’adaptation concrète et durable.
Cette meilleure connaissance et compréhension du phénomène de changement climatique et ses conséquences passe également par une adaptation de la formation et de l’entraînement des militaires.
Améliorer la résilience des infrastructures et des matériels
La stratégie « Climat et Défense » vise aussi le maintien de la capacité opérationnelle des armées dans un environnement toujours plus dégradé. Cela repose aussi bien sur l’étude de la vulnérabilité des équipements de base confrontés aux chaleurs extrêmes, que sur celle des infrastructures militaires menacées par la montée des eaux et autres évènements extrêmes.
Cette entreprise est d’autant plus essentielle dans le contexte où les cycles de vie atteignent facilement 50 ans, et qui implique une prise en compte plus rapide qu’à l’habitude des retours d’expérience.
A titre d’exemple, le rapport sur la vulnérabilité de ses principales infrastructures face au changement climatique publié par le Pentagone en janvier 2019 a révélé que les deux tiers des 79 infrastructures examinées étaient exposées à des inondations récurrentes et la moitié à des phénomènes de sécheresse extrême.
Mais au-delà de l’augmentation du nombre de jours de fortes chaleurs (notamment dans les zones d’interventions de la France au Sahel et au Proche Orient) et de la montée des eaux, d’autres impacts du changement climatique, moins connus, n’en affectent pas moins les conditions d’opérations. Ainsi, le réchauffement de l’eau est susceptible d’affecter les possibilités de refroidissement des machines, mais aussi de modifier l’acoustique sous-marine ou encore d’accroître l’accumulation de micro-organismes sur les coques de navires.
Le changement climatique génère également de nouveaux risques sanitaires dont les troupes elles-mêmes devront être protégées au mieux.
Enfin, si l’on pense plus facilement à la canicule, la stratégie prévoit également le développement d’un savoir-faire spécifique « grand froid » indispensable dans la région arctique, rendue récemment accessible par la fonte de la banquise.
Assurer des missions de surveillance et de secours toujours plus nombreuses
Autre conséquence du changement climatique : l’Armée, déjà engagée dans des opérations de protection de l’environnement, notamment en mer où 1/4 des bâtiments de la marine nationale y sont dédiés, sera de plus en plus mobilisée dans la surveillance. Non seulement celle de ses effets (élévation du niveau de la mer, sécheresses, etc.) grâce à des images aériennes, mais aussi celle d’activités illégales générées par le réchauffement, telles que celles adoptées par des populations littorales contraintes de s’éloigner de leurs zones de pêche traditionnelles.
En outre, face à l’augmentation des opérations HADR (Humanitarian Assistance and Disaster Relief) due à l’intensification des évènements climatiques extrêmes (cyclones, ouragans, etc.) en particulier dans les Antilles et l’Indopacifique, les armées seront de plus en plus souvent mobilisées en soutien des forces de sécurité civile. Ce sont en effet les seules à disposer des moyens navals et aériens nécessaires pour acheminer des vivres ou évacuer les populations sinistrées.
Contribuer à la stratégie nationale bas-carbone
Comme dans la plupart des pays, le ministère de la Défense est responsable de la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre, majoritairement liées aux carburants fossiles alimentant les avions de chasse, navires, chars, etc. sur lesquels repose l’activité opérationnelle des armées.
Une stratégie énergétique de défense élaborée pour limiter la dépendance de l’Armée aux produits pétroliers tout en diminuant son empreinte carbone vise à réduire la consommation d’énergie – aux ¾ liée à la mobilité et ¼ au patrimoine immobilier – de 30% et les émissions de gaz à effet de serre de son patrimoine immobilier de 50% à l’horizon 2030.
On parle même de « se préparer à l’après-pétrole », non seulement pour des raisons climatiques mais également énergétiques, géopolitiques et de sécurité. En effet, le soutien pétrolier spécifique mis en place pour chaque opération extérieure exige une manoeuvre logistique de grande ampleur et expose ces flux logistiques aux actions de l’adversaire, ce qui constitue un facteur de vulnérabilité.
A côté des pistes que représentent les carburants nouvelle génération et l’hybridation, voire l’électrification de la mobilité, un modèle d’Eco-Camp a été pensé pour réduire les consommations en énergie et en eau de 40% d’ici 2030, tout en renforçant l’autonomie afin d’améliorer la résilience.
Mais les armées entendent aussi jouer un rôle du côté des puits de carbone, en menant des recherches pour évaluer le stock de carbone que représentent les 275 000 hectares de terrain qu’elles possèdent, et pour en maximiser la capacité d’absorption.
Des terrains particulièrement concernés par la stratégie de préservation de la biodiversité qui complète la stratégie climat.
POINTS DE REPÈRE
Les parcs éoliens en mer servent également à nettoyer la mer….
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