Monde – 07/08/2021 – energiesdelamer.eu. Le rôle fondamental des courants marins sur la distribution d’aluminium dans les océans.
A quelques jours de deux évènements, la présentation des conclusions du premier volet du 6e rapport du GIEC le 9 août et du congrès mondial de l’UICN, les connaissances autour de l’état des océans se multiplient. Pour le GIEC, le premier volet est consacré aux sciences du climat, et a impliqué 234 chercheurs internationaux de tous domaines, parmi lesquels des scientifiques travaillant en France, dont six du CNRS. « Très important dans le monde entier », ce document « est crucial pour le succès de la conférence climat de Glasgow (Royaume-Uni) en novembre », avait déclaré Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, lors de l’ouverture des négociations pour l’adoption de ce texte de référence. A un autre niveau, en septembre prochain, la tenue du congrès mondial de l’UICN à Marseille sur la biodiversité sera incontournable alors que la COP 15 biodiversité prévue en octobre 2021 en Chine est reportée en 2022. La Convention de l’ONU sur la biodiversité biologique (CBD) travaille à l’adoption d’un vaste plan pour « vivre en harmonie avec la nature » à l’horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires pour 2030. Il s’agit de diminuer le rythme d’extinction de 90 %.
Convergence de recherches sur l’océan pour contribuer à freiner le réchauffement de la planète
L’aluminium aurait un rôle « bénéfique — et insoupçonné » — de l’aluminium pour piéger le CO2 au fond de l’océan, ce qui pourrait contribuer à freiner le réchauffement de la planète. Une communication sur les récents travaux menés à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) Canada est parue en mai dernier. D’autre part une communication d’une équipe internationale pilotée par des scientifiques du LEGOS* qui a entrepris de mesurer les concentrations d’aluminium dans l’océan Atlantique Nord (entre Tenerife et la Guadeloupe), sous le panache des poussières sahariennes, dans le cadre de la campagne GEOTRACES 2017 GApr08 (Figure 1).
Publication d’une recherche sur le rôle fondamental des courants marins sur la distribution d’aluminium dans les océans.
Lise Artigue * qui a soutenu sa thèse en juin 2020, Neil J. Wyatt, François Lacan, Claire Mahaffey, Maeve C. Lohan ont publié en mai dernier, une étude qui vient d’être signalée par le CNRS dans sa lettre mensuelle.
Grâce à l’utilisation d’outils innovants, leur travail a permis pour la première fois de montrer que les concentrations d’aluminium mesurées dans les eaux de surface de cette région dépendent autant des courants marins que des vents chargés de poussières.
Cela signifie notamment que les précédentes estimations de flux de poussière basés sur les mesures d’aluminium et négligeant les courants marins dans cette région seraient sous-estimées d’un facteur 2. Cette étude met également en évidence le rôle des apports côtiers résultant de l’érosion par ruissellement et transportés au large par ces courants dans les concentrations d’aluminium mesurées. A ce titre, l’érosion des Petites Antilles est la cause la plus probable des fortes concentrations d’aluminium retrouvées dans les eaux de surface de la Guadeloupe. Les courants marins semblent aussi expliquer la majeure partie de la variabilité des concentrations d’aluminium en profondeur (Figure 2).
Dans l’ensemble, cette étude souligne le rôle fondamental et pourtant généralement négligé, des courants marins sur la distribution d’aluminium dans les océans, en surface comme en profondeur. Prendre en compte ces courants permettra de mieux comprendre l’origine, le transport et le devenir de la matière apportée par les continents dans l’océan et de mieux en quantifier les flux.
Le rôle de l’aluminium sur le phytoplancton
En mai dernier, les résultats d’une recherche menée sur le rôle de l’aluminium, nés d’une collaboration entre des chercheurs du Québec, Claude Fortin et Peter Campbell, ce dernier étant un expert en géochimie et en écotoxicologie aquatique, et de la Chine, Tan Yehui et Linbin Zhou du South China Sea Institute of Oceanology (SCSIO) du Chinese Academy of Science, ont été publiés dans la revue scientifique Limnology and Oceanography.
L’un des alliés dans cette lutte est le phytoplancton qui vit dans les océans. Comme le font les arbres à la surface de la Terre, ces algues captent le gaz carbonique (CO2) — l’un des gaz à effet de serre responsable du réchauffement du climat — et relâchent de l’oxygène.
Les récents travaux menés à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont évalué comment l’aluminium aide le phytoplancton à jouer son précieux rôle de «pompe biologique» des océans.
Cette découverte n’offre toutefois pas de piste d’action concrète «ni de solution industrielle», dit-il, mais elle permet de comprendre que l’aluminium joue un rôle dans le piégeage du gaz carbonique, poussant plus loin la compréhension de ce phénomène naturel bénéfique à la planète.
Selon les chercheurs, ces résultats pourraient aussi avoir un impact sur les modèles climatiques en intégrant l’effet «positif» de l’aluminium dans les profondeurs océaniques. Il s’agit donc d’une nouvelle variable à considérer.
Le Fer
Sans oublier l’étude présentée en ligne depuis le 21 juillet dernier. En effet, Shaked et al. (2020), ont établi une nouvelle approche pour quantifier la disponibilité du fer dissous (dFe) dans l’eau de mer naturelle en se basant sur la cinétique de son absorption par le phytoplancton cultivé limité en fer. Dans une étude de suivi publiée ce mois-ci dans GBC, cette approche a été étendue au phytoplancton in situ, établissant un proxy standardisé pour la biodisponibilité du dFe dans les régions océaniques à faible teneur en Fe.
Comme expliqué dans la courte conférence vidéo (voir ci-dessous), Yeala Shaked, Ben Twining et leurs collègues ont analysé de grands ensembles de données collectées au cours de 10 croisières de recherche (dont 3 croisières de section et de processus GEOTRACES) dans plusieurs régions océaniques. La biodisponibilité du Fe dissous a été estimée par les taux d’absorption du Fe par les cellules individuelles, calculés en combinant les teneurs en Fe mesurées des cellules individuelles de phytoplancton collectées avec les concentrations de dFe mesurées simultanément, ainsi que les taux de croissance modélisés (Figure). Les auteurs ont ensuite appliqué cette approximation pour : a) comparer la biodisponibilité du dFe entre les organismes et les régions ; b) calculer les taux d’absorption du dFe et les temps de résidence dans les régions océaniques à faible teneur en Fe ; et c) contraindre les paramètres d’absorption du Fe des modèles du système terrestre pour mieux prévoir la productivité des océans en réponse au changement climatique.
POINTS DE REPÈRE
Le Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales – LEGOS, inclut l’océanographie et le cycle de l’eau au sens large, avec la physique des composantes océanique, hydrologique, cryosphérique et atmosphérique, dont ses composantes côtières d’une part et climatique d’autre part, ainsi que la biogéochimie et la géochimie marines.
07/08/2021 –Lise Artigue, a mené sa thèse dans le cadre du LEGOS) et l’a soutenu le 03-06-2020 à Toulouse 3, dans le cadre de École doctorale Sciences de l’univers, de l’environnement et de l’espace (Toulouse) en partenariat avec Laboratoire d’Etude en Géophysique et Océanographie Spatiales, sous la direction de François Lacan.
Publicités Google :