MALÉ – (République des Maldives- AOSIS) – 19/03/2010- Premier état insulaire à être confronté très concrètement à l’élévation du niveau de la mer, la République des Maldives, constituée de 1 199 îles, dont 202 habitées, vient de commander la construction d’une île flottante artificielle au constructeur néerlandais Dutch Docklands. Ce constructeur s’est notamment rendu célèbre en élaborant une partie des îles artificielles pour milliardaires au large de Dubaï appelées The World qui reproduit, dans un archipel de 300 îles artificielles, la forme des 5 continents (détail du projet ICI).
J’ai déjà parlé de ce constructeur à travers sa société Water Studio et de son étonnant projet de terminal portuaire en pleine mer le 12 février 2010 ICI.
C’est cependant une technique un tout petit peu différente de celle employée pour construire les îles artificielles de The World que Dutch Docklands aurait l’intention d’utiliser pour honorer la commande des Maldives. L’enjeu, lui aussi, est totalement différent puisqu’il ne s’agit plus de créer des espaces artificiels de loisirs pour richissimes oisifs en mal de sensations mais d’aider la République des Maldives à préparer son avenir face à la montée de l’océan et à compléter les mesures déjà prises par la mise en oeuvre d’un plan d’évacuation massive des premières îles submergées de son territoire. Un programme de construction de milliers de logements a d’ores et déjà été lancé par le gouvernement pour accueillir les premiers réfugiés climatiques. Rappelons que le 17 octobre 2009, à titre symbolique, le président des Maldives, Mohamed Nasheed, a organisé un conseil des ministres sous-marin, à 3 mètres sous l’eau, afin d’alerter l’opinion publique internationale sur le risque de disparition de son pays (dont le point culminant se situe à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer), et des autres pays de l’AOSIS, l’Alliance des petits États insulaires vulnérables à une future montée du niveau des océans.
Persuadée donc que l’humanité est confrontée avec la montée des océans au pire problème de toute son histoire, (n’en déplaise à Claude Allègre et aux négationnistes du changement climatique), la République des Maldives fait montre d’une imagination politique dont beaucoup de pays pourrait s’inspirer avec profit pour tenter de pallier à la catastrophe annoncée qui a commencé à s’abattre sur son territoire lentement, très lentement mais inexorablement. Pour l’instant la montée des eaux aux Maldives est de 3mn par an et au rythme actuel il faudra attendre 2100 pour que le territoire situé à 3 mètres au-dessus de la mer soit submergé. Le constructeur néerlandais pense que le problème de la montée du niveau des océans pourra être minimisé par l’inventivité et en particulier par la mise au point d’ îles flottantes semblables aux maisons flottantes déjà construites aux Pays-Bas qui donnent toute satisfaction lors des inondations auxquelles le pays est régulièrement confronté. L’entreprise s’est désormais spécialisée dans les solutions spécifiques pour les endroits de la planète où la montée du niveau des océans devient le plus problématique et où la poldérisation traditionnelle n’est pas suffisante pour enrayer le problème ou alors trop onéreuse à mettre en œuvre. L’île flottante imaginée pour les Maldives (cf. simulation de tête d’article) peut être amarrée à la terre de sorte qu’elle peut rester assez stable. Elle peut aussi être construite en pleine mer et ses fondations peuvent abriter une vie sous-marine organisée avec notamment une industrie de pisciculture. La plage de cette île totalement flottante offrirait tous les avantages d’une plage normale mais en plus rationnel d’un point de vue écologique, si l’on peut dire, en ce qu’elle serait exempte des problèmes d’érosion. Sur les plans assez mystérieux pour l’instant de cette future île, le sable repose sur une couche de mousse et sur une plate-forme de béton, descendant en pente très douce et très longue sous l’eau. Avec ce système d’île artificielle, Dutch Docklands prétend être capable de conserver le rythme physique des marées et, ce, quelles que soient les variations du niveau de la mer. L’île ne serait donc jamais submersible.
Installé à Dubaï parce que selon l’entreprise « tout y est possible », l’entreprise hollandaise affirme que l’île conçue pour les Maldives sera construite sur un modèle moins proche de celui de Palm Jumeirah, (île balnéaire artificielle de 11 milliards d’euros dont les travaux débutés en 2001 pourraient s’achever en 2013) que du modèle de l’île commandée récemment par l’émir de Dubaï en personne pour sa propre famille. À la fin du 21e siècle, il serait en effet probable qu’une partie de Dubaï, paradis actuel du tourisme de luxe, puisse aussi, selon certaines sources alarmistes, être submergé par les eaux pour les mêmes raisons que les Maldives. Loin de toute considération futile, l’île flottante commandée par l’émir Mohammad ben Rached Al-Maktoum devrait assurer la survie de la progéniture princière et de la dynastie dubayote au 22e siècle !
Pour les Maldives, le remplacement de son territoire est déjà une question de vie ou de mort et le gouvernement n’a pas jugé superflu de s’en précoccuper 90 ans à l’avance.
Article : Francis ROUSSEAU
Docs : sites liés. PHoto1 © Dutch Docklands. 2 THE WORLD 3. beach Island© Dutch Docklands.
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