Photo Capa – Courtesy Bibliothèque Nationale
Vendredi 6 juin 1944 – 2014 –
Hommage des publications Energies de la mer / Marine Renewable Energy
En ce 6 juin 2014, alors que l’Europe célèbre avec fracas le 70e anniversaire du Débarquement, se veulent un hommage à Robert Capa, qui « couvrit » l’événement pour le compte de Life international, le plus prestigieux des magazines illustrés de ce temps.
Né à Budapest le 22 octobre 1913, Capa, de son vrai nom Endre Ernö Friedmann, avait alors 31 ans. Il s’était déjà acquis une belle réputation avec ses images de la guerre civile espagnole (1936) et du conflit sino-japonais (1938), mais son heure de gloire allait réellement sonner avec les photographies du Débarquement. Sa mission consistait à fournir au journal, pour le numéro devant paraître le 19 juin, les premières images de la plus grande opération militaire jamais lancée. Il se porta donc volontaire pour prendre part à l’opération avec la première « vague ». Il devait débarquer à Omaha Beach, dans un secteur dénommé Easy Red, avec 2000 hommes pour la plupart très jeunes.
Capa a raconté dans son récit autobiographique Slightly out of Focus (« Juste un peu flou ») cette épopée dramatique, mais avec un humour et un détachement rendant supportable ce qui ne le serait pas dans une narration sèche et froide. John G. Morris, en ce temps-là directeur photo du bureau londonien de Life, que j’ai eu le plaisir et l’honneur de bien connaître, m’a fourni des précisions supplémentaires lors de la préparation de l’exposition Capa, en 2004.
Le débarquement était initialement prévu pour le 5 juin, mais il fut reporté au lendemain en raison d’un temps exécrable. Le 6, vers trois heures du matin, un breakfast substantiel fut servi, des uniformes propres furent revêtus, mais le mal de mer et la certitude d’être promis au massacre eurent tôt fait de vider les estomacs et de maculer les uniformes. Aux premières lueurs du jour, les hommes furent réunis sur le pont , où ils restèrent quelques instants, figés dans le silence d’une ultime prière, puis ils prirent place dans les vedettes que des grues descendirent au niveau de l’eau . Aussitôt la houle marine les couvrit de paquets d’eau qui achevèrent de les transpercer. Au fur et à mesure qu’ils approchaient de la côte, les tirs ennemis se firent de plus en plus nourris, et bientôt les vagues roulèrent les premiers cadavres.
Capa s’était muni de quatre rouleaux de pellicule, dont trois furent immédiatement gâtés par l’humidité et la maladresse bien explicable de ses gestes. Il prit tant bien que mal les images objets de la commande, puis il fut projeté sur la terre de France, cette terre si chère à son cœur mais qui lui parut ce jour-là effroyable et repoussante. Même s’il avait disposé de pellicule supplémentaire, il n’aurait pu en faire usage, car rapidement il se trouva à transporter des civières. Un soldat rescapé a confié bien des années plus tard à John Morris : « Finalement, le plus courageux d’entre nous, c’était Capa, pace que lui, il n’était pas obligé… ».
Une course contre la montre commença alors pour transmettre les clichés à Londres, les développer, les soumettre aux services de la censure puis les faire parvenir à New York. Dans sa précipitation, un jeune opérateur du laboratoire voulut chauffer les pellicules, qui fondirent. Sur 106 photos prises, huit seulement subsistèrent. Butin dérisoire si l’on songe aux risques encourus.
On craignait, chez Life, un accès de colère de Capa. Mais il avait très vite tourné la page, et il trouva bien amusante l’explication avancée dans le journal pour excuser la mauvaise qualité technique : selon les légendes les photographies étaient floues parce que ses mains tremblaient. Mauvaises photos peut-être mais d’une charge émotionnelle qui ne faiblit pas. Elles ont fait de Capa un mythe, que tous les photoreporters considèrent comme une référence et un modèle.
Il était pourtant profondément pacifiste dans l’âme et lorsque les hostilités furent terminées il fut ravi d’être un photographe de guerre au chômage. Mais sa réputation lui collait à la peau et dès qu’un conflit éclatait en un point du globe, c’était à lui que s’adressaient patrons de presse et directeurs de journaux pour « couvrir » les événements. On l’envoya donc en Israël en 1947 et en Indochine en 1954. C’est là qu’il trouva la mort, le 25 mai, en sautant sur une mine, un appareil photographique dans chaque main.
(Références bibliographiques : Robert Capa, Slightly out of Focus. Nombreuses éditions. On se reportera avec profit à la dernière, celle de Robert Delpire (2003).- Capa connu et inconnu : [exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, Galerie de photographie, 6 octobre -31 décembre 2004. Sous la dir. de Laure Beaumont-Maillet. Paris : Bibliothèque nationale de France, 2004: 231 p.,,: nombreuses ill..
Remerciements à Laure Beaumont-Maillet, qui a dirigé le Cabinet des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France.
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