France – Lundi 27/08/2018 – energiesdelamer.eu. Interview de François Renelier – Les EMR françaises ne sont pas en panne et le secteur des assurances est prêt. Il faut reconnaître, qu’il en a eu le temps. Effectivement, un secteur peu traité dans le monde des énergies renouvelables de la mer est celui du métier de courtier d’assurance. Et, c’est aussi un élément clé !
Le portail energiesdelamer.eu est allé à la rencontre de François Renelier de chez Bessé EMR, afin de mieux comprendre les étapes d’un contrat d’assurances pour ce secteur qui est encore relativement «nouveau». L’apport de la Loi du 20 juin 2016 Economie Bleue (dite Leroy) qui a instauré un régime d’assurance spécifique pour les énergies renouvelables marines, afin que les machines soient considérées comme des objets en mer avait été un long débat !
EDM – Quelle a été la contribution de Bessé au sein du SER pour la loi Economie Bleue ?
François Renelier – FR – « Notre participation active au SER nous permet d’abord d’être en prise directe avec les enjeux et les préoccupations de la filière des EMR, sur les plans économique, juridique, technologique, etc… En retour, nous avons essayé d’apporter notre contribution en qualité de professionnels de l’assurance. Il y avait notamment, en France, des doutes quant au régime assuranciel des EMR, faute de précédent. Avec notre support, le SER a pu promouvoir l’idée selon laquelle les assurances des EMR devaient, naturellement, suivre le régime des assurances maritimes. Des dispositions légales sont intervenues (notamment dans le loi dite « économie bleue ») qui ont permis de valider ce principe.
Les conséquences ne sont pas neutres car ce cadre juridique clarifié permet d’alléger le coût final des assurances de façon sensible. Nous avons pu, à notre mesure, contribuer à améliorer l’efficacité économique des projets EMR français »
EDM – Quelle était l’expérience de Bessé dans le monde maritime avant d’entrer dans le marché des EMR ?
FR – C’est l’origine historique de Bessé : concevoir et trouver des assurances pour des chantiers de construction navale et des armateurs de navires. Aujourd’hui encore, Bessé travaille pour le compte des principaux chantiers en France, dans les domaines civil (Chantiers de l’Atlantique) et militaire (Naval Group). Ceci nous a confrontés à des risques complexes, portant sur des projets souvent innovants et des montants d’actifs à assurer très importants.
EDM – Quelle est la répartition des activités de Bessé dans le secteur EMR entre la France et les autres pays et les secteurs éolien offshore, hydrolien, câbles ….?
Bessé intervient dans toute la chaîne de valeur de la filière EMR (bureaux d’étude, fabriquants, installateurs, énergéticiens…) et sur toutes les technologies (éoliens flottant ou posé, hydroliennes, sous-stations offshores, cables, ETM, houlomoteur).
Nous sommes impliqués sur de nombreux projets en France mais avons été aussi conduits à accompagner certains clients à l’export (aux USA, en Belgique, au Canada…).
EDM – Quelles démarches un industriel doit-il envisager pour que son projet EMR soit bien assuré ?
FR – Le maître-mot est l’anticipation. En effet, encore trop souvent, les responsables des projets EMR se préoccupent du sujet des assurances au moment où la décision finale d’investissement est validée, voire plus tard.
Or, nous pensons, et notre expérience valide, qu’il y a un grand intérêt à traiter ce sujet plus en amont.
Notre objectif en tant que courtier est de comprendre quels seront la nature et les enjeux du projet dès le début, ceci nous permettant de réaliser conjointement avec le client des analyses de risques et de leur proposer des dispositifs d’assurance et des stratégies de placement des garanties en adéquation avec leurs intérêts techniques et financiers.
En effet, suivant la taille des projets et des sociétés qui les portent, les enjeux assurantiels peuvent être très différents et les objectifs de transfert aux assureurs dépendent beaucoup de la taille des entreprises.
En parallèle de ce travail d’analyse des risques et de stratégie de placement, il nous semble également important de nourrir, le plus tôt possible, l’image du projet auprès des assureurs en leur faisant découvrir ses atouts techniques mais également les mesures de réduction des risques qui ont été imaginées.
A contrario, la pire des situations consisterait à attendre quasiment le début de réalisation du projet pour interroger les assureurs au dernier moment, ce qui les place dans une situation à la fois inconfortable (la visibilité et la connaissance du projet sont diminués), mais également dans une position qui déséquilibre la relation (le projet doit absolument s’assurer avant son démarrage).
EDM – Quels sont les marchés de l’assurance qui sont susceptibles de s’intéresser à ce type de risques ?
FR – Historiquement, les projets EMR (essentiellement l’éolien posé) étaient assurés auprès des marchés de Londres d’une part et également auprès d’un assureur danois, CODAN (appartenant à un groupe d’assurance anglais, RSA)
Notre démarche, en tant que courtier référent pour l’EMR en France, a été d’impliquer beaucoup plus les assureurs continentaux opérant depuis la France, dans l’objectif de faire bénéficier les projets EMR français des mêmes standards de qualité et de gestion que les projets d’énergie terrestres (éoliennes terrestres, centrales thermiques, hydroélectriques ou nucléaires) que nous connaissons depuis des décennies.
Nous avons également tiré parti du savoir-faire que nous avons développé pour assurer des constructions de navires qui nécessitent, compte tenu de leur ampleur, d’agglomérer les capacités d’assurance continentales, londoniennes et scandinaves.
Aujourd’hui, à l’échelle européenne, les assureurs historiques restent très impliqués, mais des capacités alternatives et concurrentes se sont faites jour, ce qui nous permet de mettre ces différents marchés sous tension au bénéfice de nos clients.
Néanmoins, force est de constater que là où il faut agréger les capacités de plusieurs assureurs pour assurer un seul projet EMR, peu d’entre eux ont réellement la capacité d’être le leader qui va gérer la police d’assurance et les sinistres au quotidien.
Il sera intéressant d’observer comment les assureurs londoniens pourront se positionner à l’avenir sur des projets européens continentaux s’il se confirme que nous nous orientons vers un « Brexit dur » qui, dans une large mesure, privera ces assureurs de leurs accès aux projets se développant dans les pays de l’Union Européenne.
EDM – De quelle manière Bessé en tant que courtier accompagne ses clients sur ces sujets complexes et à quelles compétences avez-vous recours ?
FR – L’objectif de Bessé sur ces projets est de s’embarquer complètement aux côtés de l’équipe Projet, en se positionnant comme le service Assurances déporté et complétement impliqué le plus tôt possible.
Pour ce faire, nous avons recours aux services de nos ingénieurs au sein de notre filiale SOFIMAR. Il s’agit d’une structure intégrée, légère et très réactive, composée d’anciens marins qui connaissent tout à la fois le milieu maritime et les systèmes de production d’énergie, ce qui permet au reste de l’équipe (spécialistes de l’assurance, juristes…) de mieux comprendre techniquement les projets et ainsi de mieux analyser les risques pour ensuite les présenter aux assureurs.
Nous mettons également cette diversité de profils au service de nos clients lorsque des sinistres se réalisent (ce qui est encore aujourd’hui assez fréquent s’agissant des projets EMR) afin que les indemnités d’assurance soient versées dans les meilleures conditions et les meilleurs délais au bénéfice des Projets pour qui cela s’avère parfois vital.
Il s’agit donc d’une équipe pluridisciplinaire qui s’investit dès le début du projet jusqu’au moment du sinistre si celui-ci doit se réaliser, en passant par un soutien dans le cadre de la relation avec les Marine Warranty Surveyors qui surveillent les conditions de réalisation des travaux.
Il y a maintenant plus de dix ans, lorsque nous avons décidé d’investir cette filière, nous avons lancé en parallèle un processus d’innovation (consistant notamment à développer des polices d’assurance dédiées et sur-mesure) et en nous impliquant au sein de la filière, notamment au travers de notre participation active au sein du Syndicat des Énergies Renouvelables.
Nous avions pour objectif de devenir le courtier d’assurance français leader et référent sur le secteur des EMR. C’est aujourd’hui le cas et nous continuons à développer notre savoir-faire au service de ces projets passionnants.
EDM – Quelles sont les conséquences de la mise en liquidation d’Open Hydro pour BESSE ?
«Les projets hydroliens ne semblent pas avoir été complètement soutenus en France, ce qui a notamment conduit à la décision de cessation de cette activité chez Naval Energies/OpenHydro. Nous espérons néanmoins que les technologies hydroliennes et houlomotrices françaises pourront poursuivre leur développement, en France mais aussi à l’étranger, en mer ou dans le fluvial. Ce serait vraiment dommage de ne pas profiter de l’avance technologique acquise par des acteurs français en la matière. Il y a aujourd’hui des hydroliennes qui sont installées et qui ont fait leurs preuves, l’avantage des hydroliennes étant notamment la prédictibilité de leur production. Notre équipe EMR reste complétement mobilisée aux côtés de ces projets passionnants.
En France, dans ce contexte,, l’actualité est portée par les projets de fermes pilotes éoliennes flottantes. C’est la technologie, pourtant plus jeune, qui a le vent en poupe dans l’hexagone. »
EDM – Quelles nouvelles compétences vous a apportées le projet FLOATGEN au Croisic?
FR – Dans la mesure où Bessé a été choisi pour mettre en place les assurances en relation avec le démonstrateur d’éolienne flottante (projet FLOATGEN) installé au SEM-REV, nous pensons que nous pourrons accompagner d’autres projets dans ce nouveau dimensionnement de fermes pilotes, qui comportent des enjeux importants, tant en termes d’outils de production (les éoliennes, leurs flotteurs et leurs ancrages) que de raccordement.
EDM – Quel est votre pronostic quant à la capacité et la mise en place d’éoliennes flottantes commerciales en France et en Europe.
FR – Les côtes françaises devraient en effet être les premières à héberger des projets d’éoliennes flottantes à ce niveau de capacité et il faudra donc convaincre les assureurs de la bonne qualité des risques qui en découlent. Nous sommes très confiants : les projets que nous avons vus sont extrêmement sérieux et sensibles au dérisquage de leurs risques. Nous sommes déjà parvenus par le passé à assurer des démonstrateurs EMR innovants avec de très bons niveaux de garantie et, depuis, les assureurs qui ont investis cette matière sont de plus en plus mûrs pour ces énergies du futurs dont ils perçoivent très bien le potentiel de développement que cela représente aussi pour eux.
Clairement, en France, nous sommes en train de vivre un changement «d’échelle»
photo de gauche à droite : R. Couespel / L. Vatey / M. Heraud / F. Renelier
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