BRETAGNE – (France) – 18/06/2011 –
Par Francis Rousseau
C’est bien connu les moulins à vent sont les ancêtres des éoliennes terrestres ! ce que l’on sait moins c’est que les moulins à marées sont les ancêtres des usines marémotrices et dans une certaine mesure des hydroliennes !
La Journée du Patrimoine de pays du dimanche 19 juin 2011 qui est aussi pour sa 14e édition la » Journée des Moulins » me fournit l’opportunité de consacrer un article à ces vénérables ancêtres des énergies renouvelables marines que sont notamment les moulins à marées car selon la définition » Un moulin à marée utilise la force des marées comme énergie motrice « . Quelques joyaux sont visibles ouverts au publics ce week-end et souvent pendant tout l’été.
Petit rappel : les premiers moulins de ce type ont été construits au 12e siècle dans la région de Londres et en Bretagne notamment dans les régions du Golfe du Morbihan et en Bretagne Normandie aux confins de l’estuaire de la Rance, pour faire tourner des moulins à grain. C’est une batterie d’une trentaine de moulins qui ceinturent aujourd’hui encore le Golfe du Morbihan. Plus aucun n’est véritablement en fonction, mais beaucoup sont tout à fait en état de jouer les démonstrateurs ! La plupart des moulins à marées se sont arrêtés de fonctionner avec l’avènement du chemin de fer et des minoteries à vapeur puis électriques au début du 20e siècle ; en 1936, la loi limitant la production de farine de chaque moulin a donné le coup de grâce à la profession de minotiers de la mer. Une exception toutefois : le Moulin des Loges à Saint-Just-Luzac (Charente maritime) qui produit encore de la farine régulièrement alors que le moulin de Birlot ou le moulin de Berno, par exemple, fonctionnent plutôt à titre de démonstration pédagogique et/ou touristique.
Quand aux autres moulins à marées du territoire européen, quand ils ne sont pas complètement tombés en ruine, ils ont d’abord reconvertis en restaurant, en brocante ou en maisons particulières. Depuis le début des années 1980 cependant, des associations de bénévoles passionnés et de généreux donateurs ont commencé à racheter et à restaurer les moulins à marées, suivies en cela par certaines municipalités et quelques Conseils généraux, de plus en plus conscients qu’il s’agissait là d’un patrimoine maritime et industriel à préserver pour les générations futures ou qui pouvait générer un réel intérêt touristique.
Les moulins à marées sont toujours situés dans des sites aux caractéristiques particulières : généralement des petites anses qui creusent les bords des estuaires. Etablis à même l’estran, sur un emplacement abrité des vents et des vagues, les moulins tiraient profit d’un relief très particulier. Les meuniers érigeaient, entre deux rives rapprochées, une digue de granit sur laquelle ils accrochaient le moulin et créait un bassin de retenue conséquent. A marée haute, la mer pénétrait par une vanne et remplissait un bassin. Au jusant, c’est à dire à marée descendante, toute l’eau retournait à la mer, entraînant au passage la roue et la meule à moudre le grain. Calqués sur le rythme des marées, ces moulins pouvaient fonctionner dans la meilleure des configurations, 6 heures sur 12.
D’après l’ouvrage de W. E Minchinton » Early tide Mills, Some Problems » publié en 1979 , il y aurait eu jusqu’à 600 moulins à marée en fonctionnement sur les côtes atlantiques dont 100 en France (Bretagne), 200 au Royaume-Uni et 300 aux États-Unis. J’en ajouterai un au Portugal, le moulin à marée Moinho de Maré de Corroios à Seixal construit en 1403 et réhabilité par la municipalité dans les années 1980. La Maison du Littoral à Ploumanach (Perros-Guirec) a participé à l’inventaire des moulins à marées, disponible sur cd-rom et réalisé dans le cadre d’un projet européen.
En France, les plus remarquables sont :
Le Moulin de Pen-Castel, sur l’Ile d’Arz (commune d’Arzon). Au contraire des autres moulins, plutôt modestes et d’architecture rurale, celui ci présente des lucarnes ouvragées, une corniche à consoles, un appareillage soigné, des masques (Heloïse et Abelard selon la légende) sculptés sur les cheminées des pignons… autant de détails qui témoignent d’un raffinement inhabituel. Construit en 1190 pour le duc de Bretagne il devient en 1380 la propriété des moines de Saint-Gildas-de-Rhuys, puis fest transformé en restaurant pour devenir depuis 1995, la propriété du Conseil Général du Morbihan. Le bâtiment actuel date en réalité XVIIe siècle reconstruit sur les fondations du moulins du XIIe.
Le Moulin du Birlot sur l’Ile de Bréhat. C’est un moulin du XVIIe siècle construit entre 1633 et 1638 par le Duc de Penthièvre, seigneur de Bréhat. Il a produit de la farine jusqu’en 1920. Très abimé par la tempête de 1987, la Mairie de l’Ile de Bréhat rachète le moulin en 1990 et procède aux premiers travaux de sauvegarde des murs. L’Association du moulin du Birlot est créée en 1994 pour gérer la restauration. Le toit, les portes, fenêtres et planchers sont réalisés grâce au mécénat d’entreprise. Depuis lors le mécanisme a été reconstruit et mis en place de façon à ce que le moulin puisse moudre du blé noir régulièrement pour démonstration.
Moulin de Trégastel* : le 29 août 1375, le Roi Charles V accorda au seigneur Bryan de Lannion, le droit de faire édifier (le plus ancien droit dédifier) un moulin sur le bras de mer qui vient de Trov-Meur entre le lieu que l’on dit Toul Ar Carhent et Ploumanac’h. Le bâtiment actuel date de 1764 si l’on en croit la date gravée au-dessus de la porte. Il s’agit d’un moulin à blé connue sous le nom de le Moulin Bleu (Milin Glaz) à cause de son toit qui est maintenant en ardoise. Il est aussi connu sous le nom de » moulin à mer du Grand Traouiëro « . Construit au 14e siècle ce moulin fonctionnera jusqu’en 1932 à la mort de son dernier meunier Toussaint Le Brozec dont la maison est au coin de la chaussée. Il fut de nombreuses fois arrêté, mais à partir du 18e siècle, son importance va croissante. Il possédait deux roues latérales à aubes dont les vannes sont encore visibles aujourd´hui. En 1810, il produisait, à peu près 10 quintaux par jour. Pendant des siècles sa chaussée fut la seule route qui reliait Trégastel à Ploumanac’h.
Le Moulin de Ploumanac’h* se trouve au bas de la vallée du Petit Traouïero entre Trégastel et Perros- Guirec. D’après les textes, un premier moulin à marée aurait fonctionné à cet emplacement dès le 14 e siècle, bien qu’aucune trace n’en soit trouvée sur les cartes de Cassini. Selon les archives de l’Inventaire général des monuments-Côtes d’Armor, en 1839 un moulin neuf à deux roues le remplacesera utilisé pour moudre du grain jusqu’en 1898. En 1888, le bâtiment est agrandi et couvert d’un toit. A partir de 1892, le moulin est utilisé pour fabriquer de la glace selon le procédé de réfrigération à anhydride sulfurique du physicien suisse Raoul-Pierre Pictet. 450kg de glace à l´heure pouvait être ainsi produite pour la conservation du poisson ! En 1919-20, le moulin s’arrête de fonctionner. En 1986, après qu’il ait été question de le transformer en habitation privée, il est remis en état et offert par un généreux donateur à la commune de Perros-Guirec. Les premiers travaux de rénovation sont conduits par l’architecte des bâtiments de France, Bideau, avec un projet de musée, tout en conservant la toponymie originale. Cependant, les travaux ne furent pas poursuivis. La couverture, en chaume à l’origine, puis en tuiles rouges aux 19e et 20e siècle, est en ardoise depuis 1965. La Maison du Littoral accueille toute l’année des scolaire (Ici).
Le Moulin du Prat, dont les bâtiments et le mécanisme ont été restaurés en 2006 est situé sur le territoire de la commune de La Vicomté-sur-Rance (Côtes d’Armor) qui en a fait l’acquisition. C’est un des plus anciens moulins à marée de Bretagne puisque son existence est attestée dès 1181. Il a bien failli disparaître complètement à la fin du 20e siècle lorsqu’il n’en subsistait que quelques ruines dont la commune s’est portée acquéreur. C’est une association de passionnés qui a mené les travaux de réhabilitation in extremis. Désormais transformé en musée, le moulin tente d’apprendre au visiteur ce qu’il fut dans un passé lointain. Cette journée du patrimoine des moulins est une bonne occasion de refaire aussi une petite visite à celui-ci !
Le Moulin du Berno (XVIe siècle ) sur l’ Ile d’Arz se visite chaque été. Abandonné au début du 20e siècle et tombé presque totalement en ruines, il est restauré à partir de 1994 par Jean Bulot, ancien patron de l’Abeille Flandres, aidé d’un groupe de bénévoles. La restauration dure 6 ans pendant lesquels ils construisent une imposante digue de 308 m, un étang de 13 hectares…Aujourd’hui il est en parfait état de marche et peut donc fabriquer de la farine ! C’est un lieu exceptionnel et très émouvant qui mérite largement la visite.
Le Moulin de Sainte Anne d’Indret à Indre dont l’histoire est pour le moins singulière. Elle commence lorsque Louis XVI décide en 1777 de construire une usine de canons : la » Manufacture royale de bouches à feu « . Dotée d’un moulin à marées pour l’alésage, elle devient le premier établissement industriel de la région. Situé à 40 km de l’océan, ce moulin est un des exemples les plus spectaculaires de l’utilisation de la force marémotrice en fond d’estuaire. Sa construction fut une prouesse technique, utilisant l’énergie des marées grâce à un moulin hydraulique et à deux digues formant une retenue d’eau de 34 hectares. Désaffectée à partir de 1828, il devient un atelier de forge et de serrurerie, et, en 1844… l’église paroissiale (jusqu’en 1976). Depuis 2001, l’édifice est propriété de la ville d’Indre qui l’ouvre souvent au public et qui avec l’aide de de l’Association Indre Histoire d’îles s’efforce de le faire connaître et de mobiliser un grand nombre d’acteurs pour sa sauvegarde.
La Journée du Patrimoine de Pays et Journée des Moulins est coordonnée par un comité de pilotage national réuni au sein d’une association, l’Association pour la Journée du Patrimoine de Pays. Elle est composée de cinq membres organisateurs que sont : la Fédération Patrimoine-Environnement, Maisons Paysannes de France, la Fédération Française des Associations de sauvegarde des Moulins (FFAM), la Confédération de l’Artisanat des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) et les Architectes du Patrimoine.
A noter sur vos agendas :
Pour la 5è année, les 10 et 11 octobre, les entretiens Science et Ethique fondés par 3B Conseils avec le soutien du Conseil régional de Bretagne, les communes de Perros-Guirec, Pleumeur-Bodou et de l’Association APESTDD organisent deux journées découvertes qui font découvrir les Moulins à marées de Trégastel et de Ploumanac’h aux scolaires.Pour en savoir plus sur les moulins à marées, télécharger sur le site des entretiens Science et Ethique (science-ethique.org année 2009) le dossier documentaire réalisé avec La Maison du Littoral.
Jusqu’à demain vous pouvez également vous rendre à Saint-Quay-Portrieux pour voir l’exposition sur les énergies de la mer : L’Or bleu au centre des congrès qui se tient avec l’exposition de Yann-Arthus Bertrand « Home ».
Sources : Docs et sites liés. Photos 1 : moulin du Berno ©Mairie de l’ile d’Arz. 2 : Moulin de Pen Castel. 3: Moulin de Birlot © Mairie de l’ile de Bréhat. 3 Moulin de Trégastel © Mairie de Tregastel 4. Moulin de Ploumanac’h © Mairie de Perros Guirec5. 5. Moulin du Prat© La Vicomté-sur-Rance 6. Moulin du Berno ©Mairie de l’ile d’Arz. 7. Moulin de Sainte anne D’Indret © Carte postale DP.
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