France – 01/07/2024 – energiesdelamer.eu.
Point de vue de Bertrand Fazio
Après plus de 15 ans dans les énergies renouvelables, principalement pour l’éolien offshore, expert EMR et consultant, je reviens du salon des énergies marines Seanergy avec un goût mitigé.
Les énergies renouvelables, ce secteur si sensible aux aléas politico-électoraux, mérite-t-il la concentration de dynamisme et de talents que l’on peut croiser dans les allées du salon Seanergy ?
Depuis sa réelle émergence en 2002 avec le premier tarif de rachat pour l’éolien terrestre, le moins que l’on puisse dire est que le chemin a été semé d’embûches administrativo-règlementaires, toujours innovantes, et faites sur mesure au gré non pas du vent mais des aléas politiques. Ce serait un peu long de les énumérer ici mais les plus anciens se souviendront du parcours. Nous les avons digérées au fur et à mesure, prenant bien sûr du retard sur les objectifs schizophréniques de nos dirigeants qui les annonçaient tout en créant les obstacles empêchant de les atteindre. Patience et confiance, comme me l’a soufflé un ancien du secteur, sont des conditions de succès dans cette activité, mais nous n’en sommes pas tous autant pourvus, individus et entreprises…
Idées fixes et sujets récurrents dans les allées : des enjeux très français.
Après avoir arpenté en long et en large le salon, et échangé avec des dizaines d’exposants et de visiteurs, le sujet de la dissolution de l’Assemblée Nationale offert par notre président est bien évidemment arrivé très largement en tête des échanges, avec les suites possibles sur lesquelles chacun y est allé de son pronostic : aucun de ceux que j’ai entendu n’était très optimiste pour les EMR en général et l’éolien en mer en particulier. Mais pourquoi donc avoir dissout, M. Macron ? Nous sortons juste du grand débat sur la planification de la stratégie maritime (@la mer en débat) dont les conclusions viennent d’être rendues publiques et le chemin d’ici les échéances électorales de 2027 était tout tracé. Il y avait enfin une visibilité pour la filière permettant de développer innovations, emplois, infrastructures portuaires etc. Une fois n’aurait pas été coutume… Et bien non : Encore loupé ! Au mieux aurons-nous un retard dans les appels d’offres prévus, les AO 6, 7, 8, 9 et 10, au pire ils seront abandonnés ou repousser aux calendes grecques.
Mais si la guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires (Georges Clémenceau), pourquoi donc laisser les sujets énergies aux mains des politiques ? Ce sont des questions bien trop sérieuses, et avant tout techniques et économiques dont l’instrumentalisation par tous les bords politique génère incompréhension, tristesse, et surtout dommages.
Le deuxième sujet dans les allées portait sur le projet éolien flottant Bretagne Sud, nom de code : AO5. Que penser du prix auquel il a été remporté (86,45€/MWh) ? Le lauréat réussira-t-il un tel challenge ? Devra-t-il prendre des turbines chinoises ? Et le candidat mystère qui était le premier avec une offre à ~70 €/MWh, si c’est bien celui auquel tout le monde pense, très expérimenté en éolien flottant, comment a-t-il pu arriver à un tel chiffre ? Et pourquoi a-t-il décliné ensuite ? Le microclimat français de prix étonnamment bas perdure donc, que ce soit pour le fixe et donc maintenant aussi pour le flottant…
Des avis pas tous convergents lors de la table ronde « Offshore wind à la française »
Alors certains attendaient des éclairages lors de la table ronde du deuxième jour, « Offshore wind à la française – a 360° view » qui réunissait Elsa Merckel (CRE), Aymeric Ducrocq (EDF RE), Pierre Peysson (RWE), Guillain Chapelon (Skyborn) et Aurélie Klein (Valemo).
La représentante de la CRE synthétisa la situation actuelle des appels d’offre, les derniers avis rendus et les recommandations formulées pour les prochains AO. Des propos très clairs et bien argumentés, comme les rapports publiés par cette commission que l’on peut louer pour leur clarté, structuration, précision et conclusions toujours assez incontestables. On sent les propos pesés au trébuchet, dans un exercice très contraint par des limites de tous ordres faciles à imaginer. Je vous invite à les lire, si ce n’est pas encore fait !
Côté développeurs, le marché français fut décrit comme étant très sain par un intervenant, contredit quelques minutes plus tard par son confrère qui mis en évidence les conséquences négatives possibles, voire probables, de projets remportés à des prix trop bas : Le microclimat français pourrait-il engendrer des orages futurs, avec abandon de projets comme on l’a vu sur d’autres marchés ? Notons tout de même que notre administration a réussi à mettre en place un système d’appel d’offre « diaboliquement » efficace pour obtenir des prix les plus bas du monde, donc très en faveur du consommateur français. Une fois n’est pas coutume car la France nous a plutôt habitué au contraire, soit par choix soit par inefficacité des pratiques d’appel d’offre. Saluons donc ces procédures, même si elles peuvent engendrer maintenant des excès jugés dangereux par certains.
Les propos sur les évolutions des critères d’appel d’offre ont été, par contre, plus convergents, sans toutefois être unanimes… S’il y a consensus sur le transfert en obligations de base de critères notés qui ne sont pas discriminants et sur le renforcement des critères sur la robustesse de l’offre, les points de vue sur l’élimination des offres anormalement basses sont moins consensuels. Un des intervenants a fait remarquer que, sur l’AO 5 (Bretagne Sud), l’offre la moins chère était 35% inférieure à la moyenne des 5 autres offres remises et que la 2ème, celle du lauréat, était 25% inférieure à la moyenne des 4 autres offres supérieures, et de militer pour une élimination automatique des offres anormalement basses sur la base d’une méthode basée sur l’écart type. En l’espèce, il relève que la CRE n’a pas attribué les points relatifs à la crédibilité des CAPEX et des puissances des turbines au lauréat, ce qui aurait pu logiquement conduire à l’écarter. Mauvais perdant ou œuvre salutaire ? Seul l’avenir le dira, d’ici quelques années.
Mais toujours un grand oublié des critères des AO : la pêche !
Absent des échanges, l’introduction de critères relatifs à la pêche reste le grand oublié de mon point de vue. Peut-être faut-il considérer que la taxe éolienne, pour les parcs en DPM, couvre ce point ? Mais son utilisation est tellement contrainte que l’on peine à voir ce qu’elle pourra apporter aux pêcheurs des zones concernées. De plus, il n’y a pas de taxe fléchée vers la pêche à ce jour pour les parcs en ZEE (hors DPM). Quoi qu’il en soit, cette approche par les taxes ne traite pas le fait que concevoir un parc facilitant au mieux le maintien de la pêche peut générer des surcoûts qui, s’ils sont pris en compte dans les projets des candidats, ne seront que des handicaps dans la compétition. Ce point est particulièrement vrai pour les parcs flottants. Peut-être que les travaux du groupe interministériel qui planche sur le sujet de la « taxe pêche » apporteront des propositions utiles, mais je reste persuadé que ce sujet devrait être pris en compte dans les critères notés des AO. Pour mémoire : les cahiers des charges actuels demandent aux candidats de rédiger une note décrivant ce qu’ils ont prévu pour la pêche, sans que ces dispositions ne soient ni prises en compte dans la notation ni même engageantes.
Et l’homme en short jaune se promène avec ses beaux penons
Pour finir sur une rencontre fort sympathique, quel plaisir de croiser Michel Desjoyeaux, double vainqueur du Vendée Globe (entre autres !), tout sourire dans son bermuda jaune en toile, parcourant les allées pour faire la promotion de son ePenon (TrimControlTM), le penon électronique du futur permettant de connaitre à tout moment l’écoulement de l’air sur les voiles des navires et aussi, bien sûr, sur les pales des éoliennes ! Souhaitons le succès au « professeur » et à cette intéressante innovation dans son attaque du marché éolien. Restera à convaincre les constructeurs de turbines, ce qui sera un nouveau défi n’en doutons pas.
Remerciements à Bertrand Fazio qui a accepté d’être notre expert pour cette manifestation. L’interview de Michel Desjoyeaux sera publiée mardi
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