France – 15/06/2021 – energiesdelamer.eu. Vous avez demandé à Jean-Louis Levet nommé Conseiller Spécial pour les grands fonds marins, dans le cadre de la seconde étape de sa mission destinée à mettre en œuvre les décisions du Comité interministériel de la mer (CIMer) de janvier 2021 de prendre la direction d’une équipe-projet dont la création a été décidée lors de ce CIMer.
Il continue de mobiliser le groupe de travail réunissant acteurs publics et privés qui a contribué à nourrir le rapport qu’il vous a remis à l’été 2020 sur une stratégie renouvelée de l’exploration et de l’exploitation durable des ressources minérales des grands fonds marins.
Cette équipe, tout en mettant en œuvre les priorités et les projets retenus en CIMer, doit produire, conformément aux deux autres décisions du CIMer : une expertise collective dont l’objectif est de préciser les besoins financiers, humains et techniques, et une feuille de route opérationnelle de mise en œuvre des projets, en étroite relation avec Annick Girardin, la ministre de la mer. A l’appel du Cluster maritime français et des pôles mer Bretagne Atlantique et Méditerranée, les entreprises et les organismes intéressés par l’exploration des grands fonds marins, qui peut se prolonger ou pas par l’exploitation, peuvent se faire connaître avant le 17 juin.
Votre rôle interministériel donne une vision globale de la politique du Gouvernement pour la stratégie « Grands fonds marins ». La lecture de la synthèse du rapport de Jean-Louis Levet publié en amont du CIMer décrit une ambition élevée et large. Quelles sont les suites données aux décisions du CIMer ?
Denis Robin – Depuis la tenue du CIMer le 22 janvier 2021, nous nous sommes attelés à la mise en œuvre des grandes priorités et des projets correspondants dont le principe a été validé par le Premier ministre et qui s’inscrivent dans les dix ans à venir. Il est en effet indispensable qu’une stratégie des grands fonds marins s’inscrive dans la durée, si nous voulons rester dans le peloton de tête des grands pays maritimes.
C’est la raison pour laquelle une approche globale a été retenue avec plusieurs volets complémentaires : exploration des grands fonds et acquisition de connaissances en lien avec les enjeux liés à leur protection ; amplification des efforts de recherche concernant les impacts environnementaux d’une éventuelle exploration et exploitation des grands fonds ; élaboration d’une stratégie multipartenaires avec d’autres États tant en Europe qu’au niveau mondial, en particulier dans la zone indopacifique ; et l’indispensable prise en compte de l’acceptabilité sociale de telles actions.
Ce travail se fait en relation étroite bien entendu avec l’ensemble des ministères concernés ainsi qu’avec les membres du groupe de travail « GFM » toujours animé par Jean-Louis Levet, qui a été nommé Conseiller spécial pour la stratégie grands fonds, auprès de moi.
Le Premier ministre a rappelé lors de son déplacement à Brest en février dernier à l’Ifremer, toute l’importance qu’il porte à la mise en œuvre rapide de cette stratégie nationale, tout en mobilisant l’ensemble des ministres. Il a confié à la ministre de la mer la responsabilité politique de « porter » cette politique publique des grands fonds. Nous travaillons bien sûr en étroite relation avec son équipe.
De quel ordre devrait être le financement estimé pour la mise en œuvre du projet grands fonds en fonction des ambitions affichées lors du CIMer et sur quelle période ?
DR – Les besoins financiers sur 10 ans ont été évalués aux environs de 300 millions d’euros, dans le cadre des travaux réalisés par le groupe de travail « grands fonds marins » du SGMer. Conformément aux décisions du CIMer, il s’agit de préciser cette première évaluation, en liens avec les moyens techniques et humains nécessaires et ceux susceptibles d’être disponibles. Bien entendu, des financements publics et privés devront être mobilisés. Leur répartition dépendra du type de projets retenus.
Le financement du démonstrateur IFREMER à l’échelle a-t-il été pris en compte dans cette estimation ?
DR – Oui, la réalisation d’un « démonstrateur » constitue un projet important qui incarnera le lancement de la stratégie. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un classique démonstrateur industriel, souvent évoqué ces dernières années, y compris dans certains États très intéressés par l’exploitation des ressources minérales des grands fonds marins. L’originalité et le volet précurseur de ce démonstrateur, seront les suivants : il s’agira de tester l’impact, le cadre et la faisabilité d’une exploitation durable des grands fonds marins ; concrètement cela signifie que les données acquises, qui nourriront un travail scientifique sur les milieux naturels concernés, nous donneront la possibilité à chaque étape de réalisation du démonstrateur, de poursuivre ou de renoncer à une exploitation industrielle. Je précise aussi qu’un tel projet engagera toutes les parties prenantes : corps social, pouvoirs publics, industriels, scientifiques.
Quels sont les grands acteurs pour cette nouvelle politique publique et comment allez-vous associer les PME ou TPE ?
DR – Nous les connaissons, ils font partie depuis le début de la mission de Jean-Louis Levet fin 2019 du groupe de travail qui poursuit ses échanges : outre les ministères concernés, nous travaillons avec les grands opérateurs publics et de recherche (Ifremer, SHOM, CNRS, BRGM, IRD, avec les laboratoires, universités, écoles associés), le Cluster Maritime Français (CMF) qui fédère les grands groupes industriels, les start-up, PME, et ETI intéressés. Le CMF et les deux Pôles Mer avec lesquels nous coopérons étroitement nous permettent ainsi de sensibiliser le plus d’entreprises industrielles et de service possibles. Par exemple, depuis le webinaire du 1er juin ayant réuni le SGMer, le CMF et les deux Pôles Mer, nous avons reçu plusieurs manifestations d’intérêt d’entreprises. C’est un point de départ pour être plus fort et développer une filière industrielle dont le pays a bien besoin. Il doit avoir des suites.
Je considère qu’il est en effet capital que la dynamique collective créée dans le cadre de la mission Grands Fonds Marins soit non seulement maintenue, mais étoffée, élargie afin que nous soyons en mesure d’agir fort et collectivement dans la durée, en partenariat avec d’autres États partageant les mêmes valeurs. Dans une mondialisation où les tensions dans ce vaste domaine maritime, ne cessent de croître, l’approche partenariale et le multilatéralisme constituent deux de nos principes fondamentaux d’action.
Quels seront les rôles des grands établissements scientifiques tels que l’Ifremer, l’IRD, le CNRS, le BRGM … qui sont déjà engagés dans l’exploration des grands fonds ?
DR – Chacun a un positionnement, un/des métiers, des compétences. L’enjeu, déjà bien compris, est de travailler ensemble autour de projets communs. C’est déjà le cas.
Comment pensez-vous concilier les demandes des ONG relatives aux impacts environnementaux sur la biodiversité avec les besoins de la recherche ou de l’exploration ?
DR – J’ai rappelé plus haut toute l’importance que nous accordons à la dimension environnementale et à l’indispensable gouvernance participative qu’il conviendra de mettre en place, afin d’intégrer toutes les parties prenantes à une telle stratégie. La connaissance et l’évaluation des impacts sont des préalables non négociables.
Compte tenu de la stratégie et des efforts faits depuis les années 1970, pensez-vous renforcer la place de la France au sein d’institutions telles que l’Autorité Internationale des Fonds Marins, afin de mieux présenter le savoir-faire des établissements scientifiques, techniques, voire industriels ?
DR – Je le disais, l’approche multilatérale est fondamentale. À notre niveau, et en étroite relation avec le MEAE, nous sommes en relation avec le Secrétariat général de l’AIFM et les informons de notre démarche, qui retient toute son attention.
La France a, comme vous le savez, contracté deux permis auprès de l’AIFM, dont l’Ifremer est l’opérateur : l’un obtenu en 2001 et accordé pour 15 ans sur les nodules polymétalliques dans le Pacifique (la zone de Clarion-Clipperton au nord-est), prorogé pour 5 ans en 2016, dont le renouvellement est en cours de préparation ; le second sur les amas sulfurés dans l’Atlantique nord, signé en 2014, et accordé aussi pour 15 ans.
Le rapport de mission Grands Fonds Marins sur lequel le CIMer s’est appuyé pour prendre ses décisions, en fait un point déterminant. De notre capacité à construire dans la durée des projets de coopération avec d’autres États dépend une grande partie de l’avenir de notre pays dans le domaine de l’exploration et d’une éventuelle exploitation des grands fonds marins. En Europe, plusieurs pays ont des compétences et des ambitions dans ce domaine, que l’on peut par exemple saisir par les contrats d’exploration qu’ils ont signés avec l’AIFM dans la « Zone » : l’Allemagne avec 2 permis, le Royaume-Uni avec 2 permis également, la Belgique ou encore la Pologne ; le Portugal ou encore la Norvège développent des actions dans ce domaine, dans le cadre de leurs ZEE respectives. Dans le pacifique, des États tels que l’Inde, la Corée, le Japon par exemple, avec lesquels nous avons des partenariats globaux sont importants pour nous.
POINTS DE REPÈRE
Vous souhaitez vous positionner sur la chaîne de valeur, manifestez-vous avant le 17 juin ! Un formulaire est à votre disposition. Cette proposition est la suite du webinaire « Stratégie des activités minières des grands fonds marins » organisé le 1er juin dernier, avec pour objectif d’informer leurs membres et au delà.
Grands Fonds Marins : Entreprises, manifestez votre intérêt avant le 17 Juin !
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22/01/2021 – Le 4è CIMer du quinquennat se tient demain au Havre en présence de Jean Castex
18/01/2021 – La France sera-t-elle à la hauteur des enjeux pour l’exploration et l’exploitation des grands fonds ? ITV de Francis Vallat, président d’honneur du Cluster Maritime français et président du groupe de travail GFM.
15/01/2021 – Synthèse du rapport Jean-Louis Levet – SGMer – Stratégie nationale d’exploration et d’exploitation des ressources minérales dans les grands fonds marins : Bilan et orientations : une nouvelle dynamique ? 2020 ICI.
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