France – 13/12/2021 – energiesdelamer.eu. Des attentes déçues en termes d’intégration locale, de données environnementales et plus largement de prise en compte des arguments des citoyens font le lit des oppositions aux projets de parcs offshore. Pour y remédier, la Commission nationale du débat public préconise de mieux favoriser le droit à la participation.
Depuis 2010, en 14 débats publics et concertations, la Commission nationale du débat public (CNDP), a recueilli les arguments de plus de 30 000 personnes. Le webinaire du 7 décembre dernier, fait un point sur ce retour d’expérience qui lui permet d’observer leur constance au fil du temps avec Chantal Jouanno présidente de la CNDP depuis mai 2018, Philippe Lendivic, président de l’Autorité environnementale (Ae) depuis mars 2014, Francis Beaucire, président de la commission particulière de Débat public Nouvelle-Aquitaine en cours jusqu’au 28 février 2022 et Etienne Ballan commission particulière de Débat public Méditerranée qui s’est terminée le 31 octobre 2021.
Si la nécessité de la transition écologique et énergétique n’est généralement pas remise en question, l’opportunité du développement de l’éolien en mer et l’intégration écologique, économique et sociale des projets sur un bassin à court, moyen et long termes, suscitent plus de questionnements.
La place de l’éolien dans le plan énergétique français, son efficacité, sa rentabilité et son impact sur la baisse des émissions de gaz à effet de serre sont régulièrement remis en cause. Notamment sous l’angle du coût de l’énergie produite, de la non prise en compte du démantèlement des parcs, d’une productivité insuffisante en raison de l’intermittence ou encore d’un manque de fiabilité. Ces défauts sont essentiellement soulignés par comparaison avec le nucléaire et émanent principalement de défenseurs de l’atome. Lesquels contestent la nécessité de continuer à décarboner le système électrique français. Ces arguments sont pourtant battus en brèche notamment par RTE, dont les scénarios prévoient au minimum 50% d’énergies renouvelables, dont jusqu’à 62 GW d’éolien en mer en 2050. Mais cet objectif n’est pas affiché par l’Etat de façon suffisamment claire et étayée.
Planification insuffisante
Le développement de parcs dont les bénéfices seront générés au profit d’entreprises privées suscite également des critiques.
Mais l’opposition provient aussi de l’absence de planification des zones de développement, d’exclusion et d’objectifs à long terme sur les façades et, plus encore, de la promesse non tenue par l’Etat de tirer les enseignements de parcs expérimentaux pour lancer des projets commerciaux.
Depuis le premier débat public en 2010, citoyens, acteurs de l’énergie et acteurs locaux, demandent une plus grande visibilité à moyen et long terme sur les projets d’implantation de parcs dans chaque zone.
L’opposition est nettement moins forte dans les régions déficitaires en énergie, où l’éolien en mer est perçu comme une piste pour combler ce déficit. L’inverse est vrai dans les régions riches en installations de production énergétique comme Dunkerque ou la Normandie.
Améliorer l’intégration locale
Les habitants des régions concernées sont demandeurs de preuves et d’engagements quant aux retombées locales des projets : développement d’une filière industrielle, emplois locaux, filières de formation mais aussi compensations financières pour les collectivités et acteurs impactés.
A commencer par les pêcheurs, qui demandent systématiquement à être associés au choix de la zone, exigent des conditions claires pour pouvoir pêcher au milieu des parcs ou, à défaut, des compensations. Mais les autres usagers de la mer, notamment transporteurs maritimes ou plaisanciers, demandent eux aussi que l’impact des parcs sur leur activité soit évalué.
Autre sujet de questionnement récurrent ; les conséquences environnementales des parcs, notamment lorsqu’ils se situent dans des zones écologiques fragiles ou remarquables, classées comme telles par l’Etat lui-même. Des interrogations qui restent malheureusement sans réponse, puisque la France ne dispose pas de données environnementales, en particulier concernant l’impact sur la faune. En outre, la biodiversité n’étant pas un élément discriminant dans les cahiers des charges, il apparaît comme un objectif secondaire face à la transition énergétique.
Les citoyens sont également demandeurs de négociation concernant l’intégration territoriale et environnementale des projets, le zonage et ses impacts paysagers. Les simulations visuelles ou photomontages présentés par les responsables de projet sont presque systématiquement contestés.
Permettre au droit de participation de s’exercer
A l’occasion de ce bilan, la CNDP rappelle les bases de sa raison d’être. Légalement, le public doit pouvoir peser sur les décisions relatives à l’opportunité du projet, ses objectifs, ses alternatives et ses grandes caractéristiques. Le droit de la participation a pour objectif de lui permettre de peser sur ces grandes orientations et choix stratégiques avant que les décisions ne soient arrêtées.
La loi Essoc
Une première étape en ce sens a été franchie avec la loi pour un État au service d’une société de confiance dite « ESSOC » de 2018. Désormais, le débat public ou la concertation se déroulent avant la décision de réaliser le parc éolien, le choix de la zone et la définition des grandes caractéristiques du cahier des charges.
Par ailleurs, l’Etat a pris en compte certains enseignements du débat public. Outre la possibilité de débattre du choix de la zone d’implantation et des grandes caractéristiques du parc, une mission doit clarifier la fiscalité applicable aux parcs en fonction des zones.
La CNDP rappelle que l’information du public est la condition première du débat public et déplore le défaut constant de données environnementales ou concernant le bilan écologique et économique des projets, qui prive le public de l’exercice de ses droits.
Approfondir la recherche sur les milieux marins
Les données environnementales étant trop parcellaires pour être utilisées comme critère de localisation des futurs parcs, il est nécessaire de mener une politique de recherche étendue et transversale sur les milieux marins et les impacts environnementaux, intégrant l’expertise d’usage et s’inscrivant dans la durée. La CNDP préconise un groupement d’intérêt scientifique centralisant les données issues de l’ensemble des parcs.
Surtout elle insiste sur la nécessité de mettre à disposition des citoyens préalablement au débat public toutes les informations nécessaires : bilan écologique complet du projet, données environnementales disponibles sur la zone considérée et bilan économique du projet. Celui-ci doit détailler le mode de calcul du prix de rachat de l’électricité, la comparaison avec les énergies alternatives à cycles économiques équivalents, la fiscalité selon la zone retenue, la dépendance de la France en matière de matériaux, de conception et d’exploitation des parcs et la stratégie industrielle envisagée pour y remédier.
Une réelle jouissance du droit à la participation pour les citoyens implique de répondre aux contributions du public sur le cahier des charges, d’assurer la continuité de l’information du public, et de planifier géographiquement et à long terme, les différents usages de la mer, au-delà de « zones de vocation » définies à l’échelle de la façade maritime.
Enfin, il est essentiel que les responsables de projet et l’Etat tiennent leurs engagements en termes emplois locaux, d’accessibilité des entreprises locales aux marchés de sous-traitance, de respect des usages et usagers de la mer, de limitation des nuisances pendant le chantier et de concertation avec les associations représentant les usagers de la mer.
POINTS DE REPÈRE
03/12/2021 – « Fait rare ». Pour la première fois le dimensionnement d’un parc est modifié en cours de débat public pour répondre aux recommandations des participants. La DGEC a donc élargie la zone initialement prévue et revient à celle du Document stratégique de façade Sud-Atlantique. Mais, malgré cette nouvelle donne, le projet de parc éolien en mer souhaité dans le cadre de la PPE (ou les parcs) reste(nt) dans la zone des deux parcs naturels marins en Nouvelle-Aquitaine que sont le parc naturel marin du Bassin d’Arcachon et celui du parc naturel marin de l’Estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis
Le parc naturel marin du Bassin d’Arcachon a été créé par décret du 05 juin 2014. Il est situé au creux du Golfe de Gascogne, dans des eaux au large du département de la Gironde. Il couvre une surface de 420 km².
Le parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis a été créé par décret du 15 avril 2015 et couvre 6 500 km² d’espace marin sur la façade atlantique. Il s’étend sur environ 800 km de côtes sur trois départements (Vendée, Charente-Maritime, Gironde).
20/05/2021 – Annick Girardin, ministre de la Mer a lancé la consultation sur les « Documents stratégiques de façade 2021 ». Le retour sur le Bilan de la «postconcertation préalable» de la CNDP sur les quatre Façade Manche-Est – Mer du Nord, Façade Nord Atlantique – Manche Ouest, Façade Atlantique Sud, Façade Méditerranée, a été mis en ligne.
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