France – 16/10/2024 – energiesdelamer.eu. Partie 1.

À l’occasion d’un colloque intitulé « L’exploitation minière des grands fonds marins. Quelle(s) gouvernance(s) pour l’exploitation des abysses ? » qui se tiendra les 17 et 18 octobre à Brest, co-organisé par AMURE – Centre de droit et d’économie de la mer, et par l’UBO et l’UBS entre autres, Francis Vallat, Fondateur et Président d’Honneur du Cluster Maritime Français intervient le 17 octobre lors de la première table-ronde dédiée au contexte et milieu.

En effet, le Cluster Maritime Français (CMF), aujourd’hui présidée par Nathalie Mercier-Perrin, a toujours été très actif dans le secteur des grands fonds marins. Pour la première fois, le CMF était représenté directement par Alexandre Luczkiewicz (Directeur du Développement technologique et règlementaire du CMF) en tant qu’Observateur lors de sa 29è session annuelle en Juillet 2024 qui a vu l’élection de la brésilienne Leticia Reis de Carvalhoelue au poste de Secrétaire générale.

Que pensez-vous des orientations prises par l’AIFM/ISA et de l’élection d’une nouvelle Secrétaire générale à sa tête?

Depuis 14 ans le CMF suit de près le dossier « Grands Fonds Marins » avec toutes les parties prenantes, y compris à l’international. Il a, à l’époque, créé un Groupe de Synergie permanent qui rassemble régulièrement entreprises, industriels, instituts de recherche, associations, invitant systématiquement les Pouvoirs Publics et dialoguant avec les ONG. C’est ce Groupe de Travail, que je préside et anime avec Alexandre Luczkiewicz, qui est l’observateur du CMF à Kingston, où j’avais demandé l’année dernière à l’un des membres (la société Abyssa) de participer. Cette année, Alexandre Luczkiewicz m’a représenté afin de mieux faire connaître la position du Cluster Maritime Français qui est celle d’un « moratoire conditionnel ». 

Ayant suivi de très près les réunions de l’été, je peux vous dire que nous apprécions le sérieux incontestable et la transparence totale des travaux de l’Autorité. Et que nous sommes convaincus de l’importance de son existence même, sans laquelle certains Etats auraient avancé sans attendre, et sans l’indispensable respect de la protection de l’océan.

L’élection de la nouvelle secrétaire générale est à mon sens une bonne chose, pas seulement parce qu’elle est femme et océanographe brésilienne, mais parce qu’elle peut incarner l’équilibre permettant de faire converger toutes les parties pour un avenir acceptable. Son prédécesseur anglais ne bénéficiait plus de la confiance de tous (car réputé trop sensible à la vision industrielle).

Courtesy of Leticia Reis de Carvalho

Leticia Reis de Carvalhoelue arrive avec une image plus ferme sur le plan environnemental, ce que certaines ONG ont souligné. Or ses premières déclarations – quasiment des mises au point – démontrent son intention de ne pas s’enfermer dans une quelconque position de principe. Une attitude qui convient parfaitement au Cluster, désireux qu’aucune porte ne soit fermée dès lors que de réelles garanties existeraient pour la préservation des écosystèmes marins.

Lors de ces sessions, il semble que la représentation de la France soit réduite à son strict minimum (Ambassadeur de France en Jamaïque); pensez-vous que nous avons suffisamment de relais politique, juridique, et scientifique pour peser dans les prises de décision?

La France est suffisamment présente à l’AIFM, par la présence de notre ambassadeur, extrêmement actif et engagé, mais aussi par le suivi permanent qu’il assure avec le Ministère des Affaires Etrangères, lui-même coordonnant les contacts avec les différentes autorités nationales et assurant la préparation du Conseil et de l’Assemblée de l’AIFM en liaison avec tous, en particulier avec le Secrétariat Général de la Mer, ou l’Ifremer sur le plan scientifique. Sans parler de la présence de tel ou tel ministre lors des séances, comme cela a pu être le cas avec le déplacement du Secrétaire d’Etat à la Mer encore récemment. Non, si la France diplomatique, a une difficulté à « vivre », c’est celle de l’ambiguïté du positionnement actuel de notre pays.

La France a pris position pour un moratoire sinon une interdiction d’exploitation des ressources minières des grands fonds marins. Comment concilier cette position avec les développements scientifique, technologique, et industriel dont la France doit se doter dans les années à venir, en particulier en matière de développement durable de ses espaces maritimes en outre-mer ?

 

La position officielle est encore celle de l’interdiction pure et dure. Mais cette position officielle, d’ailleurs de moins en moins répétée, ne sera plus tenable longtemps, en particulier dans ou pour la « Zone ». Ou alors il faudrait que la France renonce à partir de 2026 à ses permis d’exploration, celui de Clipperton puis celui de la dorsale médio-Atlantique. Cela voudrait dire qu’au terme de décennies de travail scientifique coûteux, la France devrait non seulement renoncer, mais faire cadeau, de TOUT à ses successeurs, qui pourraient en plus être moins « regardants » sur le plan de l’environnement. Impensable ! Cela signifierait aussi que les acteurs de la filière française d’exploration (et d’exploitation si un jour elle est acceptable de manière garantie, transparente et indépendamment contrôlée) se trouveraient « mécaniquement » affaiblis face à la concurrence étrangère. Impensable !

D’ailleurs les représentants de la France, au moins dans les couloirs, ne parlent plus d’interdiction, mais de rejoindre et réunir les pays dits « de la pause », qui à aucun moment n’ont rejoint la France dans sa position extrême

Des outils de recherche et de développement technologique pour l’exploration des grands marins tels qu’ils sont identifiés dans France 2030 doivent être financés ? Du fait de la situation budgétaire française, pensez-vous que cet effort va être maintenu ou remis en cause ?

Les Grands Fonds Marins (le fameux Objectif 10) n’ont été raccrochés qu’in extremis à « France 2030 » pour explorer, connaître, protéger l’Océan. Depuis, ce qui a été décidé pour les grands outils et les missions n’est pas négligeable, mais on est encore loin du compte. Nous avons déjà été déçus deux fois : la première quand l’engagement d’augmenter les crédits d’exploration (après l’annonce d’interdiction d’exploitation) n’a pu être tenu, la deuxième lorsqu’un premier « coût de rabot » sur les programmes a été donné il y a quelques mois. Baisser la garde serait risquer de perdre nos atouts, au moment même où nombre de pays accélèrent leur effort. Que dire de plus ?

 

 

Propos recueillis par Brigitte Bornemann

 

Deposit of Charts under UNCLOS, Article 84(2)

Le Conseil de l’ISA s’est réuni pour la deuxième partie de sa 29e session du 15 au 26 juillet 2024, à Kingston, en Jamaïque. L’Assemblée de l’ISA s’est tenue du 29 juillet au 2 août 2024.

Photo de Francis Vallat @Marine@Océans.

POINTS DE REPÈRE

L’AIFM : recherche un consultant et appel à candidatures pour le programme Deep Dive – 2

Histoire de l’été : Autorité internationale des fonds marins, coup de projecteur sur l’exploitation des grands fonds marins – 1

 

Grands fonds marins : la 29e session annuelle de l’AIFM ouvre de nouvelles perspectives avec l’élection de Leticia Reis de Carvalho

Qu’appelle-t-on grands fonds marins?
  • Plateau continental : de 0 à 200m.
  • Glacis continental : de 2 000 à 4 000 m.
  • Plaine abyssale: de 4 000 à 6 000 m.
  • Fosse sous-marine : de 6 000 à 12 000 m.

 

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