France – 05/07/2021 mis en ligne le 02/07/2021 – energiesdelamer.eu. Didier Holleaux, DGA du groupe Engie explique comment Engie entend aborder le vecteur hydrogène dans le cadre de la stratégie du groupe avec l’objectif clair d’accélérer la transition énergétique pour s’orienter vers une économie neutre en carbone.
Engie s’est engagé dans la production d’hydrogène et plus particulièrement d’hydrogène vert. Actuellement, pour des raisons économiques, l’hydrogène, vecteur énergétique est issu à 95 % de la transformation d’énergies fossiles, dont pour près de la moitié à partir du gaz naturel. Est-ce une nouvelle phase de développement national et international pour ENGIE ?
Didier Holleaux – Oui, l’essentiel de l’hydrogène aujourd’hui produit l’est à partir de gaz naturel, et produit donc du CO2 de manière importante. Mais Engie, pour sa part, s’intéresse uniquement à produire de l’hydrogène avec une faible émission de carbone, c’est à dire de l’hydrogène que l’on appelle « vert » qui est produit par électrolyse de l’eau avec de l’électricité renouvelable (éolien terrestre et en mer, solaire, hydraulique). Engie s’intéresse également à l’hydrogène naturel (parfois appelé « blanc ») qui est émis naturellement par la terre par suite de processus chimiques spontanés. Nous faisons de la veille également sur d’autres procédés (fabrication à partir de biomasse, de bactéries, de solaire par photolyse directe, etc.). Nous pensons que ces différentes formes d’hydrogène sans émission de carbone sont un vecteur énergétique essentiel pour la transition qu’il faut accomplir d’ici 2050.
En ce qui concerne l’hydrogène vert, Engie a annoncé un objectif de 4 GW de projets pour 2030.
Comment pensez-vous lier hydrogène et éolien en mer ?
DH – L’éolien en mer est une très bonne source d’électricité décarbonée pour produire de l’hydrogène. En effet, les éoliennes offshore produisent plus et plus longtemps que les éoliennes onshore ou que le solaire photovoltaïque. Leur facteur de charge peut dépasser 50 %, ce qui permet de faire fonctionner les électrolyseurs de manière beaucoup plus continue qu’avec d’autres sources d’électricité renouvelable et diminue le coût de l’hydrogène produit. Dès lors, l’idée de coupler éolien en mer et production d’hydrogène est naturelle. Il restera à voir si la production d’hydrogène se fera elle-même offshore, avec transport de l’énergie par gazoduc, ou à terre avec transport par câble sous-marin. Pour que ce genre de projet se développent en France, il faut avant tout que nous rattrapions notre retard dans le développement de l’éolien en mer qui est dû à des procédures beaucoup trop longues.
Est-ce qu’il convient d’effectuer des études environnementales avant de choisir les zones de production d’hydrogène ou sont-elles déjà déterminées ?
DH – Comme toute installation industrielle, une plate-forme de production offshore d’hydrogène devra donner lieu à une étude d’impact environnemental. Nous n’avons néanmoins aucune raison de penser que cette unité de production posera des problèmes environnementaux importants. Si elle est associée avec une ferme éolienne offshore c’est l’impact de l’ensemble qui devra être évalué. À ma connaissance, la France n’a pas identifié à ce jour de zones offshore dédiée à l’hydrogène.
Le 11 juin en Conseil des Ministres de l’énergie, les Etats-membres devaient prendre position sur la révision du réglement « TEN-E », qui vise à orienter le développement des infrastructures énergétiques en Europe pour les prochaines décennies, et définit celles qui pourront bénéficier d’aides publiques de l’UE. 11 pays de l’UE, selon un document conjoint de l’Autriche, de la Belgique, de l’Allemagne, du Danemark, de l’Estonie, de l’Espagne, de l’Irlande, du Luxembourg, de la Lettonie, des Pays-Bas et de la Suède, ont pris position contre le maintien du gaz a rapporté Reuters le 1er juin dernier.
Les négociations ont notamment porté sur une stratégie de l’hydrogène pour une Europe climatiquement neutre. Claude Turmes, Ministre de l’Energie et Ministre de l’Aménagement du territoire du Luxembourg a notamment précisé: » J’espère que les négociations avec le Parlement Européen permettront de combler ces lacunes. L’avenir n’est plus aux énergies fossiles mais à l’électrification et à l’hydrogène renouvelable « .
DH – Tous les pays européens sont d’accord pour travailler dans l’objectif d’une économie zéro carbone en 2050. On constate néanmoins des différences entre pays sur la méthode pour y parvenir. Ces différences proviennent essentiellement de la situation objectivement très variée des pays en 2020. Dans le cas de l’Allemagne ou de la Pologne, qui ont encore massivement recours au charbon, voire au lignite, la substitution de ce charbon par le gaz naturel permet une économie de CO 2 de l’ordre de 60 pour 100 à puissance équivalente, ce qui est considérable et permet d’accélérer la transition. La question se pose de savoir si des infrastructures supplémentaires sont nécessaires pour permettre cette substitution charbon-gaz. Il est probable que peu d’infrastructures nouvelles seront nécessaires. Néanmoins nous devons garder en tête que les réseaux et stockage de gaz n’ont aucune raison de cesser de fonctionner au motif qu’il n’y aurait plus de gaz naturel en Europe. En effet, le mouvement est déjà engagé pour substituer du biogaz (essentiellement produit à partir de déchets d’origine agricole) ou de l’hydrogène vert au gaz naturel qui transite actuellement dans ces tuyaux et stockage. Dans le cas de la France, une étude ADEME de 2018 a montré que le pays pourrait fournir 300 térawattheures de gaz renouvelable en 2050, ce qui veut dire la totalité du besoin de gaz anticipé à cette date. Dans cette hypothèse une partie des infrastructures de gaz existantes continuera de transporter du (bio)méthane, tandis qu’une autre partie transportera de l’hydrogène (vert).
Illustration : ©WindFloat Atlantic
POINTS DE REPÈRE
Didier Holleaux est également Président d’Eurogas
L’étude « Un mix de gaz 100% renouvelable en 2050 ? » conduite par l’ADEME en collaboration avec GRDF et GRTgaz, s’inscrit dans la continuité des travaux publiés en 2016 – 2017, et concerne la seconde énergie la plus consommée en France, le gaz. L’ADEME y a exploré les conditions de la faisabilité technico-économique d’un système gazier en 2050 basé à 100 % sur du gaz renouvelable.
Les travaux se sont appuyés sur le scénario énergétique ADEME 2035-2050 actualisé avec un niveau de demande finale en 2050 en gaz de réseau de l’ordre de 300 TWh contre 460 TWh en 2018.
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