Europe – 11/03/2022 – energiesdelamer.eu. Alors que l’Union européenne est réunie à Versailles pour tenter d’élaborer une riposte commune, son indépendance énergétique apparaît d’ores et déjà comme un objectif incontournable à moyen terme.

« L’indépendance énergétique totale de la France et de l’Europe dans les dix prochaines années. » C’est l’objectif affiché par Bruno Le Maire en introduction d’une journée intitulée « Renforcer l’autonomie énergétique européenne et réussir la transition écologique » le 9 mars dernier.

Ce qui passe, à court terme, par la diversification des approvisionnements, l’accompagnement des entreprises et la protection des ménages les plus vulnérables ; à moyen terme, il mise sur la rénovation thermique des bâtiments, et à plus long terme, sur une politique énergétique reposant à la fois sur le nucléaire et les énergies renouvelables, sur les bases détaillées par Emmanuel Macron à Belfort le 10 février dernier. Il a également mis en lumière des pistes moins matures telles que celle de l’hydrogène bas carbone, évoquant H2V Normandy, l’électrolyseur géant développé par Air Liquide à Port-Jérôme en Seine-Maritime officiellement lancé ce 8 mars, parmi les 15 projets français sélectionnés dans le cadre du PIIEC (projet important d’intérêt européen commun). La Commission européenne avait d’ailleurs annoncé la veille sa volonté d’accélérer sur l’hydrogène ainsi que sur le biométhane.

Autre déclaration marquante de Bruno Le Maire : la dérogation au sacro-saint principe de non affectation des recettes fiscales et le fléchage des revenus des taxes sur les énergies fossiles vers les énergies renouvelables et la décarbonation.

Une dérogation pour financer le nouveau nucléaire français ?

Concernant le nucléaire, Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, invite les États ayant prévu d’en sortir rapidement d’y regarder à deux fois, comme le fait d’ailleurs la Belgique. Jean-François Carenco, président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), plaide pour que le financement du nucléaire français, « qui bénéficiera à toute l’Europe », jouisse d’un traitement de faveur à Bruxelles.

Au sujet des renouvelables, Catherine MacGregor, la patronne d’Engie, mise sur la crise actuelle pour faire évoluer le regard porté sur l’éolien, notamment en France où il souffre d’un désamour préoccupant. Adam Middleton, président de Siemens Energy France, souligne l’extraordinaire potentiel de la façade maritime française et prédit que les 40 GW d’éolien en mer annoncés par Emmanuel Macron seront loin d’être suffisants.

Fatih Birol s’inquiète néanmoins que certains leur imputent la fragilité dont souffre actuellement la sécurité d’approvisionnement européenne, et n’arguent de cette urgence pour mettre le climat de côté.

Anticiper sur la disponibilité des métaux et minerais

Pourtant, affirme Nicolas Stern, il existe des solutions qui concilient atténuation et adaptation au changement climatique tout en favorisant la croissance. Mais encore faut-il une réelle coopération internationale et une volonté politique suffisante pour qu’elles voient le jour. Le spécialiste en économie du climat place beaucoup d’espoirs dans la pression politique exercée par les jeunes.

Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l’IFRI (Institut français des relations internationales), plaide pour transformer chaque consommateur en résistant, en l’informant sur les moyens de réduire sa consommation énergétique. A un niveau plus macro-économique, il souligne que l’Égypte ou l’Algérie pourraient limiter leur consommation domestique de gaz afin d’accroître leurs exportations. Il incite également l’Europe à se prémunir également contre un risque de pénurie de métaux et minerais à venir, qui freinerait sa transition énergétique. Outre des efforts accrus sur le recyclage, une sécurisation précoce des approvisionnements et la construction de capacités de transformation suffisantes sont donc essentielles.

Les industriels, nettement en avance sur les politiques comme l’a rappelé la ministre belge du Climat, de l’Environnement, du Développement durable et du Green Deal Zakia Khattabi, ont esquissé de nombreuses pistes. Inno Energy a évoqué la première batterie fabriquée à partir de métaux recyclés, ACC (Automative Cells Company) ses recherches sur la fabrication d’électrode à sec ou l’extraction de lithium par géothermie, Air Liquide (pour qui l’électricité représente 70% de ses coûts de production) des usines capables de s’adapter à l’intermittence des énergies renouvelables…

Décorréler le prix de l’énergie décarbonée de celui du gaz

Anna Borg, PDG de Vattenfall, a rappelé que son groupe était passé directement du charbon à l’hydrogène vert sans passer par la case du gaz…et mentionné l’acier décarboné fabriqué en Suède grâce cet hydrogène vert. Elle a également évoqué la plus grande ferme d’éolien en mer qu’elle opère en partenariat avec Air Liquide et le chimiste BASF dans le cadre de PPA (power purchase agreements), ces contrats de long terme conclus directement entre un producteur d’énergie renouvelable et un industriel et considérés comme des accélérateurs de la transition énergétique.

Cependant, un certain nombre de pistes esquissées par les participants ne peuvent se concrétiser qu’à Bruxelles. Ainsi d’une révision de la construction des prix de l’énergie notamment poussée par la France, afin que le prix des énergies décarbonées ne soit plus indexé sur celui du gaz ; ou encore la réforme du marché européen du carbone (ETS) pour mettre un terme aux allocations gratuites de quotas. Et enfin, plus culturel, la promotion d’une industrie européenne des biens d’équipement…

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