France – Lundi 12/04/2021 – energiesdelamer.eu. Interview exclusive de Francis Beaucire, président de la CPDP Nouvelle-Aquitaine. Vous avez été nommé le 3 février dernier par Chantal Jouanno, présidente de la CNDP et les membres de la commission particulière sont dorénavant au complet depuis le 3 mars 2021.
« Comment les termes de la consultation de 2015, antérieures à l’application de la loi ESSOC de 2017 qui place les débats en amont de toute décision publique, auront-ils évolué, en même temps que la connaissance scientifique du milieu naturel, les caractéristiques technologiques des parcs éoliens en mer ? … » Tel est l’enjeu de la préparation du débat et de sa mise en œuvre.
Qui compose la commission particulière Nouvelle Aquitaine du débat public, qui sera amenée à faire des recommandations sur l’implantation de nouvelles zones d’éolien en mer, proposée par le ministère de la transition écologique et le ministère de la mer ?
Francis Beaucire – Cette nouvelle commission particulière du débat public que je préside, intitulée « Projets éoliens au large de Nouvelle-Aquitaine », n’est pas composée que de nouveaux venus.
Les membres de la commission particulière ont été nommés le 3 mars 2021 et nous y sommes cinq personnes.
Elle s’appuie sur Luc Picot, Louise-Marie Cabal et moi-même. Nous avons acquis une expérience sur la complexité de faire entrer le public, et particulièrement le grand public, aux côtés d’associations, d’élus et de professionnels de la mer. En effet, le débat public consacré à des projets éoliens en mer en Normandie, s’est tenu au cours de l’an passé. Le rapport a été publié le 19 octobre 2020 et la restitution en ligne s’est déroulée le 12 novembre avec la présentation du bilan de Chantal Jouanno, la présidente de la CNDP. Les réponses détaillées des maîtres d’ouvrage, Etat et RTE, ont été rendues publiques le 19 janvier 2021.
En quoi ce débat est-il différent de celui de la CPDP Normandie que vous présidiez ?
FB – Déjà familiarisés aux questions d’énergie, notamment renouvelable, et à la connaissance de l’écosystème marin et de ses multiples usages par les hommes, nous « enchaînons », en quelque sorte, avec ce nouveau débat public. Il fait suite à celui qui a animé la Bretagne Sud* pour le flottant jusqu’à ces derniers mois, et se déroulera en parallèle de celui qui est également lancé en Méditerranée**. Le projet Normandie faisait partie de cette nouvelle génération de débats, où le public est appelé à se prononcer en amont de l’appel d’offre, sur des zones identifiées et proposées par l’Etat, mais qui ne sont pas figées. Chaque nouveau débat est donc différent des précédents. Dans le cas présent, le projet de parc a déjà une histoire, puisqu’il avait fait dès 2015 l’objet d’un accord partagé entre pêcheurs et élus des territoires concernés, l’île d’Oléron pour l’essentiel, et suscité l’opposition de plusieurs associations environnementalistes, en raison des particularités du site en termes de biodiversité. Comment les termes de la consultation de 2015, antérieures à l’application de la loi ESSOC de 2017 qui place les débats en amont de toute décision publique, auront-ils évolué, en même temps que la connaissance scientifique du milieu naturel, les caractéristiques technologiques des parcs éoliens en mer, la situation de l’économie de la mer et même la sensibilité écologique des acteurs locaux et régionaux ? Tel est l’enjeu de la préparation du débat et de sa mise en œuvre.
L’accélération de projets de développement pour la production d’énergies renouvelables oblige l’Etat et la CNDP à mener de front plusieurs débats simultanément, comme vous l’avez souligné. Peut-il y avoir « carambolage » d’idées alors que les échéances face au changement climatique sont devenues un enjeu environnemental, économique et sociétal ?
FB – En effet, les énergies renouvelables de la mer ne sont pas les seules technologies de production d’énergie verte. En Nouvelle-Aquitaine, il se déroulera, à peu de choses près dans un temps contemporain du débat public « Projets éoliens au large de Nouvelle-Aquitaine », un autre débat public consacré à un projet de parcs photovoltaïques, avec notamment un électrolyseur d’hydrogène baptisé Horizéo qui se situe dans la région de Saucats, au sud de Bordeaux.
Où en êtes-vous de la préparation de ce débat public ?
FB – Il se déroulera de mi-juillet à mi-novembre. La préparation comporte une phase d’organisation matérielle, qui est en cours de conception; Et une phase, décisive, de réalisation de ce que l’on appelle couramment l’étude de (ou du) contexte : politique, social, culturel, économique, géographique, et dans la géographie, il y a bien sûr la nature. Pour nos interlocuteurs, ce projet soumis au débat par le maître d’ouvrage, l’Etat et RTE, ne va pas de soi. Pour la commission, c’est un défi que de faire vivre un débat qui apportera, in fine, une contribution que l’on espère décisive à la prise de décision publique.
Comment avez-vous réuni les membres de cette commission particulière ?
FB – J’ai recherché la diversité des profils personnels et professionnels, et j’ai été attentif aussi à la diversité générationnelle. Membre d’une commission du débat public, ce n’est pas un métier : c’est une mission temporaire, qui vient s’ajouter pour quelques mois à d’autres engagements, tout particulièrement pour les personnes en activité. Cette commission comprend trois membres en activité et deux « retraités » (Denis Cuvillier et moi-même), auxquels je suis reconnaissant d’avoir accepté cette mission. Les générations et les profils professionnels qui y sont réunis, deux ingénieurs, une formatrice, une urbaniste, un géographe, des trentenaires au (jeune) septuagénaire que je suis, ne font pas tout : il y a d’abord un intérêt citoyen pour les démarches de démocratie participative, auxquelles nous croyons, sans méconnaître pour autant leurs difficultés de mise en œuvre, ou les incertitudes qui pèsent sur la prise en considération de leurs apports à la décision publique.
Julie Dumont, garante de la concertation CNDP, accompagne les démarches de concertation et de participation auprès des acteurs publics depuis 17 ans. Elle conçoit et anime des ateliers, des réunions publiques pour permettre au plus grand nombre de s’exprimer. Formatrice et facilitatrice de réunions, elle maîtrise une large palette d’outils au service de « l’intelligence collective ».
Anaïs Lefranc-Morin, diplômée en aménagement et urbanisme, a développé, à travers sa pratique professionnelle une approche pluridisciplinaire des enjeux situés au croisement entre aménagement du territoire et transition écologique. Elle est actuellement chargée de prospective et d’innovation à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Denis Cuvillier est ingénieur des Travaux Publics et a effectué une grande partie de sa carrière professionnelle chez Réseau Ferré de France, devenu SNCF Réseau. Il a été responsable de grands projets d’infrastructures autour de Lyon dans leurs phases amont, allant du débat public à l’enquête d’utilité publique. Il est également garant de la concertation CNDP et commissaire-enquêteur.
Arnaud Passalacqua, ingénieur et historien, est professeur en aménagement de l’espace et urbanisme à l’École d’urbanisme de Paris (UPEC), chercheur au Lab’Urba. Il est spécialiste des questions de mobilité, principalement abordées par une approche de temps long. Il s’intéresse aussi de près aux enjeux énergétiques des transports dans leur globalité.
Moi-même, professeur des Universités, qui a été en poste à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, je suis retraité depuis huit ans, mais je n’ai jamais cessé d’être un géographe, la meilleure façon de résumer d’un mot, à mes yeux, mon profil personnel.
POINTS DE REPÈRE
La CPDP Méditerranée** est désormais présidée par Emmanuel Ballan qui a remplacé Sylvie Denis-Dinthilac, démissionnaire en mai 2021.
Lire ou relire les enjeux du débat public dans MerVeille Energie #3 « L’année des flotteurs », présentée par RTE, la DIRM, la Dreal…. lors de la table ronde du Salon du littoral 2020 à La Grande Motte. Le débat public doit se tenir mi-2021 (page 22 article et QR code de vidéo de la table ronde).
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