France – 04/08/2021 – energiesdelamer.eu. La première mission en mer partira de Brest aujourd’hui 4 août, pour identifier le meilleur site destiné la mise en place d’un observatoire qui sera installé cet été dans le canyon sous-marin de Lampaul au large de la Bretagne, à 1000 mètres de profondeur.
« L’enjeu est de mieux connaitre et protéger les coraux d’eau froide, dont l’état de conservation est encore incertain : ils sont menacés par les activités humaines, et les scientifiques ont besoin de ce suivi en continu pour comprendre leurs modes de vie et de reproduction.
Les récifs coralliens ne se trouvent pas uniquement dans les eaux chaudes et peu profondes des îles tropicales. Ils peuvent aussi se développer à plusieurs centaines de mètres de profondeur (généralement entre 200 et 2000 m), dans des zones où les courants sont forts et la température de l’eau comprise entre 4°C et 13°C.
Au large de notre côte Atlantique française, la centaine de canyons sous-marins qui entaillent la pente continentale offre les conditions propices au développement de ces coraux d’eau froide.
Comme les récifs de corail tropicaux, ils présentent un fort intérêt écologique en créant des habitats complexes qui offrent un refuge pour de nombreuses autres espèces. Ces écosystèmes représenteraient également des zones d’abri, de reproduction, de nurserie et de nutrition pour de nombreux poissons.
Des coraux menacés par les activités humaines comme le chalutage ou la pollution plastique, et par le dérèglement climatique
Les dernières évaluations de 2012 et 2018 rapportent une situation critique:
Mais ces coraux sont menacés par les activités humaines, comme le chalutage ou la pollution plastique, et par le dérèglement climatique avec le réchauffement, la désoxygénation et l’acidification des océans.
De plus, le temps de récupération de ces écosystèmes est très long, de l’ordre de plusieurs décennies voire du siècle, du fait de taux de croissance des organismes plus lents dans les eaux profondes et froides.
« Les explorations que nous menons depuis les années 2000 confirment que ces coraux sont menacés, souligne Lénaïck Menot, chercheur au laboratoire Environnement profond de l’Ifremer et chef de la mission Chereef qui avait participé à la publication de l’étude publiée le 31 janvier 2017 dans la revue Frontiers in Marine Science. Nos vidéos du fond révèlent l’existence de nombreux habitats coralliens, mais plutôt sous forme de bouquets dispersés. On est loin des grands massifs décrits par les naturalistes au milieu du XXe siècle. »
Filmer chaque jour un récif pendant 5 ans
Jusqu’ici, les observations ont été éparses sur ces zones d’accès difficile et les scientifiques manquent de connaissances sur ces espèces de coraux, leur répartition, leurs modes de vie et de reproduction. Pour pallier cette lacune de données, le projet Chereef (Characterization and ecology of cold-water coral reefs) permettra de cartographier à très haute résolution le canyon de Lampaul situé au large de la Bretagne, de réaliser des expériences et des prélèvements in situ et d’y installer un observatoire fond de mer, à 1000 m de profondeur. Le dispositif permettra notamment de filmer 15 minutes par jour pendant 5 ans un récif de coraux et d’étudier le comportement des polypes mais aussi de la faune associée au récif.
De 2021 à 2026, 6 campagnes océanographiques sont prévues. La première mission en mer aura ainsi lieu du 4 août au 5 septembre, au départ de Brest. Les scientifiques embarqueront à bord du navire Thalassa et bénéficieront notamment du submersible Ariane de la Flotte océanographique française, capable de plonger jusqu’à 2500 m de fond.
« Nous allons cartographier finement notre zone d’étude et Ariane nous permettra d’identifier le meilleur emplacement pour installer notre observatoire », explique Julie Tourolle, ingénieure de recherche au laboratoire Environnement profond de l’Ifremer et également chef de la mission Chereef. Les résultats de ce projet devraient ainsi permettre d’apporter des réponses pour mieux préserver, voire restaurer, les coraux d’eau froide.
Deux plongées du submersible Ariane seront retransmises en direct à Océanopolis entre le 14 et le 20 août et commentées en direct par les chercheurs depuis le Thalassa. Événement à retrouver à 11h et 15h à Océanopolis.
La plongée du 20 août, de 9h à 17h, sera également retransmise en direct sur la chaîne YouTube de l’Ifremer.
Le projet Chereef est mené dans le cadre du projet européen Marha coordonné par l’OFB et qui regroupe 14 partenaires. Ce projet d’une durée de 8 ans vise à améliorer l’état de conservation des habitats naturels marins en optimisant la mise en œuvre de Natura 2000 en mer.
Photos extraites de l’étude publiée dans la revue Frontiers in Marine Science ICI en 2017. Examples of substrate types in submarine canyons.
POINTS DE REPÈRE
Publié le 31 janvier 2017 dans la revue Frontiers in Marine Science ICI, une étude menée par des chercheurs du Réseau international pour l’étude et l’échange scientifique sur les canyons sous-marins (INCISE) met en évidence l’importance écologique des canyons et la nécessité de mieux protéger ces espaces sensibles aux activités humaines. L’Ifremer a contribué à ces travaux en apportant notamment des informations sur les coraux du golfe de Gascogne.
Les canyons sous-marins sont des vallées profondes et escarpées qui entaillent les marges continentales, créant un conduit entre la côte et les abysses. De nombreux canyons atteignent des profondeurs supérieures à 2 km, certains s’étendent sur des centaines de kilomètres. Ils constituent un lieu de refuge, d’habitat, de reproduction et de nurserie pour de nombreuses espèces (coraux d’eau froide, poissons, crustacés…). A ce jour, près de 10 000 grands canyons sous-marins ont été recensés dans le monde.
Des pressions de différentes natures
« Globalement, les pressions exercées par les activités humaines comprennent les déchets, la pêche, le déversement de résidus miniers terrestres et l’extraction de pétrole et de gaz », souligne Lénaick Menot, co-auteur de l’étude et chercheur au Laboratoire Environnement Profond du Centre Ifremer Bretagne à Brest. Les effets du changement climatique peuvent aussi modifier l’intensité des courants dans les canyons, avec un impact sur la structure et le fonctionnement de la faune sous-marine ainsi que sur l’apport en nutriments de l’écosystème des fonds marins.
10% des canyons situés dans des aires marines protégées
En 2017, Florence Sanchez co-auteur de l’étude et ingénieur à l’Ifremer, au Laboratoire Environnement Ressources d’Arcachon (équipe d’Anglet) déclarait « Seulement 10% des canyons identifiés dans le monde sont situés dans des aires marines protégées (AMP)». Même si ce chiffre reste très faible, l’étude révèle plusieurs exemples de réussites réalisées en matière de protection et de mesures de gestion pour certains canyons sous-marins.
« Notre étude identifie non seulement l’importance écologique des canyons, mais souligne également la nécessité d’une meilleure compréhension des impacts anthropiques sur les écosystèmes que les canyons sous-marins abritent », explique Ulla Fernandez-Arcaya, l’auteur principal de l’étude et chercheure au Centre Océanographique des Baléares (Espagne).
300 canyons dans le golfe de Gascogne
Dans le golfe de Gascogne – qui s’étend de la Bretagne jusqu’au Pays Basque – 300 différents canyons incisent la façade Atlantique française. L’étude publiée fait le bilan d’un ensemble de projets multidisciplinaires, recensés par le Réseau international pour l’étude et l’échange scientifique sur les canyons sous-marins (INCISE). Ces nouvelles connaissances acquises ont considérablement amélioré la compréhension du rôle écologique des canyons, les ressources qu’ils fournissent aux populations humaines et des impacts que les activités humaines exercent sur leur état écologique global.
60 espèces de coraux
Dans le golfe de Gascogne, les canyons sous-marins sont de véritables refuges pour les coraux d’eau froide. Au cours de sa thèse à l’Ifremer, Inge Van den Beld, co-auteur de l’étude, a identifié et cartographié près de 60 espèces de coraux. Ces coraux forment des récifs ou des jardins. « Mis bout à bout, l’ensemble des habitats coralliens observés dans le golfe de Gascogne pendant nos plongées scientifiques représentent 48 km de longueur », explique Lénaick Menot de l’Ifremer, qui a supervisé cette thèse.
Ces habitats vulnérables ne font pas encore l’objet de mesures de préservation mais les recherches menées par l’Ifremer ont alimenté les recommandations de l’Unité Mixte de Service 2006 – Patrimoine Naturel du Muséum National d’Histoire Naturelle. L’objectif de ce projet est la désignation d’un réseau Natura 2000 pour l’habitat récif au large, dans le cadre de la directive «Habitats, faune, flore». En 2014, huit grands secteurs ont ainsi été définis, incluant 15 canyons le long de la façade Atlantique française.
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