France – 27/12/2023 – energiesdelamer.eu.
Une partie de la société Sabella est reprise par Entech présidée par Christophe Franquet. Interview exclusive de Benoît Bazire, président du CA.
Que reste-t-il de la SAS Sabella à ce jour ? Deux mois après son placement en redressement judiciaire le 20 octobre 2023, l’autorisation a été donnée le 22 décembre par le tribunal de commerce de Quimper. Entech, un des sous-traitants de Sabella, s’est positionné pour reprendre une partie des actifs de Sabella, ses 19 salariés, ainsi que la propriété intellectuelle, comprenant notamment 81 brevets relatifs aux énergies marines.
Les salariés et les actifs de Sabella seront transférés à partir du 2 janvier 2024 au sein d’une nouvelle société détenue à 100 % par Entech, en cours de création.
L’ensemble des actifs sont repris pour 150 000 €. Cette somme servira en priorité à rembourser les créanciers, mais ce ne sera pas suffisant. C’est la raison pour laquelle Sabella est à la recherche d’un autre repreneur ou d’autres investisseurs qui pourraient ainsi bénéficier d’un démonstrateur, le D10 qui produit depuis près de 2 années de l’électricité pour Ouessant.
Les deux mandataires sociaux Benoît Bazire, président du CA et Fanch Le Bris le directeur général restent donc aux manettes de la société Sabella qui a conservé le démonstrateur D10 et des projets européens remportés par Sabella.
Interview exclusive de Benoît Bazire, président du CA de Sabella
Parmi les actifs de Sabella repris par Entech, figurent-ils les technologies développées dans le domaine hydrolien depuis 2013 par GE Renewable et quels sont les brevets intellectuels ?
Benoît Bazire BB – Entech a en effet repris l’ensemble des brevets et des données techniques rassemblés par Sabella depuis sa création : les brevets déposés par Sabella elle-même bien sûr, mais aussi les très nombreux brevets déposés par Alstom et Rolls-Royce, dont GE avait hérité lors de la reprise d’ALSTOM en 2016 ; ce sont ces brevets et les dossiers techniques correspondants que GE nous avait apportés en entrant au capital de Sabella en janvier 2021. Il est normal que cet ensemble unique au monde accompagne l’équipe reprise par Entech, qui est à même de l’exploiter dans les meilleures conditions.
Le versement de 150 000 € suffit-il à couvrir les fournisseurs de Sabella ?
BB – Non, la dette de Sabella, qui comprend une dette financière et des dettes auprès de ses fournisseurs, ne peut être couverte par ces 150.000 €. C’est la raison pour laquelle nous continuons à explorer d’autres solutions.
L’actionnariat de la société Sabella est-il toujours le même depuis la dernière levée de fonds qu’en 2018 ?
BB – Depuis 2018, l’actionnariat de Sabella a été complété, en 2020 par des actionnaires contactés et représentés sous l’égide de la société de financement participatif GwenneG, et par GE Renewable Energy en 2021 ; en outre, les salariés se sont vus attribuer un pourcentage modeste du capital en 2022.
Pour quelles raisons Entech n’a pas repris l’hydrolienne D10 de Sabella qui est immergée et parfaitement intégrée dans le passage du Fromveur du parc marin d’Iroise dont l’acceptabilité par les élus, les pêcheurs, les habitants est un exemple …?
BB – Les dirigeants d’Entech seraient certainement mieux placés que moi pour répondre à cette question ! La mission de Sabella est de concevoir, assembler, tester et installer des turbines sous-marines. Les compétences d’Entech lui permettent de concevoir et réaliser des sous-ensembles essentiels, qu’ils livrent à Sabella : Entech se retrouve donc au premier rang de nos fournisseurs. C’est, au passage, l’une des raisons pour lesquelles l’opération qui vient d’être décidée sera certainement un succès : car les deux équipes se connaissent et s’estiment. Mais on comprend aussi que le métier d’Entech n’est pas le même que celui de Sabella, ce qui explique qu’ils n’aient pas repris la D10. Toutefois, Entech s’intéresse au monde de l’hydrolien : avec les équipes de Sabella et la propriété intellectuelle maintenant à leur disposition, ils ont tous les atouts en mains pour être un jour un partenaire majeur dans ce domaine – s’ils le souhaitent et surtout si le marché se développe.
Quels sont les projets européens comme Morlais ou internationaux pour lesquels l’hydrolienne D10 est directement concernée ?
BB – L’hydrolienne D10 est un démonstrateur, qui fonctionne parfaitement depuis plus de 21 mois et ne donne aucun signe de fatigue. L’idéal est qu’il continue le plus longtemps possible à injecter du courant sur le réseau d’Ouessant, jusqu’à ce qu’il soit remplacé par plusieurs hydroliennes, bénéficiant de l’expérience acquise (hydrolienne et connaissance du site) pour décarboner en quasi-totalité l’énergie électrique de l’île. Mais si ce n’est pas possible, la D10 pourrait aussi fonctionner ailleurs, par exemple aux Etats-Unis, où le DOE (Department of Energy) s’intéresse sérieusement aux hydroliennes depuis 2022 et prépare des infrastructures à cet effet.
Lors des Assises de l’économie de la mer qui se sont déroulées en novembre dernier à Nantes, le président de la République a évoqué un appel d’offres pour l’énergie hydrolienne. Le démonstrateur D10 est-il en mesure d’être sélectionné par un opérateur et si oui quelles sont les conditions ?
BB – Le Président de la République a en effet donné un coup d’accélérateur à la technologie hydrolienne ; il a tourné la page de l’échec passé d’un grand groupe dans ce domaine, et mentionné le projet de ferme pilote Flowatt en Normandie – projet qui devrait recevoir des turbines d’Hydroquest, notre concurrent. Dans cette ligne, il est évident que l’Etat s’intéressera un jour à la poursuite de la décarbonation d’Ouessant. Le projet Blue Island de Sabella de quatre hydroliennes d’1 MW, dérivées de la D10, est le meilleur candidat pour cette future ferme-pilote. Il est en tout cas le moins risqué, puisque la technologie est démontrée, le site connu et le savoir-faire pour injecter réellement du courant sur un réseau électrique, disponible. Mais il faut évidemment que Sabella soit encore en mesure de porter ce projet lorsqu’il sera adoubé par l’Etat. Ce sont les retards à mettre en place le cadre législatif et réglementaire adéquat qui ont détourné les investisseurs de Sabella et nous ont conduits à la situation actuelle. Les projets demeurent, toutefois, et seront un jour repris, j’en suis certain !
Photo d’Emmanuel Macron et Fanch Le Bris à l’intérieur du démonstrateur D10 de Sabella ©Sabella
POINTS DE REPÈRE
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Selon Entech, la collaboration des équipes d’études et de production dans les domaines de l’électrotechnique, la mécanique, la fluidique, l’automatique et l’IT permettra de renforcer les capacités pour conquérir et réaliser des projets ambitieux sur un marché élargi.
‘Nous avons l’ambition de nous développer de façon pérenne sur le segment des énergies marines renouvelables en réorientant les technologies et le savoir-faire de Sabella sur le modèle d’Entech de constructeur de systèmes de production‘ a déclaré Christopher Franquet, Président directeur général d’Entech.
Parmi les actifs de Sabella figurent les technologies développées dans le domaine hydrolien depuis 2013 par GE Renewable Energy, y compris les sociétés ayant des activités hydroliennes et acquises par cette dernière (TGL, Rolls Royce et ALSTOM), ainsi que la marque OCEADE. Cette technologie concerne les turbines DG III, DG IV et DG IV.1, qui ont été mises en service et ont produit 1,6 GWh. La turbine IV.1 intègre quant à elle de nombreuses innovations technologiques.
Entech a été créée en 2016 et emploie aujourd’hui plus de 150 salariés. Elle est spécialisée dans le stockage et la conversion d’énergie électrique en France et à l’international. Entech développe, construit et met en service des installations telles que :
. des systèmes de prototypage : chaînes de conversion complexes sur des technologies innovantes telles que hydroliennes, nouvelles technologies de batteries, …
. des services On-Grid / Off-Grid : systèmes de conversion et de stockage d’énergie qui permettent l’équilibrage du réseau ou l’électrification de sites isolés.
. des centrales photovoltaïques au sol, en toiture, en ombrières, etc.
L’hydrogène décarboné
Entech a livré à Genvia fin septembre 2023 une solution de conversion et de distribution électrique containérisée, pour le site pilote de Béziers. Un deuxième équipement est en attente de livraison sur le site du CEA à Grenoble. Les solutions d’Entech équiperont les premiers électrolyseurs Genvia mis en service cette année dans le cadre de son projet pilote, soutenu par l’État via Bpifrance, première étape vers la fabrication à grande échelle d’électrolyseurs haute température pour une production d’hydrogène décarboné à l’échelle mondiale. Entech et Genvia ont signé le 12 octobre un partenariat stratégique sous forme d’un Memorandum of Understanding (MOU) couvrant la phase industrielle à venir.
* SABELLA a mobilisé deux levées de fonds depuis sa création en 2008 :
. en juin 2014, une première levée de fonds a permis de consolider les fonds propres et de sécuriser le budget du projet D10 grâce à une augmentation de capital à hauteur de 4,3 M€ auprès de deux fonds d’investissement, EMERTEC (aujourd’hui DEMETER VENTURES) ET GO CAPITAL. Trois industriels, IWD, FARINIA et GEOPETROL, dont deux trouvent des synergies d’activités dans la construction des hydroliennes ;
. en novembre 2016, la deuxième levée de fonds a permis de rassembler 6 M€ (+ 2 M€ en 2018) avec en particulier l’entrée de Bpifrance et d’autres banques à son capital.
Les financiers 52% : Bpi France, Demeter Ventures, Force 29 Crédit agricole , Go Capital, Litto Invest
Les fondateurs 22% : Lfp Group, Hydrohelix, Sofresid Engineering (dorénavant Ekium), Dourmap,
Les industriels 22% : Geopetrol, Iwd, Farinia Group auxquels s’ajoutent GwenneG, et par GE Renewable Energy en 2021
Management et depuis 2022 : salariés 3 %
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