Nauru – Samedi 17/07/2021 – energiesdelamer.eu. Plongée en eau profonde, où, en 2021, un espoir semble apparaître avec les grands fonds marins pour la plus petite République du monde !
energiesdelamer.eu vous embarque avec une personnalité scientifique pour découvrir autrement des sujets d’actualité…
Il y a 15 jours, la République de Nauru, s’est trouvée au cœur de la guerre des câbles sous-marins. Sensible aux réticences américaines, Nauru a contribué à empêcher l’entreprise chinoise HMN Tech, de poser un câble de communication sous-marin. Washington craignait l’espionnage de Pékin qui s’offusque de ces accusations…. Un autre grand sujet d’actualité à Nauru est l’exploration et l’exploitation des grands fonds marins.
Connaissez-vous Nauru ?
C’est sur cette île qu’ont été découverts de massifs gisements de phosphate, un sel notamment utilisé pour la création d’engrais et d’explosifs. La première exploitation débute en 1906 avec des colons allemands. En 1914, c’est au tour de l’Australie de bénéficier de cette exploitation. En 1968, Nauru obtient enfin son indépendance et devient la plus petite république au monde.
De nombreux articles ont été écrits sur cette île océanienne située à 4.835 km de l’Australie et qui s’étend sur 22 km2. Dans les années 1970 et 1980, c’est l’un des pays les plus riches de la planète. En 1974, Nauru possède le second PIB par habitant au monde… trois fois plus élevé que celui des États-Unis. Cette année-là, le pays génère 225 millions de dollars australiens…. Puis c’est la chute, et depuis l’ile a été surnommé « le pays qui s’est mangé lui-même ».
Si l’autorisation est donnée pour exploiter ses grands fonds, la République de Nauru saura-t-elle bénéficier d’un nouveau départ ?
Cet article d’Elham Shabahat, écrivain et chercheur qui s’intéresse à la conservation, aux villes, aux forêts et à la crise climatique, nous entraîne à Nauru.
L’article a été repéré par Yves Henocque (LittOcean ; Programme Littoral et Mer de la Fondation de France) dans « Hakai magazine », Coastal Science and Societies.
» Les Nauruans ont subi un héritage d’extraction destructeur. Comme de nombreuses autres petites nations du Pacifique Sud, Nauru a été dévastée par les puissances coloniales. Au fil du temps, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon ont dépouillé le pays de son or blanc, ou phosphate, laissant de larges pans de terre inhabitables, des paysages lunaires de pinacles blancs. Les quelque 10 000 personnes qui vivent sur l’île s’entassent le long du littoral, la seule terre fertile restante, et sont menacées par l’érosion et le changement climatique.
Pendant plus d’un millénaire, les oiseaux marins nicheurs se sont réfugiés sur Nauru et ont assuré la richesse en phosphate, mais aujourd’hui, ils ne viennent plus aussi souvent.
Ce pays géographiquement isolé fait à peu près un tiers de la taille de Manhattan, à New York. Mais Nauru s’est récemment taillé une place de choix sur la scène mondiale. Il a utilisé une clause « obscure » de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer pour donner à l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM), l’organisme indépendant chargé de réglementer les fonds marins dans les eaux internationales, un délai de deux ans pour finaliser les règles d’exploitation du code minier, c’est-à-dire l’ensemble des règles qui détermineront où, quand et comment les fonds marins peuvent être explorés et exploités.
L’AIFM ou ISA en anglais – International Seabeb Authority – doit maintenant s’employer à finaliser le règlement d’exploitation ou à approuver provisoirement les permis d’exploitation minière conformément au projet de règlement. Nauru a donné le coup d’envoi de la course au nom de Nauru Ocean Resources Inc, une filiale à part entière de DeepGreen, une société d’exploitation minière en eaux profondes basée à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Le fait que Nauru ait donné le coup d’envoi n’est pas vraiment une surprise, estime Pradeep Arjan Singh, juriste à l’université de Brême, en Allemagne. Mais c’est le moment choisi qui amène les observateurs à se demander : « Pourquoi maintenant ?
L’ISA était censée, bien que non tenue, de finaliser les règlements d’exploitation en 2020, mais la pandémie en cours a considérablement ralenti le processus. Pour Nauru, dit Singh, « il doit y avoir eu quelques frustrations de leur part, car il ne s’est pas passé grand-chose depuis la dernière réunion physique en février. »
DeepGreen Metals a également intérêt à faire avancer les choses. L’entreprise prévoit de fusionner avec la Sustainable Opportunities Acquisition Corporation pour former une nouvelle entité appelée Metals Company*, et de s’introduire en bourse sur le Nasdaq au troisième trimestre 2021.
« En termes de calendrier, [le déclencheur] pourrait être une étape pour assurer la confiance du marché afin de construire votre valeur et de convaincre les actionnaires que d’accord, d’ici deux ans, grosso modo, la réglementation devrait être là », explique Singh.
« Il y a une pression parce que les entrepreneurs ont des investisseurs », déclare Saleem Ali, professeur d’énergie et d’environnement à l’Université du Delaware et conseiller de DeepGreen. « Si vous avez investi de l’argent, vous voulez un certain retour sur investissement ou au moins une idée du calendrier. … Mais cela ne doit pas être considéré comme quelque chose de subversif. »
L’industrie minière en eaux profondes offre « une rare opportunité de […] développement social et économique ».
Dans un dépôt auprès de la US Securities and Exchange Commission en mars, DeepGreen a écrit que « l’ISA s’est engagée à compléter et à adopter les règlements de manière accélérée et nous nous attendons à ce que le code [minier] soit adopté au plus tard en 2023. » L’utilisation de la règle des deux ans est une étape importante pour s’assurer que ce sera le cas.
En réponse aux demandes d’interview, un porte-parole de DeepGreen a fait référence à la déclaration publique de Nauru sur l’avis de deux ans. Dans cette déclaration, le gouvernement de Nauru dirigé par Lionel Aingimea, souligne que la décision d’invoquer cette règle a été prise par le gouvernement de Nauru seul. Le gouvernement dit avoir pris cette mesure car Nauru risque de perdre le plus du changement climatique et l’industrie minière en eaux profondes offre « une rare opportunité de […] développement social et économique ».
« Ils ont une histoire terrible d’extraction de phosphate qui leur a été infligée pendant l’ère coloniale », explique Ali. Avec l’exploitation minière en eaux profondes, ajoute-t-il, « leurs propres terres ne seront pas touchées, et ils auront la possibilité d’avoir des revenus. »
Mais cette initiative intervient à un moment controversé pour l’exploitation minière en eaux profondes. Les observateurs craignent que les délégués de l’ISA aient du mal à négocier les réglementations de manière appropriée en raison des restrictions pandémiques qui limitent les réunions en personne. Plus de 420 spécialistes des sciences de la mer ont récemment demandé une pause dans l’exploitation des grands fonds marins en raison de leurs inquiétudes quant à l’impact sur l’environnement marin. Des organisations de la société civile, telles que le Pacific Network on Globalisation, réclament quant à elles une interdiction pure et simple.
« À notre avis, c’est DeepGreen qui a le plus à gagner en appuyant sur cette gâchette », déclare Maureen Penjueli, coordinatrice du Pacific Network on Globalisation. « Il y a d’autres acteurs de l’industrie et des pays industrialisés qui attendent en arrière-plan. (…) Je pense qu’il est vraiment malheureux que Nauru ait été le pays qui a tiré sur la gâchette et créé ce précédent. »
Michael Lodge, secrétaire général de l’ISA, a déclaré à la BBC que, malgré cette poussée, l’exploitation minière pourrait commencer au plus tôt en 2026. Même cela pourrait être une estimation prudente, selon M. Singh. Même si un entrepreneur, tel que Metals Company, peut déposer une demande d’exploitation en deux ans, cette demande devra encore être approuvée et l’entrepreneur devra tester l’équipement et entreprendre des évaluations d’impact environnemental.
Légende de la photo de « Une » : BIG-Bjarke Ingels Group, a conçu notre collecteur robotisé pour minimiser les perturbations lors de la collecte de nodules polymétalliques dans les fonds marins abyssaux. En dirigeant un jet d’eau de mer sur le sommet des nodules, le collecteur les libère doucement des sédiments et les soulève sur des bulles d’air comprimé jusqu’à un navire de production à la surface. Bjarke Ingels et The Metals Company conçoivent des outils pour produire des métaux essentiels pour les batteries de véhicules électriques à partir des roches des fonds marins ».
Les travaux d’Elham Shabahat sont publiés par de nombreux magazines et par CBC News.
Les illustrations et Points de repères sont proposées par energiesdelamer.eu.
POINTS DE REPÈRE
Dans sa veille quotidienne, energiesdelamer.eu suit notamment l’actualité sur les enjeux de l’exploration et l’exploitation des grands fonds marins qui recèlent une biodiversité quasiment encore inconnue et des ressources minérales qui intéressent le monde entier.
Une étude réalisée dans la ZCC publiée dans la revue Nature en 2016 souligne que « les espèces détectées sont deux fois plus importantes dans les zones plus denses en nodules polymétalliques », sur lesquels les coraux et les éponges s’accrochent. Or, « dans les zones où le fond océanique et les premiers centimètres de sédiments ont été raclés pour récupérer les nodules qui jouent un rôle essentiel pour les écosystèmes. Plusieurs zones ont été protégées dans la ZCC par l’Autorité Internationale des fonds marins pour leur intérêt écologique, mais les scientifiques soulignent la nécessité de prendre en compte la biodiversité des zones de nodules dans les futures décisions.
15/06/2021 – Le Comité interministériel de la mer (CIMer) de janvier 2021 a été en partie consacré au rapport de Jean-Louis Levet Conseiller Spécial pour les grands fonds marins auprès de Denis Robin, Secrétaire général à la mer.
Stratégie « Grands fonds marins » français – ITV Exclusive de Denis Robin, SG Mer
Wikipedia : Composition du gouvernement de la République de Nauru ICI
L’AIFM – Autorité internationale des grands fonds marins
AIFM – ISA et l’exploitation minière des grands fonds marins. L’Autorité se consacre actuellement à la mise en place d’un code de réglementation de l’exploitation de ces ressources. Cela comprend la prise en compte des questions technologiques, financières et environnementales.
Dans les années 1960, une attention particulière a été portée sur les ressources minérales des grands fonds marins après la publication d’un ouvrage du géologue américain John L. Mero intitulé The Mineral Resources of the Sea, où l’auteur expliquait que les fonds marins pourraient devenir une source importante d’approvisionnement pour couvrir nos besoins en minéraux. Cela a amené l’ambassadeur maltais Arvid Pardo à prononcer un discours devant la Première Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies au cours duquel il a demandé que les ressources des fonds marins soient considérées comme le « patrimoine commun de l’humanité » et vivement souhaité la création d’un système de réglementation internationale pour éviter que les pays les plus avancés sur le plan technologique ne colonisent les fonds marins et ne détiennent le monopole sur ces ressources au détriment des pays en développement.
Que trouve-t-on dans les Grands fonds ?
Une fiche technique de l’IFREMER ICI, acteur de la recherche dans les grands fonds marins
Un livre
Luc Folliet, journaliste indépendant et documentariste , a remporté en 2009 le Prix du premier livre d’enquête des Assises Internationales du Journalisme pour Nauru: l’île dévastée aux Editions La Découverte.
Un blog d’élèves de la classe média du Lycée Montaigne ICI, article sur Nauru paru en 2018
Le portail des Outre-mer qui a publié l’information, le 29 juin dernier, sur le refus de Nauru de laisser l’entreprise chinoise installer un câble sous-marin.
Le magazine qui a publié l’article d’Elham Shabahat
Hakai Magazine explores science, society, and the environment from a coastalperspective. The magazine is funded by the Tula Foundation, which also funds the Hakai Institute, but remains editorially independent.
Projets et enjeux avec les grands fonds marins pour la France
Pour en savoir plus sur les grands fonds marins, consultez les articles et les 11 interviews publiés par energiesdelamer.eu ICI.
22/01/2021 – Partie 2 – Les 11 témoignages qui éclairent la situation sur les grands fonds marins.
22/01/2021 – Partie 3 – Biographies des onze contributeurs qui ont répondu à la question unique : « Quels sont les enjeux de la stratégie maritime pour la recherche exploration dans les Grands Fonds Marins?». Chacun, avec sa compétence et ses expériences, a participé à ce dossier «Regards croisés autour des grands fonds marins» publié à l’occasion de la mise en ligne de la synthèse du Rapport Jean-Louis Levet SGMer et du CIMer dirigé par Denis Robin qui s’est tenu le 22 janvier 2021 au Havre.
18/01/2021 – La France sera-t-elle à la hauteur des enjeux pour l’exploration et l’exploitation des grands Fonds Marins ? ITW de Francis Vallat ICI.
Jean-Louis Levet
Jean-Louis Levet, nommé au SGMer pour les grands fonds marins
La présentation du Cluster Maritime Français dans le Business Directory d’énergiesdelamer.eu
Publicités Google :