France – 08/04/2022 – energiesdelamer.eu. [Parole de Scientifique par Ifremer]. Trois questions à Laure Simplet, géologue à l’Ifremer et spécialiste des granulats marins.
Petit grain indispensable aux rouages de l’industrie de la construction pour la fabrication du béton, le sable s’avère aussi très prisé pour la création de polders, nouvelles étendues conquises sur la mer, ou pour le rechargement des plages. Si le sable provient essentiellement de carrières situées à terre, l’exploitation se fait aussi en mer avec 18 sites bénéficiant d’une autorisation d’extraction recensés sur les côtes françaises. Dans ce cas, on parle d’extraction de « granulats marins », un terme qui désigne les sables et graviers exploités sur les fonds. Le sable prélevé en mer représentait en France, en 2018, environ 1,3 % des 445 millions de tonnes de granulats extraites et employées pour la construction de routes, d’infrastructures, de logements, de ponts. Cette activité industrielle laisse des traces dans l’environnement marin mais toute la question est de savoir combien de temps ces cicatrices restent visibles dans le milieu. Les perturbations sont-elles temporaires ou au contraire s’inscrivent-elles dans la durée ? C’est cette résilience du milieu marin après une longue période d’extraction industrielle que l’Ifremer cherche à évaluer lors des campagnes océanographiques qui se déroulent sur un ancien site d’exploitation au large de l’estuaire de la Loire en Loire Atlantique.
Quels sont les impacts d’une extraction de granulats en mer
L’extraction en mer n’est pas sans conséquences pour le milieu. La morphologie des fonds sous-marins est modifiée par le creusement de fossés qu’on appelle « souilles » et parfois par le changement du type de sédiments rencontrés. En effet, les navires sabliers peuvent conduire à une modification de la nature des fonds. L’aspiration du sédiment provoque la destruction de la faune habitant sur le fond marin. Ces perturbations fortes du milieu peuvent aller jusqu’à modifier la dynamique de la houle et des courants ainsi que les mouvements des sédiments, et provoquer l’érosion des plages alentour (un phénomène qui n’est pas observé en France). Sans oublier les implications pour les communautés de poissons qui vivent près du fond et qui subissent pleinement les évolutions de leurs habitats.
Comment le milieu marin se remet-il d’une longue période d’extraction industrielle ?
On ne le sait pas encore avec précision et c’est justement l’objet de nos recherches à l’Ifremer. Si les impacts de l’exploitation de sable et de graviers sont bien identifiés, la capacité du milieu à se régénérer une fois toute activité d’extraction arrêtée n’est pas encore bien connue. Le milieu peut-il naturellement retrouver son état originel et, si oui, en combien de temps ? Cette question de la résilience des écosystèmes marins face à de tels types de perturbations est au cœur du projet de recherche RESISTE initié par l’Ifremer. Sa particularité est de réunir tout un panel de scientifiques (biologistes, géologues et physiciens) pour suivre tous les compartiments du milieu marin à différentes échelles de temps : de la saison, de quelques années, et de la décennie après l’arrêt des travaux d’extraction. Le site choisi se situe au large de l’estuaire de la Loire, il a été pendant 30 ans l’un des principaux sites d’extraction de granulats marins sur la façade maritime française.
Jusqu’à 1 mètre de vase et une faune dépeuplée
La campagne RESISTE, embarque à son bord une équipe scientifique multidisciplinaire composée de géologues, de physiciens, de spécialistes des ressources pêchées (halieutes) et d’experts de la macrofaune associée aux fonds marins (benthologues). Cet éventail élargi de compétences permettra d’étudier en détail et en bonne coordination toutes les dynamiques de résilience à l’œuvre sur le site.
Les premiers résultats collectés en 2020 font apparaître un fort envasement de certains secteurs du site avec des carottes qui totalisent jusqu’à un mètre de vase. Quant à la présence de la vie sous-marine, la recolonisation est en cours : parmi les espèces principales collectées, la telline blanche, Abra alba, qui affectionne particulièrement les environnements sablo-vaseux, Varicorbula gibba, autre mollusque bivalve, et des annélides (Owenia fusiformis, Pectinaria koreni). La campagne 2021 permettra d’approfondir ces premiers résultats et d’expliquer notamment la provenance de cette impressionnante couche de vase.
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