22/11/2017 – Discours de clôture du ministre de la Transition écologique et solidaire – Assises de l’économie de la mer – Le Havre
Monsieur le maire (Luc Lemonnier),
Monsieur le président de la région Normandie (Hervé Morin),
Monsieur le président du Cluster Maritime (Frédéric Moncany de Saint-Aignan),
22/11/2017 – Discours de Nicolas Hulot lors des « Assises économie de la mer » qui se sont tenus au Havre
Mesdames et Messieurs les élus et professionnels de la mer,
Mesdames et Messieurs,
Les Assises de l’économie de la mer se terminent au terme de cette deuxième journée au Havre.
Permettez-moi en préambule de féliciter les organisateurs pour la réussite de ce rendez-vous annuel dont l’intérêt, si j’en juge par le nombre de participants, ne se dément pas. Ce n’est pas non plus un hasard si nous sommes plusieurs au gouvernement à être venu nous exprimer devant vous, à commencer par le Premier ministre. Edouard Philippe a souhaité que nous ayons une ambition maritime pour un XXIe siècle qui sera, selon les dires, maritime. Je vais m’employer, en tant que ministre chargé de la mer, à traduire cette volonté dans les faits. J’ai toujours eu un rapport personnel très fort à la mer, pour avoir navigué, pour habiter comme beaucoup sur le littoral, alors je ne prends pas du tout cette tâche à la légère.
La France dispose d’indéniables atouts maritimes. Elle a une culture maritime forte, des connaissances et des savoir-faire qui s’expriment tant dans les succès industriels, ce n’est pas ici que j’ai besoin d’en convaincre, que dans la course au large.
L’intérêt des français pour la mer gagne du terrain. Si l’on en croit les sondages, ils seraient plus de la moitié à préférer habiter au bord de la mer.
Les atouts maritimes de la France, c’est une capacité d’influence internationale qui nous a permis, par exemple, de faire entrer l’océan dans les négociations climatiques. J’étais à Bonn pour la COP23, j’ai vu cette effervescence, cette volonté d’agir pour les océans qui, en bon état, sont la première barrière contre les conséquences du changement climatique. L’océan c’est le premier puit de carbone, et nous avons donc tout intérêt à le protéger pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 2°C. Par la production de 50% de notre oxygène, ce sont aussi les véritables poumons de notre planète. Une respiration sur deux nous vient de l’océan.
Les atouts maritimes de la France, c’est aussi et avant tout un patrimoine naturel exceptionnel qui tient à la diversité de ses côtes et de ses espaces marins en métropole et outre-mer : 11 millions de km² sous sa juridiction, 18 000 km de côte et une présence dans 4 océans, rien que ça !
La mer et le littoral fournissent de nombreux biens et services directement valorisés au plan économique. Le volume du trafic maritime ne cesse de croître, marqueur indissociable de nos économies mondialisées et depuis toujours à la source de notre développement. Les mers sont aussi un réservoir de ressources minérales ou vivantes, à travers la pêche, l’aquaculture et des biotechnologies qui alimentent nos chaînes agroalimentaires et pharmaceutiques. Le tourisme apporte à lui seul la moitié de l’économie maritime, que ce soit en emplois ou en valeur ajoutée. Le potentiel pour les énergies marines renouvelables est considérable.
Toutes les études s’accordent à considérer que les océans joueront un rôle de plus en plus fondamental pour nos économies, mais chacun mesure aussi leur fragilité. La réduction des impacts des activités maritimes sur les milieux qui les accueille est une condition sine qua non de leur développement futur. Il s’agit de rendre possible l’économie de demain.
Pour y arriver, le cadre est posé par la Stratégie nationale pour la mer et le littoral adoptée en février. Elle a clairement formulé les objectifs de transition écologique, de développement économique, de bon état écologique et d’implication internationale.
Dans ce cadre, pour réussir la transition écologique et solidaire que je porte pour la mer, je vois quatre défis à partager avec vous, et quatre leviers pour les relever.
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Le premier défi, c’est l’adaptation au changement climatique et l’atteinte du bon état écologique du milieu marin. Le changement climatique menace les écosystèmes marins et les activités associées parce qu’il modifie les conditions dans lesquelles ils se trouvent : température, acidité, niveau de la mer, régime de tempête. Les pollutions affectent les milieux, les aménagements côtiers détruisent des habitats naturels, les activités perturbent les populations animales etc. La liste des atteintes est longue.
En métropole, au travers des plans d’action pour le milieu marin, nous avons fait un effort sans précédent pour analyser la situation, discuter et définir les moyens de retrouver ou de conserver le bon état écologique du milieu marin. Nous avons la feuille de route.
Ma priorité, c’est de s’attaquer aux pollutions qu’elles soient plastiques, chimiques ou issues des rejets d’assainissement. 80% des pollutions maritimes viennent de terre, c’est un véritable fléau. La lutte contre ces pollutions doit trouver les associations entre acteurs de la mer et de la terre pour combiner les efforts, au niveau des bassins versants. Je mobiliserai spécialement les Agences de l’eau dans cet objectif, dans le cadre de leur 11ème programme.
Les écosystèmes marins des outre-mer français représentent une richesse extraordinaire de biodiversité. Environ 80% de la diversité des espèces marines se trouve dans ces territoires. Ces écosystèmes, en particulier les récifs coralliens et les mangroves, constituent un potentiel économique important au travers du tourisme ou de la pêche mais également une défense naturelle face aux épisodes climatiques.
Des projets d’envergure seront ainsi lancés pour accroître la protection de ces milieux fragiles, en développant le contrôle des activités qui s’y déroulent et en développant des opérations de restauration. L’objectif est d’atteindre à minima 75% de protection de ces récifs d’ici 2021. De même, un effort sera réalisé sur les mangroves, en lien direct avec nos collectivités ultramarines et le conservatoire du littoral, afin que 55 000 ha soient protégés définitivement en 2020.
La France dispose d’une stratégie ambitieuse en matière d’aires marines protégées. En moins de 10 ans, elle a atteint une couverture de 22% de ses eaux. Elle porte désormais son ambition à 32% d’ici 2022 avec la finalisation de l’extension de la réserve naturelle nationale des Terres Australes Françaises.
A l’échelon international, une meilleure gouvernance des océans constitue un enjeu majeur, dans le cadre des négociations onusiennes sur la biodiversité en haute-mer. Nous savons que les débats seront longs et qu’ils ne seront pas faciles. La communauté internationale y est parvenue sur le climat en décembre 2015 au travers de l’accord de Paris, nous y parviendrons aussi sur la haute mer. Je compte y travailler activement aux côtés de Jean-Yves Le Drian. La haute mer représente 64 % des océans ; nous devons agir de façon urgente pour protéger ce bien commun de l’humanité.
Et comme nous avons besoin de la mobilisation des acteurs, nous continuerons à soutenir la dynamique initiée par la plateforme océan-climat, afin de faciliter le partage d’expériences.
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La mer, c’est aussi beaucoup de potentiel. Du vent, qui nous fouette le visage, qui peut se transformer en énergie, pour éclairer nos maisons. C’est le deuxième défi qui nous attend pour la transition énergétique.
Le développement des énergies marines renouvelables représente un enjeu majeur pour la transition énergétique, et la création de nombreux emplois à terre et en mer. Le gisement est considérable, la production d’énergie renouvelable est plus régulière et importante qu’à terre, et ces technologies sont créatrices d’emplois locaux. Mais la France a pris beaucoup de retard. Ce retard sur les énergies marines, je compte bien le rattraper afin qu’elles contribuent à l’atteinte de l’objectif de 40% d’énergies renouvelables dans la consommation d’électricité en 2030.
Pour traduire les paroles en actes, j’ai proposé au Premier Ministre de simplifier les procédures. Pour les prochains appels d’offres, un « permis enveloppe » sera mis en place. Dans le cadre de cette procédure, l’étude d’impact et l’enquête publique seront réalisées par les services de l’État en amont de la désignation des candidats, qui recevront donc leur permis en même temps que le résultat de l’appel d’offres. Cela devrait permettre de réduire la durée de la procédure, afin qu’elle dure moins de 7 ans avant le premier mat, contre plus de 10 ans aujourd’hui ! Cela améliorera aussi la concertation pour une meilleure acceptabilité des projets. Il faut qu’on se le dise, on ne peut organiser la sortie des énergies fossiles et du nucléaire sans développer de façon massive -mais maîtrisée- les énergies renouvelables. J’ai aussi facilité le raccordement en confiant sa charge à Rte, qui pourra accumuler l’expérience et aller plus vite.
Nous allons lancer de nouveaux appels d’offres. Après Dunkerque, où nous attendons de très bons résultats, nous souhaitons avancer sur Oléron. Ensuite ce sera le tour de l’éolien flottant, qui est promis à un grand avenir, je le crois… A commencer, rapidement, au nord et au sud de la Bretagne, et en Méditerranée, qui a un formidable potentiel de développement. Les énergies marines ont encore beaucoup de ressources et les filières d’avenir sont nombreuses : l’hydrolien, l’énergie thermique des mers… Nous continuerons de les soutenir jusqu’au jour où nous pourrons lancer les premiers appels d’offre pré-commerciaux. L’important, c’est d’être présent sans faille dans la durée.
Il faut que nous améliorons les procédures afin de pouvoir faire rentrer ces filières dans un processus « normalisé » comme les autres énergies renouvelables, en visant à terme un appel d’offres de grande taille par an.
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Notre troisième défi est celui de la transition écologique de notre économie maritime.
En matière de transports, ce défi passe tout d’abord par une contribution du transport maritime à la réduction des gaz à effet de serre. Je porterai donc l’ambition d’une stratégie cohérente avec les Accords de Paris à l’Organisation maritime internationale dès 2018.
Il s’agit aussi de poursuivre les efforts en matière de réduction des émissions d’oxydes de soufre et d’azote des navires, à l’origine de l’acidification des océans mais aussi de conséquences graves sur la santé des personnes, notamment aux abords des ports. La santé de nos concitoyens n’étant pas optionnelle, la France portera auprès de l’OMI la création d’une zone à basses émissions en Méditerranée comme c’est déjà le cas dans la Manche. Elle veillera également à la prise en compte des risques liés aux particules fines dans la réglementation internationale. Comme nous l’avons vu dans de nombreux secteurs, c’est en posant des règles claires, qui l’on suscite l’innovation et qu’on transforme le monde.
La transition de nos filières passe avant tout par la transition de nos navires. Je souhaite donc accélérer la propulsion au Gaz Naturel Liquéfié (GNL), seule solution alternative à court et moyen terme. La réglementation sera adaptée en conséquence et un plan de soutien sera mis en place. Je constate d’ailleurs que les armateurs s’engagent résolument dans cette voie, tel Brittany Ferries avec sa nouvelle commande et CMA-CGM avec ses 9 porte-conteneurs. Le maintien d’une flotte de commerce française compétitive, que je soutiens avec Elizabeth Borne, passe par cette ambition environnementale.
La transition, c’est aussi la mise en place de la réglementation internationale sur la gestion des eaux de ballast, les efforts à mener pour éviter les collisions avec les cétacés ou les actions sur les pollutions plastiques en mer, dans le sens de la déclaration en cours de préparation à l’OMI, que je soutiens. Ce sont aussi les conditions de transport des matières dangereuses et la gestion des épaves où je souhaite que la France soit exemplaire.
L’innovation est un atout considérable pour accélérer ces transitions, en tirant notamment parti de la révolution numérique. Il s’agit de rendre les navires plus économes et plus recyclables, les chantiers navals et les ports encore mieux intégrés à leurs écosystèmes.
Nous disposons d’un outil partenarial pour travailler en ce sens : le CORICAN (Conseil d’orientation de la recherche et de l’innovation pour la construction et les activités navales). Coprésidé par Elisabeth Borne et Bruno Le Maire, il va être relancé.
La transition écologique, cela concerne aussi la plaisance et le nautisme, qui tirent directement parti du patrimoine naturel. J’accompagnerai les initiatives locales en matière de ports et mouillages exemplaires et suis impatient de voir la mise en place de la filière de recyclage des bateaux prévue en 2019.
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Notre quatrième défi concerne la transformation de nos ports de commerce. Le Premier Ministre a été exhaustif hier sur ce sujet qui lui est cher, je ne m’étendrai donc pas. Je rappellerai quand même que l’Europe a la chance d’être une péninsule et a des atouts pour développer le cabotage maritime, plus efficace d’un point de vue énergétique que les transports terrestres. Les ports sont aussi les têtes de pont indispensables pour développer une logistique terrestre massifiée, ferroviaire ou fluviale. J’ai toute confiance envers Elisabeth Borne pour mener ce travail ambitieux, en lien avec vous.
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Ces quatre défis demandent évidemment des moyens et leviers spécifiques pour passer du discours aux actes.
Le premier levier repose sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs, et notamment des collectivités. La mise en œuvre de la transition écologique et solidaire de notre société n’est pas l’apanage de l’État. C’est l’affaire de tous. Des dynamiques existent dans les collectivités, dans le monde économique et dans la société civile. Il s’agit de les valoriser, de les encourager, de les démultiplier.
Pour cela, nous nous appuierons sur les instances de concertation existantes, au niveau national comme au niveau local pour mobiliser les acteurs. Le Conseil national de la mer et des littoraux sera réuni début 2018 avec une feuille de route précise, et le comité France maritime pourra être force de propositions en son sein.
Dans les territoires, les collectivités doivent être mises en capacité de jouer leur rôle : la rencontre entre la terre et la mer passera par leur plus grande implication.
Les Régions le sont au niveau stratégique, celles qui le souhaitent doivent être étroitement associées à l’organisation de la planification des espaces maritimes, en particulier pour le développement des nouvelles activités en mer.
Dans le cadre de la révision des contrats de plan Etat-Régions en 2018, un volet maritime sera prévu afin de contribuer entre autres à la mise en œuvre des Stratégies maritimes de façade.
L’échelle intercommunale, quant à elle, est l’échelle privilégiée pour le développement de projets de territoires à l’interface terre-mer.
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Le 2nd levier pour la mise en œuvre de cette transition repose sur la planification en mer. Cette planification vise à améliorer la coexistence entre les usages et assurer leur compatibilité avec le milieu. Elle passe par l’élaboration de stratégies maritimes de façade. Celles-ci fixeront des objectifs stratégiques et donneront une carte des vocations. Cela apportera de la visibilité aux acteurs économiques sur les conditions possibles de développement de leurs activités tout en garantissant une bonne prise en compte des écosystèmes marins.
J’ai décidé d’accélérer le calendrier. Les projets de stratégies maritimes de façade seront prêts au second semestre 2018 pour la consultation finale des instances et du public. L’adoption finale pourra alors intervenir au printemps 2019.
Dans cette perspective, je lancerai en janvier prochain une concertation préalable du public, pour que tout citoyen intéressé puisse participer à cet exercice. Les contributions seront versées au débat au sein des conseils maritimes de façade ou via l’organisation d’ateliers citoyens.
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Enfin, il est toujours important de balayer devant sa porte avant d’agiter le chiffon rouge. C’est pourquoi je vais engager un chantier de modernisation de l’administration maritime.
Cette transition que je porte, elle doit aussi se faire au sein de notre administration. Composée de femmes et d’hommes de grande qualité, celle-ci doit être modernisée et se repositionner sur les enjeux d’avenir, qu’il s’agisse de pollutions, de navires autonomes ou téléopérés, de sûreté ou de soutien aux filières économiques durables. J’encourage les armateurs et les industries navales à faire remonter les projets innovants, afin que l’administration puisse les accompagner.
Du point de vue organisationnel, l’objectif du zéro papier doit pouvoir être tenu, sans pour autant renoncer à une capacité d’accueil sur les territoires.
Je suis particulièrement sensible aux enjeux de formation et me satisfait de cette nouvelle ambition pour l’ENSM, en maintenant une présence locale à Nantes et Saint Malo. La formation est un élément clé de la politique d’attractivité des métiers maritimes, aux côtés de la sécurité sociale du marin, l’ENIM.
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Enfin, la clef de notre réussite pour la transition passe par la mobilisation des acteurs à tous les niveaux. En ce sens, l’éducation à l’environnement est fondamentale. Mobiliser les jeunes publics et les intégrer à nos démarches est crucial.
C’est pourquoi, nous avons prévu, conjointement avec les ministres de l’éducation nationale et de l’outre-mer, l’engagement dans la création d’aires marines éducatives de 55 écoles, pour cette année scolaire. Je me félicite de cette initiative pilotée par l’Agence française pour la biodiversité.
Cette démarche née en Polynésie est exemplaire, car elle génère la mobilisation de tous les acteurs d’un espace maritime autour d’un projet de territoire animé par les élèves. Elle incarne l’innovation dont sont porteurs notre jeunesse et nos collectivités ultra-marines pour les solutions de demain, celles fondées sur la nature et qu’il nous faut développer.
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Je terminerai ce discours en partageant avec vous une profonde conviction. Les océans sont parfois vus comme le nouvel eldorado. Il ne faut pas répéter les abus qu’il y a pu y avoir sur terre, en mer. Il nous faut garantir un développement de la mer équilibré, qui permette de préserver la vie qu’elle abrite, source de richesses pour nos sociétés.
Nous avons une communauté d’origine avec les océans mais nous avons aussi une communauté de destin. La façon dont on traitera les océans sera déterminante pour notre avenir. Sans mauvais jeu de mot, faisons que cet océan soit pour les Havrais et tous les français, ce « Havre » de paix tant apprécié lorsqu’on vogue sur les flots. Je vous remercie.
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