France – 10/11/2022 – energiesdelamer.eu. La planification maritime – C’était l’un des sujets des Assises de l’économie de la mer, dont l’édition 2022 s’est terminée hier. Brice Trouillet a publié le 17 octobre dernier une interview qui porte un autre regard, un regard moins consensuel, que celle des intervenants qui participaient à la table ronde* sur la planification maritime

Sur tout le littoral métropolitain, de Dunkerque à Gruissan, les projets de parcs éoliens marins fleurissent. Au-delà des discussions nourries concernant les risques sur la biodiversité, l’effet paysager ou les retombées économiques, il est un point sur lequel les acteurs du débat s’accordent : le manque de visibilité et la nécessité, dorénavant, de s’engager dans une planification de l’espace maritime (Voir dossier [Eolien Marin] il faudrait voir plus large !). Reste que, pour le géographe Brice Trouillet, derrière ce leitmotiv se cachent des conceptions bien différentes de cette notion.

Entretien de la Revue Sesame N°12 avec Brice Trouillet, géographe, Professeur à Nantes Université et directeur de LETG (UMR 6554 CNRS).

Revue Sesame. Y a-t-il une définition de la planification maritime ?

Brice Trouillet : La plus courante est issue d’un rapport de l’Unesco de 2009, signé Fanny Douvere et Charles Ehler. Elle définit la planification comme un processus public d’allocation dans l’espace et le temps, fondé sur des connaissances scientifiques et qui vise à atteindre des objectifs de développement durable. Sa philosophie pourrait être résumée ainsi : comment partager l’espace le plus intelligemment possible en fonction des connaissances disponibles, tout en étant vigilant aux aspects environnementaux, sociaux et économiques ? Ceci étant dit, cette planification marine peut prendre différentes formes. Elle peut être spatiale, stratégique, communicationelle. Des nuances qui ont toute leur importance.

nQuelles sont ces nuances ?

La planification de l’espace maritime est encadrée par une directive européenne qui a mis un certain temps à voir le jour. En germe dès 2007, elle a fait l’objet d’âpres discussions pour savoir qui, de la DG Environnement ou de la DG des Affaires maritimes et de la Pêche, la piloterait. Pour la première, c’est bien sûr l’environnement qui devait guider cette planification de l’espace maritime tandis que la seconde estimait que, organisant déjà les usages en mer, cette tâche lui incombait. Ce n’est qu’en 2014 que la question a été tranchée… par la nomination d’un commissaire en charge des deux directions ! Loin d’être une querelle administrative, cet événement révèle deux visions de la planification, l’une plutôt environnementale, l’autre économique.

Une fois la directive publiée, celle-ci a été traduite dans chaque État membre. Or, quand vous étudiez sa traduction, vous remarquez que les pays du Nord de l’Europe parlent de planification spatiale alors que les pays du Sud, et ici la France, évoquent la planification de l’espace maritime. La différence ? Les premiers considèrent la question comme une simple organisation des activités présentes en mer alors que la seconde interprétation a des accents plus stratégiques : il s’agit d’abord de s’entendre sur ce que l’on veut faire de cet espace : un espace de préservation de la biodiversité, de production de l’énergie, de production alimentaire… Vous voyez que le terme même de planification n’est pas neutre.

Pour autant, tous les acteurs du débat autour de l’éolien déplorent de concert le manque de planification…

Sur la planification, il y a consensus. Maintenant, chacun va jouer sa partition. Ainsi, la plupart des acteurs vont s’accorder sur le fait qu’une planification est intéressante, mais sans déterminer si celle-ci doit être stratégique ou spatiale. Par exemple, le secteur de l’énergie marine comme celui de l’extraction de granulats ont besoin de visibilité pour réaliser les investissements nécessaires et donc d’une planification spatiale pour savoir où ils peuvent intervenir. À l’inverse, les pêcheurs ont l’habitude d’aller un peu partout bien que ceci soit de moins en moins vrai. Dans ce cadre, ils ont besoin de savoir quel sera le devenir de la filière pêche à dix ou vingt ans, donc d’avoir une planification stratégique de l’espace maritime.

La question ne s’entend-elle pas également au regard de la multiplicité des usages en mer et leur densification ?

Il est important d’avoir une vision d’ensemble et c’est bien ce qu’est censée faire la planification maritime. Y parvient-elle pour autant ? En 2020, j’ai passé au crible le projet de planification spatiale marine d’une quarantaine de pays [1] : soit la planification est orientée sur les aspects environnementaux et vient habiller une stratégie autour des aires marines protégées ; soit, à l’inverse, elle vient asseoir le développement de la croissance bleue [2] – ce qui est clairement le cas de l’Europe. Finalement, la planification ne fonctionne pas vraiment. Pensée pour concilier des objectifs parfois contradictoires, elle n’agit que dans un sens – environnement – ou dans un autre – croissance bleue. De mon point de vue, elle n’est pas l’outil intégrateur qu’elle prétend être, du moins pas encore.

Brice Trouillet, est membre du réseau européen qui réunit des scientifiques, des décideurs et des praticiens engagés dans le développement constructif de la PSM.

Sesame est une revue de réflexion qui remplace « le Courrier de l’INRA » (L’Inrae est l’ex Inra, insttitut de recherche agronomique ». Philippe Mauguin, PDG d’Inrae et directeur de la publication, dans son édito du premier numéro indiquait : « Sesame n’est pas un nouveau support de communication et n’ambitionne pas de porter la voix officielle d’Inrae. Ce positionnement est souhaité et assumé ; il permettra le débat d’idées en confrontant les positions de personnalités de cultures et d’horizons variés ».

Retour sur la liste des intervenants de la table ronde Planification organisée dans le cadre des Assises de l’économie de la mer de Ouest France – Le marin avec la participation du Cluster maritime français

Le programme des Assises de l’économie de la mer 2022 a permis d’évoquer les grands enjeux auxquels les pouvoirs publics, les opérateurs, les autorités portuaires devront faire face si la France souhaite conserver à l’éolien en mer une place majeure dans le mix énergétique. Le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables qui viendra à l’Assemblée nationale le 5 décembre prochain permet d’envisager de lever de nombreux obstacles, mais en matière de planification maritime beaucoup reste à faire.

[1] B. Trouillet, « Reinventing Marine Spatial Planning: a Critical Review of Initiatives Worldwide », Journal of Environmental Policy & Planning, 22(4), 441-459, 2020.

[2] Stratégie européenne visant à soutenir la croissance durable dans les secteurs marin et maritime. Domaines clés : l’énergie, l’aquaculture, le tourisme, les ressources minérales marines et la biotechnologie.

Copyright du portrait de Brice Trouillet : « Gilles Sire pour la revue Sesame ».

 

A la table ronde du 9/11/2022 sur « Planification du maritime dont le thème était  » comment concilier ce qui paraît inconciliable ? Partage des espaces, conciliation des usages et concertation des acteurs, éolien marin, pêche, aires marines protégées…» les intervenants étaient

 

 

  • Vincent BALÈS, directeur général de Skyborn Renewables (ex wpd)
  • Éric BANEL, directeur de la DGAmpa
  • Jean-Pierre CHALUS, président de l’Union des ports de France et directeur du Grand Port Maritime de la Guadeloupe
  • Olivier LE NEZET, président du CNPMEM
  • Michel PELTIER, délégué à la mer et au littoral de l’Office français de la biodiversité OFB

 

 

 

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POINTS DE REPÈRE

Brice TROUILLET dirigera la chaire de recherche sur les dynamiques des activités humaines en mer

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