France – 20/04/2022 – energiesdelamer.eu. Rediffusion le 28/12/2022. Après un début de carrière dans l’oil & gaz, la jeune ingénieure décide de se tourner vers les énergies renouvelables. Elle monte actuellement son équipe pour la filiale française de Copenhagen Offshore Partners (COP) dont elle vient de prendre la tête, et aura également la charge de développer de nouveaux marchés en Europe.
Vous avez entamé votre carrière sur une plateforme pétrolière, ce n’est pas commun pour une femme…
Delphine Robineau – En 2007, je sors diplômée de l’INSA de Lyon. J’ai choisi cette école d’ingénieur sans prépa en réaction au milieu très exclusif et sélectif du lycée Hoche de Versailles, où j’ai terminé ma scolarité au gré des déménagements familiaux. L’hébergement séparé entre filles et garçons favorisait la constitution de groupes de copines, mais il est vrai qu’en cours de génie mécanique, nous étions nettement moins nombreuses. Mon stage en recherche appliquée m’ayant prouvé que ce n’était pas fait pour moi, j’ai donc opté pour l’entreprise Schlumberger, leader des services dans l’oil & gaz. Je dois énormément à cette entreprise qui m’a donné l’opportunité de travailler à l’international, à des postes variés généralement réservés aux hommes, et dans lesquels je me suis beaucoup épanouie. D’abord sur les drill floors des plateformes pétrolières en mer du Nord, où j’étais en charge des explosifs et des équipements de contrôle des flux en fonds de puits. S’il était compliqué sur le plan pratique d’organiser mon hébergement au milieu d’une équipe d’hommes, je ne me suis jamais sentie rabaissée en tant que femme. Ni esseulée, mais au contraire très proche de mon équipe. Face à certaines limites physiques en revanche, j’ai dû faire preuve d’agilité pour trouver des solutions alternatives
Avez-vous enchaîné avec d’autres postes de terrain ?
J’ai ensuite fait un passage par le siège parisien de Schlumberger avant d’accéder à d’autres postes de management. Là, j’ai vu de près ce qu’est la politique interne d’une grande entreprise, j’ai compris l’importance d’avoir un bon réseau, de savoir gérer les priorités et de maîtriser la gestion de crise. Cela m’a ouvert les yeux sur le monde des dirigeants et j’y ai perdu un peu de ma naïveté.
Puis, j’ai été nommée en Algérie sur un camp de base en plein désert. Ce poste représentait pour moi un vrai challenge, un saut à la fois technologique et managérial. Je garde un excellent souvenir de cette aventure humaine de deux ans, pendant lesquels j’ai encadré une équipe opérationnelle de 45 Algériens de tous âges, qui connaissaient bien mieux que moi les techniques, les clients et le pays. Le management m’a manifesté une grande confiance avec ce poste, et j’ai très bien été introduite auprès de l’équipe. De mon côté je n’ai pas adopté une attitude d’experte, j’étais là pour faciliter les choses, les aider à s’améliorer, mais aussi apporter de la reconnaissance à leur savoir-faire. Il y avait une vraie cohésion des équipes et une très bonne coordination managériale. Le désert c’est un peu comme une plateforme en mer. Seuls, ceux qui y ont été ou qui y partagent votre quotidien, peuvent comprendre ce que l’on y vit.
Mais en 2016 vous décidez de quitter l’oil & gaz pour le monde des énergies renouvelables
Oui, entretemps j’étais repartie en Écosse dans un poste de responsable grands comptes. Cela m’a d’ailleurs demandé plusieurs mois pour me faire à ce nouveau rythme. Mais ma décision de quitter le secteur un an après la COP21 a sans doute été la première qui m’appartenait vraiment. J’avais d’abord essayé de faire changer les choses dans mon quotidien mais cela n’était évidemment pas suffisant. J’ai donc décidé de basculer des énergies fossiles aux renouvelables par conviction, et motivée par le besoin de mettre mon énergie au service d’une solution d’avenir.
Bien qu’il y ait eu à l’époque un plan de licenciement ouvert par Schlumberger, j’ai dû démissionner fin 2016 car l’entreprise ne souhaitait pas se séparer de moi, et ce d’autant plus que le pourcentage de femmes managers faisait partie des objectifs de management.
Où avez-vous commencé cette deuxième vie professionnelle ?
Bref, peu après mon retour en France, début 2017, j’ai été engagée par RES (Ndlr aujourd’hui Q’Energy) pour être en charge de la gestion de projets éoliens terrestres. Un poste avec moins de responsabilité et un salaire plus bas que ce que j’avais quitté, mais je savais que ce serait le prix à payer pour changer de secteur. J’ai dû m’adapter à une entreprise très française et au marché de l’éolien onshore, avec tout ce que cela suppose de spécificités en termes de technologie et réglementation.
Ma nomination en charge de l’offshore en octobre 2019 a été concomitante avec le début de l’executive MBA à l’ESCP Europe que j’avais décidé de suivre pour acquérir une meilleure maîtrise de la finance stratégique, pour faire progresser l’agenda des renouvelables et, en tant que femme jeune, pour contribuer à améliorer la diversité dans les instances dirigeantes du monde de l’énergie. Heureusement, l’interruption des déplacements à cause du Covid m’a permis de mener les deux de front. J’ai d’abord brièvement travaillé sur le projet de Saint-Brieuc – car RES était en train de revendre ses parts à Iberdrola, désormais actionnaire à 100% d’Ailes Marines. Puis j’ai pu utiliser ce que j’apprenais en initiant la stratégie de l’activité O&M Offshore (Opération & Maintenance des parcs éoliens en mer). J’y ai surtout passé un an à monter le partenariat Océole (candidat à l’AO5 pour un parc éolien flottant en Bretagne Sud, ndlr.) avec RES, Equinor et Green Giraffe. C’est un partenariat très complémentaire. J’ai recruté toute l’équipe côté RES, que j’ai encadrée avec l’objectif, largement atteint d’ailleurs, de faire prendre la mayonnaise entre les différents experts et de les faire monter en compétences ensemble. Ce partenariat, c’est vraiment mon bébé, ça n’a pas été facile de le quitter.
Pourquoi avoir quitté RES ?
J’ai rejoint COP (Copenhagen Offshore Partners) en début janvier 2022 pour y créer la filiale française et prendre la direction du développement de nouveaux marchés européens. COP travaille main dans la main avec CIP (Copenhagen Infrastructure Partners), le plus grand fonds d’investissement infrastructure du monde. Ce sont deux entreprises agiles, composées d’équipes de séniors (dont d’anciens dirigeants d’Ørsted), qui pilotent des experts indépendants sélectionnés localement. L’équipe que je suis en train de recruter sera opérationnelle cet été. Elle préparera l’AO6 (éolien flottant en Méditerranée) et s’intéressera au marché français en général. En revanche, je ne m’occupe pas de l’AO5, pour lequel COP et CIP sont en lice avec ENI (tout comme Océole, le partenariat monté par Delphine Robineau pour RES, ndlr).
J’aurai également la charge d’autres marchés européens, avec en tout premier lieu celui de l’Espagne.
Vous venez de participer à WindEurope qui se tenait à Bilbao. Quels sont les enseignements que vous en avez retirés ?
Oui effectivement, c’était 3 journées très chargées. L’agenda politique européen est très ambitieux, et les récentes annonces des gouvernements sont très encourageantes pour la filière de l’éolien en mer. La guerre en Ukraine renforce la volonté politique, cependant il reste beaucoup de travail pour que les cadres réglementaires et la planification permettent de les atteindre. Les difficultés exprimées par les industriels, notamment les turbiniers, doivent aussi nous mobiliser pour préparer et soutenir l’ensemble de la chaine de valeur au niveau européen. C’est vraiment une filière passionnante, aux multiples facettes et enjeux !
COP21* qui a vu la signature de l’accord de Paris sur le climat, en décembre 2015 signé par 175 parties (174 États et l’Union européenne)
POINTS DE REPÈRE
Proposée par energiesdelamer.eu en partenariat avec et , la série «Femmes Dans le Vent» vous convie à découvrir les parcours de femmes au sein de la filière de l’énergie.
Tine Boon a inauguré la série le 08/03/2022 – Femmes dans le vent – 1
Yara Chakhtoura le 04/04/2022 – Femmes dans le vent – 2
« J’AI TOUJOURS ÉTÉ LA PLUS JEUNE » YARA CHAKHTOURA, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE VATTENFALL EOLIEN
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