ONU – 05/03/2023 – energiesdelamer.eu. Les États se sont accordés sur un traité pour protéger la haute mer, samedi 4 mars peu avant 21 heures 30 (2 h30 heure française) après plus de quinze ans de discussions. Il aura fallu quatre années de négociations formelles. La troisième et «dernière» session à New York aura finalement franchi le pas décisif. Il ne reste plus qu’à le transformer de manière opérationnelle, car les contours restent encore flous.
Le nouveau traité fera entrer la gouvernance des océans dans le XXIe siècle, en établissant en particulier des exigences précises pour évaluer et gérer les activités humaines planifiées, susceptibles d’affecter la vie marine en haute mer, et en garantissant une plus grande transparence des activités de R&D sur les organismes marins. Cela devrait considérablement renforcer la gestion des espaces maritimes internationaux en matière de pêche, de transport maritime, de missions océanographiques de recherche et autres activités maritimes qui ont contribué au déclin général de la santé des océans incluant la colonne d’eau et les fonds marins.
Il s’agit du premier traité international permettant de protéger la biodiversité vivant dans la colonne d’eau et d’encadrer le partage équitable des ressources génétiques, dans un espace qui couvre près de la moitié de la surface de la planète (hors Zone Économique Exclusive).
Tard dans la soirée du 4 mars 2023, les gouvernements réunis aux Nations Unies à New York, sont parvenus à un accord sur les principales questions de fond d’un nouveau traité visant à protéger la vie marine en haute mer. Pour s’assurer que ces progrès durement gagnés ne soient pas perdus, l’Alliance de la Haute Mer – High Seas Alliance (HSA), qui regroupe 51 ONG ainsi que l’Union internationale pour la conservation de la nature UICN, s’engagent à travailler avec les dirigeants du monde entier. « Après deux semaines de négociations en dents de scie et des efforts importants au cours des dernières 48 heures, les gouvernements sont parvenus à un accord sur des questions clés qui feront progresser la protection et la gestion de la biodiversité marine en haute mer », a déclaré Rebecca Hubbard, directrice de la High Seas Alliance.
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Il s’agit également d’un outil essentiel pour contribuer à la réalisation de l’objectif Cadre Global pour la Biodiversité récemment convenu à Montréal, lors de la 15ème rencontre de la Conférence des Parties de la Convention sur la Biodiversité des Nations Unies, à savoir la protection d’au moins 30 % des océans du monde d’ici à 2030, approuvé en décembre 2022.
Des moyens pour les pays en développement et un partage des bénéfices
La question d’un financement suffisant pour la mise en œuvre du traité, ainsi que les questions d’équité entourant le partage des avantages tirés des ressources génétiques marines, ont été l’un des principaux points d’achoppement entre le Nord et le Sud tout au long de la réunion. Toutefois, jusqu’aux dernières heures de la réunion, les gouvernements ont réussi à décrocher un accord prévoyant un partage équitable de ces avantages provenant des grands fonds marins et de la haute mer.
Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches se sont battus pour ne pas être exclus de l’accès aux ressources marines génétiques et du partage des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources – qui n’appartiennent à personne – dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques qui espèrent tirer des molécules miracles. Comme dans d’autres forums internationaux, notamment les négociations climat, le débat a fini par se résumer à une question d’équité Nord-Sud, ont commenté des observateurs.
Avec une annonce vue comme un geste pour renforcer la confiance Nord-Sud, l’Union européenne a promis, à New York, 40 millions d’euros pour faciliter la ratification du traité et sa mise en œuvre initiale. Au-delà, elle s’est engagée à consacrer plus de 800 millions d’euros à la protection des océans en général pour 2023 lors de la conférence «Notre Océan» qui s’est achevée vendredi à Panama. Au total, la ministre panaméenne des Affaires étrangères Janaina Tewaney a annoncé que «341 nouveaux engagements», d’un montant de près de 20 milliards de dollars — dont près de 6 milliards des États-Unis–, avaient été pris lors de cette conférence pour protéger les mers.
« Le chemin a été très long pour arriver à un traité. Nous comptons sur les 52 États qui composent la High Ambition Coalition pour mener la charge d’adopter, de ratifier et d’identifier les zones importantes de la haute mer à protéger« , a déclaré Rebecca Hubbard.
Au total, plus de 15 ans de discussions âpres ont été nécessaires sur le sujet. Longtemps ignorée dans le combat environnemental, la haute mer, qui représente la moitié de la surface de la planète, commence là où s’arrêtent les zones économiques exclusives des pays (soit à maximum 370 km des côtes). Elle n’est donc sous la juridiction d’aucun État.
En attente d’une adoption formelle
Les délégués ont finalisé le texte, mais celui-ci doit encore être formellement adopté à une date ultérieure après avoir été passé au crible par les services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU.
Le texte ne peut plus être modifié
Malgré tout, au terme de deux semaines d’intenses discussions, dont une session marathon dans la nuit de vendredi à samedi, les délégués ont finalisé un texte qui ne peut désormais plus être modifié de manière significative. « Il n’y aura pas de réouverture ni de discussions de fond » sur ce dossier, a assuré Rena Lee aux négociateurs.
Le contenu exact du texte n’a pas été publié dans l’immédiat, mais les militants l’ont salué comme étant un tournant décisif pour la protection de la biodiversité.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a félicité les délégués, selon un porte-parole : cet accord est une « victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd’hui et pour les générations à venir ». De son côté, le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevičius, s’est dit « très fier » du traité, saluant dimanche « un moment historique pour nos océans ».
En ce qui concerne la France un communiqué de presse précise que l’engagement du Président de la République, Emmanuel Macron, pour la protection des océans et de la biodiversité marine, en particulier lors du One Ocean Summit de Brest et lors de la conférence de Lisbonne pour les océans en 2022, a été moteur pour accélérer le combat à l’échelle internationale, avec la création à l’initiative de la France, de la Coalition de Haute Ambition pour les océans (« High Seas Alliance »).
Dans la continuité de son engagement, la France accueillera donc en 2025 la prochaine conférence des Nations unies sur les océans à Nice. Dans la perspective de cette conférence,la ministre des Affaires Etrangères et des Affaires Européennes, Catherine Colonna, avait au cours de ces derniers mois mobilisé le réseau diplomatique français et avait porté le sujet auprès du Secrétaire Général des Nations unies Antonio Guterres lors de la dernière Assemblée générale des Nations unies. Cet évènement, co-présidé avec le Costa Rica, constitue une ligne de mire pour soutenir le mouvement initié à New York, et nécessaire à la protection de la biodiversité marine ; la conclusion des négociations ce jour doivent marquer le début d’une dynamique nouvelle pour la coopération et le multilatéralisme permettant la préservation et la protection des océans. La France continuera à prendre toute sa part en vue d’atteindre cet objectif.
Le secrétaire d’État chargé de la Mer, Hervé Berville, qui s’est rendu par deux fois au siège des Nations unies lors des dernières sessions de négociations, y avait également lancé le mardi 21 février dernier un appel solennel à la communauté internationale à conclure ce traité majeur.
A noter que les États-Unis, qui n’ont toujours pas ratifié la Convention sur le droit de la mer, sont signataires de cet accord.
POINTS DE REPÈRE
ONU : quel futur traité pour la Haute Mer ? ITW du professeur Jean-Pierre Beurier
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