France – 18/09/2023 – energiesdelamer.eu. Partie 2
Probablement l’unique exemple vraiment positif est celui d’Ørsted (ex Danish Oil and Natural Gas – DONG Energy), majoritairement détenue par l’Etat danois : les actionnaires privés y sont minoritaires. En 2017, cette participation majoritaire de l’Etat lui a permis d’éviter la malédiction de la contrainte des marchés d’actions et de passer du forage en mer aux parcs éoliens en mer, devenant ainsi le plus actif au monde dans ce secteur.
La compagnie pétrolière émiratie, l’Adnoc, pourrait-elle faire comme Ørsted, être visionnaire en devenant l’ex-compagnie pétrolière la plus importante du monde en matière d’énergies renouvelables terrestres ? En principe, oui, mais en pratique, il ne faut pas y compter. Cette société de forage n’est pas cotée en Bourse, mais elle est contrôlée, pour l’essentiel, par un seul homme, le cheikh Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, émir d’Abou Dhabi et président des Emirats arabes unis, connu sous ses initiales MBZ.
Cinq millions de barils par jour d’ici à 2027
Il dispose d’un pouvoir quasi absolu et, s’il le décidait, il pourrait probablement opérer ce changement. Mais pour sortir du pétrole, il devrait en fait… sortir du pétrole. Or, en ce moment, son entreprise fait exactement le contraire : elle prévoit d’augmenter de 25 % sa production actuelle pour atteindre 5 millions de barils par jour d’ici à 2027 (« A Kingdom Built on Oil Now Controls the World’s Climate Progress » , Bloomberg, 4 avril 2023).
Cela dit, Masdar, l’entreprise publique des Emirats arabes unis spécialisée dans les énergies renouvelables, revendique avoir investi depuis sa création plus de 30 milliards de dollars dans des projets d’énergies renouvelables dans le monde entier. Elle a de plus annoncé qu’elle dépenserait 50 milliards d’euros supplémentaires au cours des sept prochaines années dans les énergies renouvelables et l’hydrogène « propre ».
Cependant, la séquestration du carbone reste la principale stratégie des Emirats arabes unis, et ils prévoient de la mettre en avant lors de la COP28. Mais la séquestration du carbone n’évitera jamais toutes les fuites de méthane et la pollution résultant du forage, du transport, du raffinage et de l’utilisation du pétrole (à l’exception du CO2) – et peut même ajouter de nouveaux risques.
On peut donc douter qu’une grande compagnie pétrolière puisse conduire le monde à sortir du pétrole. Sur la base des éléments ci-dessus, ne pariez pas sur la vie de vos petits-enfants…
Mais comme Ørsted, la compagnie norvégienne Equinor (ex Statoil) développe parallèlement aux investissements pétroliers et gaziers une stratégie pour decarboner les plates-formes pétrolières et elle a largement investi dans les technologies des éoliennes flottantes. Il en est de même avec des sous-traitants de l’industrie pétrolière et gazière comme SBM Offshore, TechnipEnergies, Doris ….
Premier parc éolien flottant opérationnel pour alimenter en électricité cinq plate-formes offshore
Par exemple, l’installation Hywind Tampen de 88 MW d’Equinor – 11 éoliennes flottantes – est destinée à produire environ 35 % des besoins en électricité de cinq plateformes pétrolières et gazières offshore situées à 140 kilomètres de la côte norvégienne et en eau profonde – 260 à 300 mètres. Les éoliennes flottantes sont parfaites pour ce type de profondeur.
L’intention déclarée est d’utiliser les installations éoliennes offshore pour rendre les installations pétrolières offshore moins destructrices en matière de réchauffement climatique.
Pourquoi utiliser le vent ?
C’est un moyen de fournir l’électricité nécessaire aux plateformes pétrolières et gazières à partir d’une source proche. Selon une autre entreprise du secteur de l’énergie, Hitachi Energy, « traditionnellement, les plateformes [pétrolières] offshore produisent leur propre électricité en brûlant des combustibles fossiles pour faire fonctionner des turbines à gaz embarquées et/ou des groupes électrogènes à moteur diesel ».
Cette installation, Hywind Tampen, vise donc à réduire une part relativement faible de la contribution d’Equinor au réchauffement climatique (environ 11 %) ; comme le souligne la citation du secrétaire général des Nations unies en tête de cet article, le véritable enjeu du réchauffement climatique est l’utilisation réelle du pétrole et du gaz extraits des puits, qu’ils soient terrestres ou non. Ainsi le projet Hywind Tampen est technologiquement impressionnant et très coûteux mais essentiellement de la propagande écologique.
Cela dit, ce projet confère à Equinor une réelle expertise dans la construction d’éoliennes flottantes en mer dans le but de sauver vos petits-enfants du réchauffement climatique – si la compagnie le voulait. Et elle le pourrait ; comme sa compatriote nordique Ørsted. Equinor est également détenue majoritairement par son pays, ici, l’État norvégien à hauteur de 67 %, un pays démocratique, décent et éclairé. Equinor pourrait donc ignorer la malédiction du marché boursier et jouer un rôle majeur en sauvant nos petits-enfants du réchauffement climatique, en guidant le monde hors du pétrole.
Mais le fera-t-elle ? Pour l’instant, probablement pas. Le résumé de leur plan de transition énergétique du 22 mars 2022 indique que leur stratégie « associe une production de pétrole et de gaz ciblée et économe en carbone à une expansion accélérée et axée sur la valeur des énergies renouvelables…. » Ils ne suivent donc pas exactement la sagesse du secrétaire général des Nations unies.
Un article de Reuters et d’energiesdelamer.eu daté du 13 juin 2023 citent le vice-président des opérations d’Equinor au Brésil, où l’entreprise a acquis une participation importante dans un champ pétrolier offshore : « Nous voyons dans l’éolien offshore de nombreuses synergies avec le pétrole et le gaz, et nous étudions plusieurs projets. Cette année, ils produiront 90 000 barils d’équivalent pétrole par jour. Elle espère porter cette production à 500 000 barils équivalent pétrole par jour d’ici à 2033.
Equinor n’utilise pas l’énergie éolienne pour sortir du pétrole, mais pour y rester.
* Bernard Looney avait succédé à Bob Dudley CEO de BP entre le 1er octobre 2010 et le 5 février 2020. Bernard Looney avait fait notamment partie de l’équipe envoyée en urgence pour lutter contre la catastrophe de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon en 2010 dans le golfe du Mexique. Il a démissionné le 12 septembre 2023 avec effet immédiatement. Un communiqué de l’entreprise évoque son manquement à divulguer pleinement les détails de relations personnelles passées avec des collègues.
** La Californie a engagé vendredi des poursuites contre cinq des plus grosses compagnies pétrolières du monde, au motif qu’elles auraient causé des milliards de dollars de dégâts tout en trompant l’opinion en minimisant les risques pour le climat liés aux énergies fossiles.
Cette action en justice, révélée par le New York Times et confirmée par le gouverneur de l’Etat, fait suite à de nombreuses autres lancées par des villes, comtés et Etats américains contre des intérêts liés aux énergies fossiles en raison de leur impact environnemental, sur fond d’accusations de décennies de campagnes de désinformation.
La plainte au civil a été déposée vendredi auprès de la Cour supérieure de San Francisco contre les géants pétroliers Exxon Mobil, Shell, BP, ConocoPhillips et Chevron, qui a son siège en Californie. L’American Petroleum Institute (API) est également visé par la plainte, consultée par l’AFP.
« Pendant plus de cinquante ans, +Big Oil+ (les géants du secteur pétrolier, NDLR) nous a menti, cachant le fait qu’ils savaient depuis longtemps combien les énergies fossiles qu’ils produisaient étaient dangereuses pour notre planète », a déclaré le gouverneur démocrate Gavin Newsom, dans un communiqué vendredi.
« La Californie agit pour que les gros pollueurs rendent des comptes », a-t-il ajouté.
(Traduit de l’anglais par Isabelle Plat)
Robert Bell est l’auteur des Péchés capitaux de la haute technologie. Superphénix, Eurotunnel, Ariane 5… (Seuil, 1998) et de La Bulle verte. La ruée vers l’or des énergies renouvelables (Scali, 2007).
Robert Bell (Professeur de management au Brooklyn College de la City University (New York)
« Une grande compagnie pétrolière peut-elle faire sortir le monde du pétrole ? »
Tribune parue dans le Mondedu 18 août 2023 de Robert Bell Professeur de management au Brooklyn College de la City University (New York)
POINTS DE REPÈRE
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