BREST – (France-U.E) – 16/10/2009 – 3B Conseils – Concernant les énergies renouvelables de la mer en France, les entretiens Science et Éthique, organisés par 3B Conseils qui s’achèvent à Brest aujourd’hui, ont permis de mettre en lumière, au fil des diverses interventions, l’immense fossé qui sépare les intentions de la réalité. Le tout teinté d’un certain attentisme, voire de pessimisme au moment même où beaucoup s’accordent à reconnaître pourtant que « les énergies marines sont à la mode ». Pour quelqu’un comme moi qui reçoit plutôt en priorité l’écho de ce qui se passe sur le plan international, ce constat est troublant. La déclaration faite par la Préfecture Maritime de l’Atlantique (que j’ai citée hier) à propos de » l’objectif fixé par le Grenelle de la Mer d’atteindre 6000MW d’énergies renouvelables marines pour 2020 » et le constat officiel qu’ « en 2009 la puissance installée est de 0 MW » a frappé les esprits. Mais plutôt que de se dire qu’il y a 6000 MW à produire, et donc qu’il y a du boulot, la tendance est à se renvoyer la balle et à insister sur la difficulté voire l’impossibilité à tenir cet objectif. Cette « impossibilité » serait de plusieurs natures :
– technologique d’abord : selon certaines déclarations en effet la France n’est leader dans aucune énergie renouvelable marine ; tout est encore du domaine de la R&D ou dans le meilleur des cas au stade de prototype.
– administrative et juridique : l’État ne faciliterait pas autant qu’il veut le laisser penser la tâche des acteurs sur le terrain. Il est vrai que bien qu’il faille officiellement 18 mois entre le dépôt de permis de construction d’un parc éolien offshore et sa réalisation, le premier parc éolien offshore, qui a lancé la procédure il y presque 5 ans, attend toujours l’installation de la première éolienne !
– financière : presque aucune des sociétés agissant dans le domaine des énergies renouvelables marines en France n’est cotée en bourse ou ne présenterait une surface financière suffisante pour attirer les capitaux (et éventuellement la confiance!).
Ces arguments ne sont pas une exclusivité française. On les retrouve cités en partie, dans plusieurs pays industrialisés (y compris et à commencer aux Etats-Unis d’ailleurs). Seules exceptions : certains pays du Nord de l’Europe.
Le Président de la République a déclaré qu’il serait criminel de ne pas prendre en compte les énergies marines eu égard à la place occupée par le domaine maritime français (le 2e mondial). Voilà pour l’intention, avec laquelle on ne peut être qu’en accord. Mais dans les faits le financement de ces énergies est suspendu à la récolte du futur « grand emprunt national » et reste cantonné dans le domaine de l’expérimental duquel on a l’impression qu’il ne sortira pas avant longtemps alors que dans d’autres pays – quoi que l’on dise – la phase industrielle et commerciale est déjà entamée. Certains intervenants n’ont pas hésité à dénoncer le bluff (!) qui entourerait les déclarations des acteurs internationaux dans le domaine des énergies marines. Chacun se présentant comme leader dans son domaine alors que la réalité serait toute autre : tous en seraient, en gros, au même stade de développement. S’il est vrai que la communication de certaines compagnies peut paraitre « enthousiaste », on va dire, il n’en demeure pas moins que des prototypes fonctionnent en mer, que certains entrent en phase commerciale, et que des parcs éoliens en mer fournissent bel et bien de l’électricité aujourd’hui quelque part dans le nord de l’Europe. La France elle-même par l’intermédiaire de DCNS s’engage de façon visible dans la fabrication d’un prototype E.T.M. mais pas seulement E.T.M. (cf. l’article d’hier). Quant à LA technologie marine dans laquelle la France est réellement leader, la marémotricité (avec l’usine marémotrice de la Rance), il est de bon ton de faire la fine bouche à son sujet alors que l’on sait maintenant qu’EDF EN n’hésite pas à en exporter le modèle aussi bien en Corée qu’au Royaume-Uni, puisque le distributeur français serait (et ceci est un verbe au conditionnel) un des acteurs du nouveau format, plus éco-respectueux, d’usine marémotrice en cours de construction dans l’estuaire de la Severn. Peut-être faudrait-t-il que le baril de pétrole fasse de nouveau un bond au-dessus de 100 dollars pour que l’on pose sur les énergies de la mer ce regard enamouré que l’on avait posé l’année dernière à peu près à la même époque.
Pour l’instant on est loin du compte et il paraît urgent d’attendre.
Pour Michel Rocard qui répond aujourd’hui dans les entretiens Science et Ethique aux questions d’Hubert Coudurier du Télégramme et de Sylvie Andreu de France Culture : » On ne se débarrassera pas du pétrole comme ça, hélas. C’est un peu un rêve. Combien de temps il nous faut pour supprimer tout le parc automobile ? Probablement 20 ou 30 ans et même la voiture électrique sera rechargée avec une électricité qu’il faudra bien produire. Et dans l’électricité, on aura toujours un petit mix. »
Les énergies de la mer seraient donc les mal-aimées des énergies renouvelables ? En France il faut tout de même constater que c’est une évidence, malgré les talents et les compétences dans le domaine.
Aujourd’hui table ronde consacrée à l’économie et au financement des Energies renouvelables marines sur laquelle je reviendrai plus en détails la semaine prochaine avec la participation de Jean-Michel Gauthier Associé Directeur Deloitte, responsable mondial Energie et Ressources Deloitte, fondateur de la Chaire Energie & Finance HEC-Deloitte, Jean-Michel Maingain (Federal Finance), Jean-Marc Daniel, économiste, directeur de la revue » Sociétal », et
Alain Clément de L’Ecole Centrale de Nantes, porteur du projet de convertisseur d’énergie des vagues SEAREV.
Article : Francis ROUSSEAU
Sources : Entretiens Science et Ethique 2009
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