Ukraine Russie – 20/03/2022 – energiesdelamer.eu. Au 25è jour de guerre, le commandant adjoint de la Flotte russe de la mer Noire, Andreï Paliï, a été tué dans les combats entre forces russes et ukrainiennes près de Marioupol, en Ukraine. Cette annonce des responsables russes ce dimanche 20 mars à 20h28 a été écrite sur Telegram par Mikhaïl Razvojaïev, le gouverneur de Sébastopol.« Andreï Nikolaïevitch Paliï a été tué dans les combats visant à libérer Marioupol des nazis ukrainiens ».
France Info fait le point sur l’enjeu stratégique du contrôle de la mer d’Azov pour la Russie
Contrôlée de facto par la Russie depuis 2014, la mer d’Azov permet à Moscou de contrôler plus largement le littoral ukrainien et ses ports dont le port d’Odessa, et d’avoir accès à la mer Noire.
Pas de cessez-le-feu en vue. L’armée russe a affirmé, vendredi 18 mars, avoir réussi à pénétrer dans Marioupol, le principal port du sud-est de l’Ukraine, bordant la mer d’Azov. Avant Marioupol, les villes de Melitopol et Berdiansk, situées elles aussi sur les rives de la mer d’Azov, étaient déjà tombées aux mains des forces russes. Samedi, le pouvoir ukrainien a reconnu avoir perdu l’accès à cette mer.
Depuis plusieurs années, le contrôle de la mer d’Azov est crucial pour la Russie, qui y voit un moyen de faire pression sur l’Ukraine, d’avoir accès à la mer Noire et d’élargir son influence. D’où vient cette volonté de mainmise ? Quelles sont les conséquences pour l’Ukraine ? France Info fait le point.
Une mer contrôlée de facto par Moscou
La mer d’Azov est une mer peu profonde d’une superficie de 39 000 km2, soit environ la surface de la Suisse. Coincée entre la Russie et l’Ukraine, elle est reliée à la mer Noire par le détroit de Kertch, long de 5 km et d’une largeur de 4 à 15 km. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, Moscou contrôle à la fois la rive orientale du détroit, sur la péninsule de Taman, et sa rive occidentale, en Crimée.
« Dans les faits, la Russie domine la mer d’Azov puisqu’elle contrôle sa seule porte d’entrée : le détroit de Kertch », rappelle Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, spécialiste de la marine russe.
Pour assurer son accès terrestre à la Crimée, la Russie a fait construire en mai 2018 un pont enjambant le détroit de Kertch, ceinturant ainsi la mer d’Azov et compliquant le passage des navires ukrainiens. La tension s’est accentuée fin 2018, lorsque la marine russe a ouvert le feu sur trois navires militaires ukrainiens tentant de rallier Marioupol par le détroit de Kertch, et les a capturés.
« La supériorité militaire de Moscou sur la mer d’Azov est incontestable » selon Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe.
« Après cet épisode, les Ukrainiens ont voulu internationaliser le statut de la mer d’Azov, co-administrée jusqu’ici par Moscou et Kiev selon un traité de 2003, en faisant appel aux Occidentaux, mais cela n’a pas abouti », ajoute Igor Delanoë.
Un accès privilégié aux mers du Sud
Si la Russie contrôle de facto la mer d’Azov, pourquoi vouloir contrôler plus largement la bande de terre ukrainienne la longeant ?
« Ce sont des symboles. Tout ce qui se passe actuellement a une signification symbolique. Il y a de moins en moins de rationnel. L’objectif est de montrer que la Russie est une grande puissance », estime auprès de l’Agence France-Presse Alexeï Malachenko, directeur de recherche à l’Institut Dialogue des civilisations.
La Russie, dont les débouchés maritimes vers l’ouest et le sud sont limités, a toujours cherché à avoir accès à la mer d’Azov, qui permet de rejoindre la Méditerranée via la mer Noire. Dès le XVIIIe siècle, « sous Pierre le Grand, la Russie a cherché à étendre sa domination vers les mers du Sud, dont la mer Noire. C’est devenu une quête géopolitique perpétuelle », explique Igor Delanoë. Le premier à avoir formalisé cette stratégie est un conseiller de Pierre le Grand dans un texte datant de 1725, explique au Figaro l’historien Martin Motte, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études. Son objectif était le suivant : « Approcher le plus possible de Constantinople et des Indes. Celui qui y régnera sera le vrai souverain du monde. En conséquence, s’emparer peu à peu de la mer Noire, pénétrer jusqu’au golfe Persique », cite-t-il.
A la chute de l’URSS en 1991, cette volonté d’expansion vers les mers du Sud s’est accrue avec l’indépendance de la Roumanie, de la Bulgarie et de l’Ukraine, qui a entraîné pour Moscou la perte de kilomètres de côtes donnant sur la mer Noire. « Les rives de la mer d’Azov devinrent alors des territoires stratégiques à contrôler », étaye Igor Delanoë.
Une continuité avec la mer Caspienne
La domination de la mer d’Azov permet également à Moscou de renforcer sa continuité maritime avec la mer Caspienne. Située en Asie occidentale, cette mer fermée est reliée à la mer d’Azov via un système de canaux. « Aujourd’hui, des navires russes de taille moyenne, notamment militaires, naviguent entre ces deux mers sur le canal Volga-Don », illustre Igor Delanoë. En affirmant sa possession de la mer d’Azov, la Russie pourrait ainsi être plus libre de faire transiter ses navires militaires d’une mer à l’autre.
Or, la mer Caspienne est un territoire militaire stratégique pour la Russie. En 2015, Moscou a ainsi affirmé avoir tiré des missiles sur des cibles en Syrie depuis ses navires de guerre stationnés en mer Caspienne.
Cette démonstration de force vise également les Occidentaux qui construisent des navires pour la marine ukrainienne. Kiev a déjà reçu des patrouilleurs américains pour ses gardes-côtes et entendait construire une base navale à Berdiansk, au nord de la mer d’Azov. « Les Russes redoutent le déploiement d’une flottille occidentale en mer d’Azov, donc ils font tout pour contrôler au maximum cet espace, même si on ne sait pas si cette peur relève davantage du fantasme que de la réalité », complète le chercheur.
Des conséquences économiques pour l’Ukraine
Dans l’immédiat, c’est toutefois l’économie locale et mondiale qui souffre de la situation en mer d’Azov. De nombreuses marchandises, du blé, des produits métallurgiques et sidérurgiques produits dans le Donbass sont exportés par l’Ukraine via la mer d’Azov. « Les grands ports ukrainiens de Marioupol et Berdiansk représentent 20% des exportations ukrainiennes », rappelait sur France Culture Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut français de géopolitique, avant le début de la guerre.
Les navires bloqués en mer d’Azov
Le 1er mars, six jours après le début de l’invasion russe en Ukraine, près de 170 navires étaient bloqués en mer d’Azov, certains avec des cargaisons de grain, engendrant un impact immédiat sur les cours mondiaux du blé. Vingt jours plus tard, la situation ne s’est pas améliorée, observe Igor Delanoë. « La navigation en mer d’Azov est très perturbée, de même que le franchissement du détroit de Kertch. Vu les combats, les ports ukrainiens sont inaccessibles. »
Source : France Info
Carte Wikipédia au 20 mars 2022
POINTS DE REPÈRE
Le consul grec à Marioupol compare la ville ukrainienne assiégée à Guernica ou Alep
Le consul général de Grèce à Marioupol Manolis Androulakis, qui a atterri à Athènes, a comparé la ville ukrainienne assiégée par l’armée russe à Guernica ou encore Alep. Le consul grec, qui a organisé plusieurs évacuations de ressortissants grecs depuis Marioupol, est considéré comme un héros dans son pays. Il a quitté la ville mardi. Près de 10 millions d’ukrainien ont été déplacés depuis le début de la guerre menée par Vladimir Poutine.
L’armée russe a annoncé que les installations militaires ukrainiennes avaient été visées par des missiles hypersoniques et de croisière à longue portée.
Le porte-parole du ministère russe de la Défense, Igor Konashenkov, a fait savoir qu’un dépôt de carburant ukrainien avait été touché à Kostiantynivka, près de Mykolaïv, par le missile hypersonique Kinjal.
Konashenkov a affirmé que des missiles de croisière lancés à partir de navires de guerre russes dans la mer Caspienne ont également été utilisés dans le cadre de l’opération.
L’armée russe a déclaré hier qu’elle utilisait le missile hypersonique Kinjal et qu’un dépôt de munitions appartenant à l’armée ukrainienne avait été touché.
Guerre en Ukraine : l’irrépressible besoin d’Europe par Hugo Flavier – Maître de conférences en droit public à l’Université de Bordeaux – Centre de Recherche et de Documentation Européennes et Internationales (CRDEI)
extrait de lettre du Club des juristes : Vladimir Poutine réécrit l’histoire et a jeté les bases théoriques justifiant l’« opération militaire spéciale », elle a été patiemment construite, en s’appuyant sur un arsenal juridique qui prend toute sa cohérence aujourd’hui. Sans prétendre à l’exhaustivité on relèvera que la construction d’une vérité historique par le pouvoir russe ne s’est pas limitée à la réécriture des manuels d’histoire. On pense évidemment à la révision constitutionnelle russe de 2020 qui a inscrit dans la constitution le fait que la Russie est considérée comme le « successeur juridique » de l’URSS sur son territoire et à l’égard des tiers ; que « la Fédération de Russie, unie par une histoire millénaire, préserv[e] la mémoire de ses ancêtres qui [lui] ont transmis leurs idéaux et leur foi en Dieu, (…) reconnaît l’unité étatique historiquement établie » ; qu’elle « honore la mémoire des défenseurs de la Patrie et assure la protection de la vérité historique » ; que « les actes visant à aliéner une partie du territoire de la Fédération de Russie, ainsi que les appels à de tels actes, sont interdits ». On pense aussi, plus récemment, au décret présidentiel relatif à la « préservation et au renforcement des valeurs traditionnelles spirituelles et morales de la Russie » dans lequel il est prévu de défendre, via le ministère de la culture, la « mémoire historique » et « l’unité des peuples de Russie » et qu’il convient de lutter contre « la déformation de la vérité historique [et] la destruction de la mémoire historique ».
Incident naval en Mer Noire en juin 2021
L’incident a concerné le destroyer de la Royal Navy type 45 HMS Defender, un navire similaire aux frégates Horizon du programme franco-britannique. Il a été l’occasion d’une bataille informationnelle complexe entre Londres et Moscou, sur fond d’instrumentalisation partielle du droit international maritime. Source article publié par Theatrum Belli le 28 juin 2021.
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