NEW YORK CITY – (Etats-Unis) – 18/04/2011 – 3B Conseils – Par Francis Rousseau –
Un intéressant article paru dans Tidal Today sous la plume de John R. Johnson met l’accent sur les choix qui pourraient être faits en faveur d’une solution hydrolienne marine pour permettre à une partie des Etats-Unis d’atteindre l’indépendance énergétique si recherchée et se débarrasser de la coûteuse et encombrante (en termes de CO2) option pétrole et charbon.
Alors que le solaire et l’éolien terrestre semblent remplir pleinement ce rôle pour tout le reste du pays, la solution marine renouvelable pourrait bien faire figure de solution idéale pour le Nord-Ouest aussi bien que pour le Nord-Est des Etats-Unis. C’est la constance et l’importance de la ressource (cf. cartes) qui pourraient faire pencher la balance des décideurs en faveur des énergies marines et en particulier de l’énergie des courants marins. C’est en tout cas ce qu’à déclaré Paul Jacobson, spécialiste des énergies marines pour Electric Power Research Institute (EPRI), en ajoutant que les deux autres facteurs en faveur du recours à ces énergies étaient la proximité des grands centres de consommation d’électricité et le fait que les projets d’énergie hydrolienne sont situés sous la mer, c’est-à-dire invisibles contrairement aux projets terrestres ou à d’autres projets en mer (à peine sous-entendu : les éoliennes offshore). « L’exploitation de ces énergies est encore en phase pré-commerciale », a-t-il pris soin de préciser « mais nous sommes très proches du moment où elles vont faire leur entrée sur le marché commercial. »
Et en effet, bien qu’il s’agisse de petites structures, deux ou trois projets hydroliens devraient être connectés au réseau électrique américain avant la fin 2011 et dans le courant de 2012. Ainsi Verdant Power, basé à New-York City, prévoit de raccorder au réseau ses turbines sous-marines immergées dans l’East River d’ici la fin de cette année (cf. nos articles du 17 mars 2008 et du 12 janvier 2011). Dans le Maine, Ocean Renewable Power Co. (cf. nos articles du 17 mars 2009 et du 11 avril 2011) affirme qu’une de ses hydroliennes de 150 kW pourrait produire de l’électricité au large des côtes d’Eastport et être raccordée au réseau d’ici la fin de l’année 2011 alimentant 60 foyers. Quatre autres turbines de même puissance seront ajoutées en 2012 dans une passe de la Baie de Fundy, considérée comme l’un des endroits de la planète où la ressource en courants marins est la meilleure. D’ici 2014, le parc hydrolien pourrait ainsi produire jusqu’à 3,2 MW, soit assez d’énergie pour alimenter plus de 1.000 foyers. « La prévisibilité et la constance de l’énergie des courants marins constituent leur avantage majeur », précise Chris Sauer, D. G. d’Ocean Renewable Power. « Nous sommes maintenant en mesure de prévoir l’énergie qui va être produite par tranches de six minutes, c’est donc pour nous une énergie très prévisible. «
Si, aussi bien Jacobsen que Sauer se trouvent d’accord pour dire que les États-Unis sont en retard sur d’autres parties du monde en matière d’exploitation d’énergie des courants marins, ils pensent aussi, de concert, que cela risque de changer rapidement. » En adoptant l’énergie d’origine hydrolienne bien avant nous, le Royaume-Uni et l’Europe ont pris une longueur d’avance sur les États-Unis « , renchérit Sauer dans l’entretien publié par Tidal Today : « Il y a deux ou trois entreprises en Europe qui sont un peu plus avancées que nous, même si nous avons fait pas mal de chemin de notre côté. Ils ont su rationaliser les processus des permissions de construire et agir de telle façon que l’industrie avance ». Une vision pour le moins optimiste, voire même tout à fait idéale, qui vaut peut-être pour le Royaume-Uni et le Portugal mais difficilement pour le reste de l’Europe ! Cette vision est d’ailleurs immédiatement tempérée par une constatation sans appel : « Toutefois, note-t-il, aucune de leurs hydroliennes n’est encore disponible commercialement, alors que dans moins de deux ans, on pourra les acheter chez Ocean Renewable Power et éventuellement chez un ou deux autres équipementiers. Nous sommes en effet sur le point de passer du stade du démonstrateur à celui du projet connecté au réseau et capable de vendre de l’électricité. »
Voilà une belle assurance américaine qui devrait faire réfléchir une Europe toujours prompte à s’endormir sur ses acquis. Jacobson avoue cependant que « des progrès restent à faire dans la conception des turbines appelées à évoluer surtout en matière d’impacts environnementaux ».
Les autres avantages soudainement trouvés par les américains pour les faire aimer les hydroliennes ne sont pas très originaux :
1. économiques : à capacité égale, les hydroliennes sont plus petites que les éoliennes et donc moins onéreuses à fabriquer (en terme de matière première en tout cas).
2. environnementaux : pour ne pas dire esthétiques, les hydroliennes situées pour la plupart sous la mer ne sont pas visibles.
« La meilleure illustration est fournie par le projet de Roosevelt Island dans l’East River à NYC », dit Jacobson. « Environ 1 million de personnes passent par ici chaque jour et n’ont aucune idée de ce qui passe là-dessous. »
Les deux seuls points d’interrogation (de taille!) concernent la rapidité avec laquelle l’industrie hydrolienne va être en capacité d’innover aux États-Unis et la quantité d’énergie totale qui pourra être produite. Il faut dire, à ce sujet, que les estimations varient considérablement. Ocean Power Renewable, par exemple, estime pouvoir exploiter jusqu’à 100 MW d’énergie issue des courants marins sur le seul site d’Eastport. Des chercheurs de Georgia Tech mènent des études plus globales pour déterminer combien d’énergie pourrait être récoltée sous la mer aux États-Unis. Un rapport récent de l’EPRI avançait le chiffre de « 115 TWh d’énergie par an », la plus grande partie de cette ressource étant située au large de l’Alaska (cf. notre article du 2 septembre 2010)
Les estimations à l’échelle mondiale varient de 100 TWh par an à plus de 3.500 TWh ! C’est une variation énorme, mais chacun est au moins d’accord pour dire que les estimations sont difficiles à établir dans un domaine où l’on ne connaît pas encore complètement le comportement des machines en situation de production.
Quoi qu’il en soit, les acteurs américains, même très enthousiastes du domaine hydrolien, savent bien que c’est l’appel à l’ensemble des ressources renouvelables marines qui, éventuellement, pourra permettre à leur pays d’atteindre plus d’indépendance énergétique tout en respectant l’environnement.
Visiblement la dynamique est lancée. Comme d’habitude la hausse du prix du carburants conjuguée aux questions nouvelles posées par la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima n’y est pas étrangère.
Sources. Sites liés. Carte 1 : Sites de ressource en énergie des courants marins exploitables aux USA. 2. Carte des ressources en énergie des courants dans le monde (en rouge les zones les plus denses)
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