Jersey France – 20/09/2021 – energiesdelamer.eu. Il n’y a pas que la rupture du contrat australien pour Naval Group qui empoisonne les relations franco-anglaises. Privés de pêche à partir de fin septembre 2021, les pêcheurs français menacent de couper le(s) câble(s) électrique(s) entre la France et Jersey.

En effet, l’île de Jersey, bien que située au large des côtes françaises, dépend de la Couronne britannique. Les jersiais sont environ  100 000 personnes à habiter l’ile, qui reçoit environ 95 % de son électricité par des câbles sous-marins provenant de France. La pêche représente une part relativement faible de l’économie de l’île, néanmoins elle a fait l’objet de nombreux débats pendant la campagne du Brexit et dans les négociations qui ont suivi. En revanche, 60% de la pêche artisanale boulonnaise dépend des eaux britanniques selon Frédéric Cuvillier.

Depuis le Brexit, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les pêcheurs français ne peuvent plus travailler dans les mêmes conditions dans la poissonneuse zone de Jersey, et à la fin du mois de septembre, les pêcheurs normands ne pourront plus exercer dans les eaux anglo-normandes. En réponse à cette décision, ils menacent de couper un câble sous-marin qui alimente l’île de Jersey en électricité.

Reprenons le cours des négociations

Le 22 avril dernier un communiqué commun d’Annick Girardin, ministre de la Mer, et de Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, rappelait la nécessité d’une action ferme et déterminée de la Commission européenne pour assurer la pleine application de l’accord conclu fin décembre avec le Royaume-Uni, dans le domaine de la pêche. La délivrance complète des licences d’accès aux eaux britanniques, le règlement rapide de questions essentielles comme celle des bases avancées doivent être assurés au plus vite…. Conformément aux engagements du Président de la République et aux annonces du Premier ministre, le plan de soutien au secteur de la pêche, qui doit être validé rapidement par la Commission européenne, apportera à la filière de la pêche les garanties utiles au maintien de son activité.

Le 23 avril, dans une interview à la « Voix du Nord », les mêmes ministres avaient annoncé l’arrivée de nouvelles licences qui doivent permettre aux pêcheurs d’entrer dans la bande des 6-12 milles britannique. La veille les pêcheurs avaient bloqué l’accès de la criée aux Britanniques. En effet, des subtilités apparaissaient à la lecture des 1200 pages, publiées par le quotidien « La Croix »: sur le papier, si Londres a accepté de laisser les flottes européennes pêcher sur cette bande des 6-12 miles, elle la fait débuter non pas depuis la côte mais à partir de bancs situés plus loin en mer, réduisant d’autant la zone de pêche pour les Français. Les pêcheurs doivent également s’équiper de filets au maillage plus gros, qui laissent passer plus de poissons, faute de quoi ils sont repoussés par les autorités britanniques et menacés d’une amende élevée.

Le Royaume-Uni avait donc informé l’Etat français de sa volonté d’introduire de nouvelles clauses « non prévues par l’accord post-Brexit pour délivrer des autorisations de pêche aux navires français dans les îles anglo-normandes, et notamment Jersey. En vertu des nouvelles règles de pêche post-Brexit, les navires de l’Union européenne (UE) souhaitant pêcher à moins de 22 km des côtes britanniques devaient obtenir une licence. Pour ce faire, les navires doivent prouver qu’ils ont déjà pêché dans ces eaux, ce qui selon de nombreuses personnes, est un processus onéreux. Par ailleurs, les navires doivent être équipés de dispositifs de surveillance et remplir un certain nombre de nouvelles exigences, introduites sans préavis ni concertations par les autorités britanniques. De nombreux navires se sont vus refuser cette licence, car ils ne présentaient pas de preuves suffisantes, une situation que la France a qualifiée d’injuste étant donné les modifications de dernière minute apportées aux mesures en matière de pêche post-Brexit, selon Forbes.

Le Royaume-Uni et la France avaient envoyé des patrouilleurs de leur flotte respective au large de l’île de Jersey pour surveiller la manifestation en mer des pêcheurs français et éviter un possible blocus de l’île.

A l’époque, toujours selon le ministère français de la Mer, des listes de navires habilités à pêcher ont été publiées, dont le « nombre de jours » que peuvent passer en mer les marins-pêcheurs, « et avec quels engins ». En mai, Annick girardin avait considèré que si de nouvelles exigences pour les zonages de mer ou les engins de pêche sont intégrées dans les licences, alors même qu’elles n’ont pas été notifiées à la Commission européenne, elles sont nulles et non avenues ». La ministre avait appelé dans sa déclaration à l’AFP, au « strict respect de l’accord » de pêche négocié dans le cadre du Brexit. Lors d’une séance de questions à l’Assemblée Nationale le 4 mai, Annick Girardin avait, entre autres, évoqué des répercussions éventuelles sur le « transport d’électricité par câble sous-marin » qui alimente l’île depuis la France. « Je regrette si on devait en arriver » là mais « on y sera s’il faut le faire ».

Vue de Jersey

Les autorités

De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Ian Gorst, avait dénoncé la décision de la région de Bretagne et du département de la Manche de fermer la « Maison de Normandie » qui abrite « le consulat honoraire de France »« Nous voulons rétablir cette relation dès que possible. Le gouvernement de Jersey demeure pleinement engagé dans sa représentation à Caen au sein des îles anglo-normandes », avait ainsi assuré le gouvernement de Jersey.

La position des pêcheurs de Jersey

Les pêcheurs jersiais s’inquiètent de ne plus trouver assez de poissons dans leurs eaux. “On a 70-75 bateaux à Jersey et il ne peut pas y en avoir plus”, avait précisé un pêcheur de Saint-Hélier qui comme ses collègues ne veulent pas voir tous les bateaux français affluer. Il n’y a pas assez de stocks de poissons pour tout le monde selon eux.

Toujours en mai, du point de vue Jersey, la France ne joue pas le jeu, elle rend de plus en plus difficile la vente de poissons sur son sol. Steve Channing, un pêcheur de l’île, a avancé : “La France devrait trouver une solution pour que les bateaux jersey puissent débarquer leurs poissons à Granville, comme nous le faisons depuis des années.”

POINTS DE REPÈRE

Les liaisons RTE entre la France et Jersey (lignes Normandie 1 et 2 qui datent respectivement de 1985 et 2000).

Normandie 1 mise en service en 1985 : câble sous-marin isolé avec de l’huile qui relie le poste électrique de Surville (implanté dans le milieu dunaire de Saint-Rémy-des-Landes) à l’île de Jersey. Sa capacité est de 55 MW (mégawatts).

Normandie 2 mise en service en 2000 : câble sous-marin reliant le poste électrique de Saint-Rémy-des-Landes à l’île de Jersey est à isolation synthétique. Sa capacité est de 90 MW.

Normandie 1 et Normandie 2 sont implantées côte à côte et ont une même source d’alimentation, le poste électrique de LA HAYE-DU-PUITS.
L’autre source d’électricité est la centrale de production au fioul de la Collette, d’une capacité de 212 MW. Il existe en plus une liaison électrique entre Jersey et Guernesey d’une capacité de 60 MW, permettant des échanges d’électricité dans les deux sens.

Ces deux lignes alimentent déjà plus de 90 % des besoins en électricité de l’île, mais ne sont pas suffisantes (100.000 habitants).

Normandie 3 une capacité de 100 MW.

Les travaux d’installation de ce câble, qui ont débuté par la partie terrestre, se poursuivent sur la plage d’Armanville à Pirou dans la Manche. Aux 18 km terrestres enterrés par RTE, s’ajoute près de 34 km de câbles sous-marin de 90 000 volts (2500 tonnes).

Financée exclusivement par Jersey Elecricity à hauteur de 67 millions d’euros, cette ligne permettra dès sa mise en service d’approvisionner les deux tiers de l’île en électricité.

Elle pourrait également être employée pour acheminer vers la France de l’énergie produite au large des îles anglo-normandes, avec le projet d’une ferme hydrolienne géante au large de l’île d’Aurigny qui devrait voir le jour en 2020 (300 MW).

Les câbles sous-marins ont été fabriqués dans l’usine de Arco Felice (Italie), et ceux passés en terrestre à Gron dans l’usine de Prysmian (France).

28/04/2021 – Le Parlement européen vote l’accord commercial de l’UE avec le Royaume-Uni. Mais la est toujours en lire de mire ! Les eurodéputés se sont déjà exprimés sur l’accord commercial conclu in extremis fin 2020 entre Londres et Bruxelles, mais de nombreuses questions n’ont toujours pas été tranchées et risquent de compliquer les relations avec le Royaume-Uni, selon la chercheuse Elvire Fabry* et la pêche française défendue par Annick Girardin et Clément Beaune est toujours l’objet d’âpres discussions.

Des licences accordés au compte goutte – Depuis le 1er janvier, pour pénétrer dans les eaux territoriales anglaises – entre 6 et 12 milles marins –, les pêcheurs français doivent obtenir une licence prouver une pêche côté anglais de 2012 à 2016 grâce à une balise GPS que peu d’entre eux possédaient.

Le Parlement européen vote l’accord commercial de l’UE avec le Royaume-Uni. La pêche, toujours en ligne de mire !

 

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