France (U.E) – Mardi 19/05/2015 – Energies de la mer.
Quel véritable rôle les Régions souhaitent ou peuvent tenir face à l’Etat pour créer une filière énergies renouvelables de la mer ? Si la France prend du retard par rapport à d’autres pays européens, plusieurs explications sont données. Hier, Michel Derdevet, plaidait pour une Europe des réseaux ICI. Aujourd’hui Pierre Parvex, Président de la commission offshore de FEE réclame “une visibilité du calendrier industriel à horizon 2030, au-delà de l’échéance PPE de 2023…. Le nombre d’emplois envisagés serait compris entre 15 000 et 25 000 en 2030”.
Les questions soulevées par les EMR dans le cadre de la transition énergétique et économique sont en toile de fond des interventions qui se dérouleront lors de THETIS qui se tient à Nantes les 20 et 21 mai. Le SER qui tenait ses 2èmes Assises en avant-première de la manifestation, n’a pas manqué de le souligner.
Energies de la mer – En mars, l’Union européenne (1) a été la première à transmettre officiellement son plan pour l’après 2020. Des avis divergent sur la législation française qui pourrait ne pas permettre d’atteindre ces objectifs en intégrant les énergies renouvelables de la mer. Quelle est l’opinion de FEE et comment lever les contraintes?
Pierre Parvex – La politique énergétique européenne se veut volontariste et pionnière par certains aspects. La volonté d’Union de l’énergie est positive mais doit tenir compte des particularités nationales. Des initiatives de transition énergétique comme celle de l’Allemagne (Energiewende) et de la France constituent de réelles avancées pour sortir d’un modèle énergétique fortement basé sur les énergies fossiles. Ceci étant, une politique énergétique n’est réellement efficace que si des étapes intermédiaires (exemple de l’éolien offshore en Allemagne, à l’horizon 2030) et des objectifs contraignants sont mis en place. Dans sa seconde lecture à l’Assemblée Nationale, le PJLTE prévoit une baisse de la part du nucléaire à 50% du mix électrique à horizon 2025, ce qui marque une volonté réelle de développer les ENR en France. La transition énergétique a également un volet psychologique, dans la mesure où il est désormais permis d’imaginer des proportions d’énergies renouvelables beaucoup plus importantes dans les mix électriques. A cet égard, l’Allemagne s’est fixé un objectif de 80% d’ENR dans le mix électrique à horizon 2050. Le rapport de l’ADEME (publié avant sa finalisation et sa validation officielle) sur les 100% d’ENR dans le mix électrique français (dont 60% d’éolien) à horizon 2050, conforte la pertinence technique et économique de tels objectifs à long terme.
EDM – L’éolien offshore a été le déclencheur des planifications maritimes au Royaume-Uni, au Danemark et en Belgique. Quel processus FEE recommande?
PP – La maîtrise des risques en amont des projets constitue un avantage comparatif incontestable dans le développement de l’éolien en mer. La connaissance approfondie des zones de développement futur est un élément majeur de baisse des coûts. Les études en amont permettent une meilleure connaissance des fonds marins, de viser un optimum économique lié aux régimes en vent, de mieux apprécier les autres enjeux sur une zone précise. Elle présente l’avantage de faciliter la planification de l’éolien offshore à long terme, de permettre à toutes les parties prenantes d’avoir une meilleure visibilité sur le développement de l’éolien en mer et concilier les impératifs de l’ensemble des acteurs de la mer. FEE mène actuellement des réflexions avec la profession sur ce processus et soumettra ses propositions à l’Etat dans le courant de l’année 2015. Les études en amont doivent s’articuler avec un calendrier de développement réaliste de l’éolien en mer (puisqu’elles peuvent durer 24 mois à partir de leur lancement). Cela n’empêche cependant pas l’Etat de lancer d’autres processus en parallèle, comme le « dialogue compétitif » (entre consortia pré-sélectionnés), évoqué par la Ministre de l’Ecologie en décembre dernier.
EDM – Arnaud Leroy prépare un projet de loi qui devrait être présenté en mai ou juin prochain au conseil des ministres et passer en novembre au Parlement. Quelles sont les propositions de FEE?
PP – FEE rassemble actuellement des éléments relatifs aux verrous législatifs susceptibles de ralentir la progression du développement de l’éolien en mer en France. Plusieurs projets de loi, en cours d’élaboration au Parlement (projet de loi sur la transition énergétique, projet de loi Macron, projet de loi sur la biodiversité…), vont d’ores et déjà dans le bon sens mais des progrès substantiels peuvent encore être faits. C’est bien en ce sens que nous transmettrons nos propositions à la région Pays de la Loire qui nous a saisis dans la perspective de fournir des éléments à Arnaud Leroy.
EDM – Sur les quatre façades maritimes étudiées, deux semblent plus propices à l’éolien en mer posé. La Méditerranée, pour les éoliennes flottantes, sachant que la Bretagne est également candidate. Quels sont les enjeux liés aux parcs en cours de développement sur lesquels vous souhaitez attirer l’attention sur d’éventuelles interférences potentiellement provoquées par des extensions dans la perspective du 3ème volet de l’Appel d’Offres ?
PP – Nous pensons qu’il est important de ne pas perturber le processus de développement en cours des parcs des premiers appels d’offres en proposant une extension de ceux-ci dans la perspective du 3ème appel d’offres. Il existe en effet d’autres zones propices qui remplissent les critères technico-économiques (cf. rapport du CEREMA) et se situent en zone de « moindres contraintes ». Pour autant, il est primordial de souligner l’importance d’une continuité dans le développement de l’éolien en mer. La visibilité et la vision à long terme sont en effet des éléments indispensables aux investissements pour des projets particulièrement capitalistiques (environ €2 milliards par parc offshore de 500 MW). Nous regrettons que des expressions soient avancées prônant l’attente d’un retour sur expérience des premiers parcs attribués. Il est difficilement envisageable d’interrompre la dynamique de développement de l’éolien en mer jusqu’à la mise en service des premiers parcs, prévue à partir de 2021. Les industriels et leurs sous-traitants doivent en effet pouvoir être en mesure d’avoir une vision concrète des carnets de commande et des investissements à réaliser à court et moyen termes.
EDM – Le 30 avril dernier les propositions de zones propices « éolien flottant » en Méditerranée devaient être remises à Ségolène Royal. Parallèlement le président de la Région Bretagne Pierrick Massiot a annoncé celles proposées pour l’Atlantique ICI http://energiesdelamer.blogspot.fr/2015/04/eolien-flottant-zonage-altantique.html. Qu’en pensez-vous ?
PP – Les zones propices pré-identifiées (3 en Méditerranée et 1 en Bretagne) dans la perspective de l’AMI éolien flottant nous semblent suffisantes pour des fermes pilotes pré-commerciales. Nous avons cependant tenu à rappeler l’importance de la perspective de développement industriel / commercial pour l’éolien flottant, qui succéderait à la phase pilote si tous les indicateurs étaient au vert après la vérification d’un certain nombre de critères (viabilité économique, coûts, critères technologiques etc.). Les zones pré-identifiées pour les fermes pilotes sont suffisantes dans le cadre de l’AMI mais seraient par exemple trop étroites pour des fermes commerciales. L’Etat ne nous a cependant pas interrogés sur cette question, la concertation portant sur un zonage en rapport avec l’AMI pour le flottant.
EDM – Face aux différentes contraintes, vos souhaits ont-ils évolué par rapport aux recommandations de FEE transmises en 2013?
PP – Nous sommes actuellement en pleine réflexion sur la réforme nécessaire de l’architecture des appels d’offres pour les fermes commerciales pour l’éolien posé. Le dialogue compétitif entre candidats pré-sélectionnés paraît une source d’économies substantielles pour l’Etat, de même qu’un choix de la technologie postérieur à l’attribution d’un parc à un consortium lauréat. Ceci permet justement de bénéficier des évolutions technologiques les plus récentes et de conserver une certaine flexibilité dans le développement du parc. Nous remettrons notre contribution à l’Etat sur ces évolutions nécessaires dans les semaines / mois à venir. Une visibilité du calendrier industriel à horizon 2030, au-delà de l’échéance PPE de 2023, reste dans tous les cas nécessaire, comme c’est le cas en Allemagne ou au Royaume-Uni. Nous souhaitons encourager cette vision à long terme, notamment en démontrant qu’une baisse des coûts de l’éolien en mer est l’objectif prioritaire de la filière française.
EDM – Quels sont les principaux obstacles qui restent encore à lever, qu’ils soient d’ordre techniques, économiques, scientifiques ou sociétales?
PP – C’est l’objet de nos réflexions en cours, je ne souhaite donc pas préjuger des résultats des groupes de travail mis en place à cet effet. Je peux vous dire que des optimisations sont possibles au niveau juridique (notamment pour les contentieux avec le Conseil d’Etat en premier et dernier ressort), du raccordement (faire en sorte que les travaux démarrent plus tôt) ou de la façon dont la concertation est menée (une vision à plus long terme faciliterait les débats et permettrait de mieux appréhender une politique maritime intégrée, tenant compte des enjeux pour chaque acteur en présence).
EDM – Du point de vue de la commission offshore que vous présidez quelle est la position de l’industrie et de la recherche française dans le domaine flottant?
PP : FEE est particulièrement active sur la filière offshore flottant. Ce secteur représente pour nous un avenir pour la filière industrielle française, qui est d’ailleurs pionnière dans cette technologie au niveau mondial. Nos adhérents sont particulièrement impliqués dans ce pari de l’éolien offshore flottant et nous nous félicitons que l’Etat français soutienne cette innovation par le biais d’un AMI et, si toutes les conditions sont réunies après cette échéance, par le lancement d’appels d’offres pour des fermes commerciales ensuite. Nous avons estimé le potentiel pour l’éolien flottant à environ 3 GW en Méditerranée et 3 GW pour la façade métropolitaine Ouest. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une compétition mondiale et que d’autres acteurs européens ou étrangers avancent rapidement sur le sujet. Notre side event sur l’éolien flottant à l’occasion de l’EWEA Offshore de Copenhague en mars dernier a, à cet égard, intéressé de nombreuses entreprises.
EDM : Est-ce FEE pourrait ouvrir directement des discussions avec les usagers de la mer, notamment avec les pêcheurs professionnels pour les zones «éolien flottant»?
FEE n’a pas, en tant que fédération professionnelle, eu des discussions directes avec les usagers de la mer pour les zones éolien flottant. En revanche, nos adhérents ont mené des échanges bilatéraux d’une façon très étroite avec les pêcheurs professionnels. La filière s’est d’ailleurs dite satisfaite de la qualité des échanges et de l’écoute de la filière éolienne dans cet exercice de concertation (voir notamment les déclarations des pêcheurs à l’issue de la réunion de concertation finale Méditerranée à Montpellier le 7 avril dernier). Nous souhaitons poursuivre ce dialogue indispensable avec les pêcheurs et participer à cette logique de politique maritime intégrée par des échanges constructifs entre les filières.
Pour l’éolien posé.
EDM– Les débats publics ont débuté au Tréport le 4 mai. Quelles sont les recommandations de FEE afin que les projets qui sont retenus dans le cadre des appels d’offre puissent mieux assurer aux financiers, aux investisseurs et à la chaîne des entreprises la bonne fin d’un projet?
PP – Nous pensons que les projets doivent s’ancrer dans des territoires, en tenant compte de leurs identités, de leurs cultures et cela passe d’abord par un dialogue constructif entre toutes les parties prenantes. Les débats publics permettront l’expression de chacun et le cas échéant d’envisager ensuite des actions pour améliorer le projet proposé par le maître d’œuvre.
EDM– Laurence Monnoyer-Smith (LMS), la présidente de la commission chargée d’organiser le débat public sur le projet du Tréport estime que “le coût du débat est proportionnel au coût du projet ». Celui du Tréport est estimé à €2 milliards, ce qui représente environ €700 000 (pour les frais engagés). Plus les enjeux sont importants, plus on est obligé de mettre en place une méthodologie complexe, et plus ça coûte cher”. Est-ce raisonnable de déployer tellement “d’énergie et de moyens financiers”?
PP – Il faut donner aux commissions particulières des débats publics (CPDP) les moyens de remplir la mission qui leur est donnée : permettre l’expression de chacun et assurer la bonne tenue de débats constructifs. Si une CPDP juge ces dépenses nécessaires, la filière industrielle la soutiendra. La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) est une instance indépendante et a pour objectif l’intérêt général. Il est fondamental de pouvoir répondre aux interrogations suscitées par des projets d’une telle ampleur. C’est toute la filière industrielle qui se mobilise pour répondre à ces questions.
EDM : Pour les prochains appels d’offre, est-ce que FEE estime qu’un nouveau processus pourrait être mis en place ?
PP – Oui, comme je l’ai évoqué précédemment, nous pensons que des optimisations sont possibles. C’est l’objet des réflexions que nous menons actuellement avec nos adhérents et l’Etat. Le processus nouveau qui en ressortira sera dans tous les cas à articuler avec la programmation pluriannuelle de l’énergie en cours d’élaboration pour les périodes 2016-2018 et 2019-2023, l’échéance étant la fin de l’année 2015 pour la finalisation des propositions.
EDM – Avez-vous estimé le nombre de villes petites et moyennes et autres, et le nombre d’emplois concernés par le développement de la chaîne de valeur des énergies de la mer et les interactions possibles?
PP – Dans le cadre de l’exercice de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE, 2016-2018 et 2019-2023), nous avons indiqué que le nombre d’emplois dans l’éolien en mer est également lié au marché domestique. Si un scénario à 21 GW (15 GW de posé et 6 GW de flottant) était choisi, le nombre d’emplois envisagés serait compris entre 20 000 et 30 000 en 2030 (facteur de baisse des coûts compris). Si le scénario le plus faible était privilégié (soit 15 GW : 11 GW de posé et 4 GW de flottant à horizon 2030), le nombre d’emplois envisagés serait compris entre 15 000 et 25 000 en 2030 (facteur de baisse des coûts compris).
Propos recueillis par Brigitte Bornemann
(1) L’UE représente 12% des émissions de gaz à effet de serre et s’est engagée à baisser de 40% les émissions de GES en 2030 par rapport à 1990.
(2) Manche-Mer du Nord, Manche Ouest-Atlantique Nord, Atlantique Sud et Méditerranée
18/12/2014 : Nouvelles Zones propices, éolien posé et flottant
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