France – 30/03/2020, mise en ligne le 19/03/2020 – energiesdelamer.eu. Le 11 mars 2020 s’est tenue la 2ème université d’Hiver de la Fondation e5t sur la transition énergétique au sein des locaux de l’ISCID-CO, école de commerce affiliée à l’ULCO (Université Littoral Côte d’Opale). Le titre de la journée « Ports et transport maritime : Nouvelles routes – Nouvelles énergies » évoque déjà l’étendue des échanges et la richesse des problématiques.

energiesdelamer.eu, partenaire média de l’université d’Hiver, a proposé à Éric Vernier et L’Hocine Houanti d’en rédiger le compte rendu. Les points de repère sont de la Rédaction.

Par Éric Vernier [1] et L’Hocine Houanti [2]

La thématique est particulièrement appropriée à Dunkerque, ville de la mer et du grand port, engagée dans la transition vers les énergies nouvelles et plus propres.

Jean-Yves Frémont, 1er Vice-Président au développement économique et chargé notamment des relations portuaires, a ouvert la 2ème universitéMM FM FS 11 03 020 Dunkerque e5T de Dunkerque. Il a énuméré des projets phares et présenté les efforts accomplis dans ce sens par Dunkerque et la Communauté urbaine (CUD) tels que :

l’appel d’offre pour le parc éolien en mer remporté par EDF Renouvelables, Innogy et Enbridge (*) d’une puissance de près de 600 MW avec un tarif d’achat de l’électricité produite de moins de 45€, le plus bas de France enregistré à ce jour),

l’hydrogène utilisée pour les bus – dont l’accès est 100% gratuits – et certains logements,

le doublement des réseaux de chaleur [3] utilisés pour chauffer 16 000 foyers, la nouvelle piscine et le centre hospitalier de Dunkerque,

le projet TIGA [4] avec €288 millions de financement public -privé (70 partenaires et 15 thèmes),

« Dunkerque l’Énergie Créative » pour le Grand port maritime, dans le but d’inventer l’écosystème industrialo-portuaire du XXIe siècle en conjuguant compétitivité, préservation de l’environnement et qualité de vie de ses habitants.

Le Grand Port Maritime (GPM) de Dunkerque est, en effet, un acteur important dans cette transition à travers plusieurs actions dont deux essentielles. La première est liée au développement du GNL avec incessamment l’ouverture d’une station d’avitaillement GNL. La seconde est relative au branchement électrique à quai des navires commerciaux dont le GPM est le premier à en offrir la possibilité en Europe.

90 % des échanges commerciaux mondiaux passent par la mer

Dès le lancement de cette journée, le constat établi est édifiant. En effet, 90 % des échanges commerciaux mondiaux passent par la mer et 50 % de ces trajets sont effectués par des bateaux alimentés par du fioul. Cette situation vient aggraver le constat lié au changement climatique, les émissions de CO2, l’élévation du niveau de la mer… et donne tout son sens à cette conférence dont le but principal est d’apporter une contribution à la réflexion globale sur le rôle important que doit jouer le transport maritime dans la transition énergétique.

Les intervenants et les thèmes 

La création de la Coalition (**) pour la «Transition écologique et énergétique du maritime», initiée par le Cluster Maritime Français (CMF) en partenariat avec l’ADEME.

 

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Frédéric Moncany, président du CMF, confirme l’existence d’un véritable engagement des acteurs de la mer dans cette transition. Il l’a démontré par la multitude d’initiatives, de modèles et de stratégies engagées. Leur coordination est d’autant plus difficile que ces dernières ne sont pas toujours connectées entre elles.

 

Ces actions engendrent des données riches et diverses, mais pas forcément très structurées, qu’il faut absolument prendre en compte et la création de la Coalition**.

Évidemment, la mise en route de telles démarches s’avère très compliquée puisque liées à l’activité de la mer, terrain plus complexe, comme l’a souligné François Soulet de Brugière***, administrateur de l’AUTF, notamment à cause de la multitude d’acteurs et la contradiction de leurs intérêts.

La route solaire et le dernier km : des innovations qui pourraient être adoptées par les ports

Les innovations sous toutes leurs formes (produit, processus…) sont des leviers importants pour aider la transition énergétique. L’exemple de WattWay by Colas est très riche en matière d’innovation. Il représente une nouvelle technologie de revêtement des routes. Le point de départ étant un constat établi selon lequel seul 10 % des infrastructures routières sont exploitées, laissant disponibles les 90 % restantes. D’où l’idée de revêtir ces routes par des dalles[5] équipées de panneaux photovoltaïques qui permettent de capter l’énergie solaire et de la conduire vers les infrastructures électriques adéquates. Ce concept a nécessité 5 ans de R&D et est aujourd’hui expérimenté sur 50 sites. Les ports disposant d’énormément de foncier disponible peuvent être équipés dans ce sens.

La problématique du dernier kilomètre constitue pour les professionnels du secteur un vrai casse-tête tant c’est un élément très technique, cher et qui engendre un impact environnemental important. Ce qui incite à chercher des solutions optimales sachant qu’il n’y a pas de solution miracle. Sur la question énergétique, il existe des propositions pour assurer le dernier kilomètre/mètre : véhicule hydrogène, GNL, BioGNV, BioGPL, éthanol, ED95 nouveau carburant, issu de résidus viniques et homologué en France depuis 2016.

L’idée étant de piocher dans cette mixité énergétique pour réduire l’impact carbone tout en répondant aux contrainte des organisations qui assurent cet acheminement, notamment le coût et les contraintes techniques (ex : un véhicule électrique fera moins de kilomètres qu’un véhicule thermique). Ce point soulève des questions comportementales concernant les consommateurs qui veulent être livrés le plus rapidement possible mais aussi gratuitement et qui engendre bien sûr des émissions de CO2. L’enjeu de «comment mieux et moins consommer» est crucial, la question des packagings est urgente car elle pose des soucis écologiques (cartons largement plus grands que le produit livré…).

L’enjeu des emballages

Dans ce domaine, Cdiscount a créé sa propre machine, capable de scanner la commande et de déterminer la dimension la plus ajustée du colis. Le produit commandé sera alors préparé dans l’emballage adapté, procurant ainsi un remplissage supplémentaire de 30 %. Cette innovation est brevetée et ne peut donc malheureusement pas être utilisée par les concurrents. La protection du colis est un enjeu pour permettre sa réception en bon état par le client final. Rappelons cependant la gestion des colis, souvent organisée via tri par gravité qui consiste à faire tourner les colis sur une roue, ces derniers tombant dans le panier correspondant, avec un risque évident de détérioration si le conditionnement est insuffisant.

La question de l’autonomie a aussi été soulevée, notamment dans le cas des transports par drone, qui représente une solution pour le dernier kilomètre mais qui pose aussi des difficultés, essentiellement dans les espaces urbains (risque de chute sur les populations…).

La définition de l’urgence semble devoir être redéfinie. Selon François Soulet de Brugière, trois raisons expliquent les commandes express : la simplicité de la facturation (1 ligne), le patron qui explique systématiquement à son assistante qu’il faut que ça parte vite, cette dernière prenant l’ordre à la lettre, et enfin un tiers des gens qui pensent qu’à l’autre bout c’est urgent. Or, on se rend souvent compte que ce n’est pas le cas.

L’ouverture et les contraintes des nouvelles routes maritimes

Les nouvelles routes maritimes peuvent constituer une des solutions à la problématique de la transition. Plusieurs intervenants sont revenus sur leurs expériences de navigation. La route du Nord qui relie Shanghaï à Rotterdam compte une distance de 15 100 km contre 19 700 km pour l’actuelle route qui passe par le Canal de Suez, et permet donc d’économiser une distance appréciable qui peut être synonyme de réduction de la consommation énergétique. Christian Dumard, routeur  habituel des skippers de la course au large, a réalisé la traversée de la route du Nord sur son voilier. Les conclusions tirées sont édifiantes. Malgré les distances gagnées, cette nouvelle route souffre de plusieurs contraintes : routes compliquées, vents forts, coûts très élevés à cause à la fois de l’insécurité qui règne dans cette région mais aussi de la nécessité de l’accompagnement tout au long du trajet par un brise-glace qui ouvre la voie. La CMA-CGM a pris finalement la décision de ne pas emprunter cette route pour les raisons évoquées.

La transition chez les énergéticiens

La table ronde animée par Joël Jacquet, Dir. recherche EIGSI à La Rochelle, a permis de croiser deux expériences. Les énergéticiens ont aussi intégré la nécessité d’accélérer la transition et ainsi développent des innovations importantes. Dans le plan stratégique Cap 2030 d’EDF, comme l’a expliqué Thierry Meunier, Chargé de mission mobilités bas carbone ports et aéroports, l’accent est et sera mis sur plusieurs points centraux concernant la transition énergétique et émanant à la fois de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) et du Programme Pluriannuel Énergie (PPE).

Le premier est le rapprochement Client à travers des actions telles que le pilotage énergétique local (décentralisation), la mobilité électrique et l’autoconsommation… le but étant d’accompagner les clients dans leurs démarches d’économie d’énergie et de consommation raisonnée. L’accent est mis aussi sur le développement des énergies propres : photovoltaïque, éolien offshore (2 à 3 GW en projet) et terrestre, thalassothermie… EDF veut aussi faire passer la part des énergies renouvelables hors hydraulique de 3 % aujourd’hui à 30 % en 2030.

Ces efforts lui permettront de rester le leader mondial de l’énergie décarbonée. EDF est très présente dans les ports pour alimenter à la fois les infrastructures mais aussi les industries présentes. Aujourd’hui, le potentiel du photovoltaïque est important grâce, entre autres, au foncier conséquent (10 700 hectares de foncier au port du Havre). L’alimentation des navires à quai est aussi un défi en termes d’infrastructures (déjà vieillissantes) mais surtout en termes de coûts qui avoisinent les €10 millions pour les grands navires comme ceux affrétés par CMA-CGM.

Le stockage / SWAC / Economie circulaire

La question du stockage de ces énergies est en projet pour aussi permettre une disponibilité continue afin de faire face à des périodes de pic par exemple. La thalasso-thermie représente aussi une source pour EDF avec un projet en cours à Boulogne/mer et un autre réalisé à Marseille avec une boucle d’eau de mer par pompe à chaleur (SWAC) qui alimente 28 000 m² d’habitat et de commerces avec 80 000 m² en ligne de mire. L’économie circulaire trouve également tout son sens à travers un projet à Dunkerque qui consiste pour EDF de pouvoir adapter les besoins froid/chaud des opérateurs et en assurer les échanges.

Le port d’Anvers : une transition énergétique

Marc Delbeke a présenté les investissements faits par le Port d’Anvers (13 000 hectares) et sa stratégie «  transition énergétique », axée entre autres sur :

. les énergies durables :  avec un passage de 50 éoliennes terrestres à 100, l’énergie méthanol, la vapeur énergie, l’hydrogène, un projet de transformation des déchets des industries pour produire à la fois de la vapeur et du chauffage avec une réelle économie de 100 000 tonnes de CO2… ;

. l’industrie durable : le port prévoit de détruire le bâti sur 9 hectares pour accueillir des industries circulaires, des projets solaires à concentration avec 1 100 m² de parcs à miroirs solaires qui produisent une chaleur pouvant atteindre 400 degrés, une filière gaz (captage de CO2 pour le liquéfier, l’envoyer par pipeline vers la mer du nord et le stocker dans des réserves anciennes de gaz naturel*) avec un budget de 500 millions d’euros, déchets plastiques à recycler…

. le maritime durable : avec le projet multi fioul port, l’alimentation électrique pour les barges, la multiplication du nombre de remorqueurs à hydrogène en passant de 2 en 2020 à 8 dans quelques années.

L’accent est mis dans le cadre de tous ces projets sur le partenariat avec les entreprises privées expertes de ces domaines ou présentes sur les sites concernés.

L’ULCO lance une nouvelle formation « génie-énergie et environnement »

Iratxe Calvo-Mendieta, Maître de Conférences à ULCO ENERULCO, a présenté le projet ENERULCO, issu d’une réflexion interne entre des professionnels de l’énergie et un groupe de personnels de l’ULCO. Il a débuté en avril 2016 dans le cadre plus général de la dynamique Campus zéro carbone de la ComUE Lille Nord de France. Enerulco est conçu comme un projet global pour tous les usagers de l’Université du Littoral-Côte d’Opale (personnels et étudiants) et il s’intéresse aux dimensions techniques et comportementales de la sobriété énergétique dans les établissements publics.

Alexei Sentchev ****, Professeur département de physique ont successivement mis en avant les engagements de l’université du Littoral Côté d’Opale (ULCO): une nouvelle formation « génie-énergie et environnement » qui verra le jour à la rentrée prochaine ; une recherche scientifique de très haut niveau sur la thématique de la transition énergétique marine avec trois exemples de projets de recherche présentés. Au Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG) de l’ULCO, Alexei Sentchev a notamment rappelé la thèse soutenue par Maxime Thiébault en 2017 sur « Caractérisation des ressources hydrocinétiques en Manche et étude d’impact de la turbulence sur l’efficacité de systèmes de récupération d’énergie tidale » (HAL).

Les PPT d’Alexei Sentchev sur les EMR.

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Le mot de la fin de Myriam Maestroni, Présidente d’e5t, peut se résumer en trois points :

  • Il faut agir maintenant et rapidement…
  • dans une vision partagée et concertée…
  • pour une transition énergétique et numérique réussie.

Rendez-vous en mars 2021 à l’université d’Hiver de Dunkerque et auparavant les 26 et 27 août 2020 pour l’université d’Eté d’e5T à La Rochelle.

Points de repère

Le compte rendu a été complété le 30/03/2020 avec les PPT et le résumé de la thèse soutenue par Maxime Thiébault en 2017 sur la « caractérisation des ressources hydrocinétiques en Manche et étude d’impact de la turbulence sur l’efficacité de systèmes de récupération d’énergie tidale ».

[1] Directeur de la Chaire Commerce, Échanges & Risques internationaux (CERi) à l’ISCID-CO, Vice-président d’e5t.

[2] Professeur associé à La Rochelle BS, Référent e5t pour Excelia Group.

[3] Le résidu chaleur fatale des industries qui est récupéré et remis dans le réseau de chaleur.

[4] TIGA

[5] Ces dalles mesurent 1 m² et 6 mm d’épaisseur.

(*) – 14/06/2019 – Le parc éolien en mer de Dunkerque

(**) – Coalition en partenariat avec l’ADEME, rejoints par des Fédérations, Entreprises, Centres de recherche et Pôles de Compétitivité Mer, ont décidé de travailler en Coalition pour entraîner l’ensemble des acteurs, accélérer les travaux engagés et réussir la transition écologique et énergétique sera présenté lors du congrès international de l’IUCN en juin à Marseille.

(***) François Soulet de Brugière administrateur de l’AUTF (Association des Utilisateurs de Transport de Fret) et ancien Président délégué de l’Union des Ports de France.

(****) Alexei Sentchev est membre du Comité scientifique de la manifestation scientifique « 4th International Conference on Renewable Energies Offshore RENEW 2020 du 12 au 16 octobre au Portugal ».

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A noter : MerVeille Energie #2, « Energies Marines : Un océan de recherche (s), une industrie et des chercheurs en actions », numéro dédié à 21 thèses et communications scientifiques, essentiellement sur les éoliennes en mer, trimestriel paru en février 2020, a été présenté par Myriam Maestroni en ouverture à l’occasion de l’université d’hiver d’e5T de Dunkerque.

 

 

 

 

31/10/2018 – Dunkerque LNG change d’actionnaires. Fluxys a conclu avec ses partenaires de consortium AXA Investment Managers – Real Assets, agissant pour le compte de ses clients, et Crédit Agricole Assurances, la transaction qui permet le rachat de l’ensemble à EDF et Total.

Dès 2016, l’Autorité portuaire d’Anvers a accordé à ENGIE  une concession de 30 ans pour la construction et l’exploitation d’une plateforme qui fournira du GNL, du GNC et de l’électricité pour le transport fluvial et routier. Ce « Hub » composé d’une station de recharge au gaz naturel liquéfié (GNL) pour la navigation fluviale et le transport routier, d’une station-service au gaz naturel comprimé (GNC), ainsi que des bornes de recharge rapide pour véhicules électriques. Avec ce Hub, ENGIE et le Port d’Anvers franchissent un pas important dans la transition énergétique en rendant le secteur du transport plus durable. La concession a débuté le 1er octobre 2016 et les premières installations étaient opérationnelles dès la fin 2017.

L’entreprise portuaire est déjà active dans le domaine du GNL depuis plusieurs années : au travers du « GNL Masterplan Rhin-Main-Danube », le Port d’Anvers collabore avec 32 partenaires dans toute l’Europe pour faire du GNL une solution incontournable dans le transport maritime. D’une part, le Port souhaite stimuler l’utilisation du GNL comme carburant pour la navigation fluviale. D’autre part, les navires pourront livrer du GNL aux ports de l’arrière-pays en Europe. Grâce à la réalisation de ce Hub, le GNL sera disponible de manière permanente dans le Port d’Anvers.


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